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transportparis - Le webmagazine des transports parisiens
pistes cyclables
20 octobre 2020

A propos des aménagements sur la ligne 62

La ligne 62 Porte de Saint Cloud - Porte de France est un des axes les plus fréquentés du réseau d'autobus dans Paris. Son exploitation est difficile car la circulation sur les artères empruntées est dense et les nombreux commerces sur plusieurs secteurs linéaires génèrent des besoins conséquents pour les livraisons. Les aménagements pour les autobus sont très limités, et parfois difficilement utilisables, notamment quelques sections où un couloir pour les autobus avait été matérialisé mais d'une largeur inférieure au véhicule.

Deux aménagements ont retenu notre attention car si l'un semble plutôt aller dans le bon sens, l'autre constitue une nouvelle illustration des contraintes supplémentaires sur l'exploitation et la qualité de service des autobus parisiens.

Rue d'Alésia : sens unique et contresens pour les autobus

La rue d'Alésia a été mise en sens unique pour la circulation générale (sens est-ouest) tandis que le sens ouest-est est réservé aux autobus et aux véhicules d'intervention. Une bande cyclable a été créée vers l'ouest tandis que la voie pour les autobus vers l'est est large pour faciliter le dépassement des vélos par les autres utilisateurs. Le résultat semble assez intéressant car le trafic de transit est évidemment plus limité et la circulation des autobus est plus facile. Mais il faudra veiller aux effets de bords sur les axes affluents et parallèles...

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Paris - Rue d'Alésia (carrefour de l'avenue du Général Leclerc) - 25 septembre 2020 - On aperçoit les anciens marquages effacés sous la désormais incontournable signalétique provisoire. On notera d'ailleurs que la mention "Danger Ecole" a disparu (on se demande en quoi une école peut être dangereuse pour le trafic routier... c'est plutôt l'inverse !). L'autobus circule sur une voie interdite au transit : seuls riverains, taxis, livreurs et véhicules d'intervention peuvent l'utiliser. Le trafic est effectivement plus fluide sur ce tronçon de la difficile ligne 62. Il y a donc du mieux. © transportparis

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Paris - Rue d'Alésia - 25 septembre 2020 - Outre la floraison de quilles et murettes en béton (cette fois un peu plus fine), les panneaux routiers ont certes doublé la mention du contresens pour autobus... mais avec un seul panneau de sens interdit. © transportparis

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Paris - Rue d'Alésia - 25 septembre 2020 - Sur la ligne 62, le service est assuré par des Citélis 18 à 3 portes et des Urbanway hybrides à 4 portes. On peut aussi noter sur ce cliché la position assez aléatoire des murettes délimitant la piste cyclable... © transportparis

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Paris - Rue d'Alésia - 25 septembre 2020 - L'axe jadis très encombré semble avoir profité de l'évolution du sens de circulation : l'impact sur le fonctionnement de la ligne 62 devra être évalué dans le temps. Un tel dispositif sera-t-il étendu à d'autres portions de cette importante rocade ? © ortferroviaire

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Paris - Rue d'Alésia - 25 septembre 2020 - Enfin, en voilà un : pour compléter notre illustration sur le parc de la ligne 62, voici un Urbanway articulé dans la nouvelle (et toujours triste) livrée Ile de France Mobilités. Et même un vélo (le premier sur la série de clichés). © transportparis

Porte de Saint Cloud : précarité voire danger pour les usagers du 62

Une piste cyclable à double sens a été réalisée sur l'extérieur du giratoire. Ayons d'abord une pensée pour les cyclistes qui vont essayer d'utiliser cette piste dans le sens des aiguilles d'une montre à l'envers de la circulation générale, pour essayer de traverser les axes rayonnant sur la place... et aux usagers de ces voies à l'arrivée sur le giratoire qui ne s'attendent pas à voir arriver des flux dans les deux sens. Déroutant... et potentiellement dangereux.

Sur le flanc sud-ouest, la nouvelle piste cyclable crée une coupure dans le terminus des autobus. Un mini-trottoir en bitume, aux bordures bien peu visibles, a été aménagé pour les voyageurs des lignes PC et 62. Compte tenu de la propension à accumuler plusieurs véhicules au terminus, la réduction de la chaussée peut impacter l'exploitation de la ligne 62 et la commodité pour les voyageurs... qui doivent donc traverser une piste cyclable pour effectuer leurs correspondances entre lignes d'autobus ou pour accéder à la station de métro.

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Paris - Porte de Saint Cloud - 10 octobre 2020 - Un trottoir des plus réduits, mal délimité (où sont les normes d'accessibilité pour les personnes à mobilité réduite ? bande d'éveil, contraste du trottoir ?), des conditions d'attente précaires (pas de siège, pas d'abri... tous de l'autre côté de la piste cyclable)... et une tendance à la rétention d'eau (derrière le passage piéton) pas confortable non plus pour les cyclistes. Couper une gare routière en deux par une piste cyclable, il fallait oser ! C'est fait ! © transportparis

En la matière, il eut été plus logique de conserver la partie extérieure du giratoire pour les autobus, de sorte à conserver ce bloc fonctionnel Métro + Autobus, et de positionner la piste cyclable entre l'espace dédié aux autobus et la circulation générale. Il aurait fallu 2 voies de circulation pour les autobus de sorte à gérer à la fois la régulation du terminus de la ligne 62 et le passage de la ligne PC. L'effet sur le trafic général aurait été plus important (réduction de la taille du giratoire) et les usagers des autobus ne subiraient pas cette nouvelle régression qualitative du service. Conséquence d'un parti pris d'aménagement sans réellement intégrer les utilisateurs des transports en commun...

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Paris - Porte de Saint Cloud - 22 avril 2002 - D'un abus à l'autre : une gestion du terminus quelque peu déroutante, occupant la moitié de la largeur de la place. Forcément, avec de tels comportements, certains en viennent à développer la thèse des transports en commun comme gêneurs ! La RATP doit aussi faire des efforts sur l'exploitation... mais il est vrai que la Ville de Paris ne lui facilite pas vraiment la tâche ! © transportparis

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23 septembre 2020

Un usage de la voirie plus efficient : et si on repensait au tramway ?

La Région Ile de France a organisé la semaine dernière sa conférence régionale pour le climat et la présidente de la RATP a fait une intervention des plus intéressantes et des plus pragmatiques sur l'encombrement de l'espace public : « La circulation à Paris est devenue invraisemblable » a-t-elle répété par deux fois. Au-delà de ce constat, Mme Guillouard a appelé à un changement de dimension dans la réflexion. « Il faut qu’on ait, à un moment donné, une vision stratégique de l’utilisation de l’espace dans les villes […] On va devoir avancer sur ces sujets si on ne veut pas avoir des conflits d’usage, une multiplication des incidents et surtout de la non-efficience. » Et on sait très bien que la non-efficience encourage le statu quo... et donc la domination de l'automobile.

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Paris - Avenue de Saint Ouen - 23 juillet 2020 - Dans le cas présent, pas sûr que cet aménagement soit tactique... à moins d'assumer la gêne aux transports en commun. Certes, c'était déjà difficile mais il y avait au moins un sens où les autobus avaient une voie réservée. On notera d'ailleurs que même pour les vélos, l'améngement est tout de même mal réalisé, comme le prouve cette bordure de béton posée en travers. © transportparis

L'augmentation de 70% de l'usage du vélo en région parisienne, notamment à Paris et en première couronne, est un chiffre de prime abord impressionnant... mais il faut savoir d'où on part, c'est-à-dire d'assez bas même si le développement de Vélib' avait déjà impulsé le mouvement. Cela dit, la fulgurance du mouvement est pour partie à l'origine de la situation actuelle, qui génère de nombreuses crispations et poussées agressives (le comble pour un mode de transport dit « doux »). Il apparaît plus que jamais nécessaire de penser collectif dans une nouvelle poussée individualiste exacerbée par la crise sanitaire, faisant ressurgir les mêmes comportements que l'on reprochait précédemment aux automobilistes. On peut aussi noter l'amorce d'un mouvement qui commence à mettre en avant les excès et le besoin de cette efficience évoquée par Mme Guillouard. Il est intéressant de lire les réactions à l'article publiée par Olivier Razemon, chroniqueur du Monde, sur son blog L'interconnexion n'est pas assurée à ce sujet : le propos développé semble parfois enjoliver la situation et les commentaires pointent des problèmes de cohabitation, donc la nécessité de changer de dimension et de passer à une vision d'ensemble dans l'organisation de l'espace public. Son titre peut d'ailleurs inquiéter : pas plus qu'à la voiture, la ville ne doit pas s'adapter au vélo... mais à la diversité des besoins et des usages en intégrant quelques fondamentaux : le primat du piéton, des modes de transport propres et économes en espace, la rationalisation de la circulation, la préservation des fonctions économiques indispensables à la vie des quartiers.

La déclaration de la RATP va dans ce sens d'une réflexion la plus large possible, n'oubliant ni les transports en commun, ni les livraisons, bref, qui intègre la vie économique d'une mégapole. On note tout de même des évolutions qui vont plutôt dans le bon sens, mais par saccades pas toujours coordonnées. Par exemple, le couloir pour les autobus de la rue Auber, dans le sens Haussmann - Opéra, a été élargi, ce qui offre un meilleur confort pour les autobus qui peuvent plus commodément dépasser les cyclistes (si ceux-ci roulent en file). En revanche, sur la rue du Havre, la double piste cyclable a pris une voie de circulation et les autobus sont encore un peu plus mêlés à la circulation générale, tandis qu'ils ont déserté la rue d'Amsterdam entre la place de Clichy et la gare Saint Lazare (empruntant dans les 2 sens l'itinéraire par la place de l'Europe).

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Paris - Rue Auber - 6 septembre 2020 - Une seule voie de circulation générale sur la rue Auber et le couloir descendant nettement élargi, ce qui permet aux autobus de doubler aisément les cyclistes : c'est mieux. En attendant, le fabricant de ces quilles jaunes est heureux car son chiffre d'affaires doit être lui aussi en forte hausse... © transportparis

La RATP aura aussi probablement quelques dossiers à prendre en charge : s'il est vrai que les conducteurs d'autobus doivent parfois faire preuve d'un calme olympien dans la circulation, la régulation de l'exploitation a bien régressé au cours des dernières années, principalement pour des raisons d'économie. Autre domaine où la régie a un impérieux besoin d'amélioration : l'information des voyageurs, avec un nombre ahurissant d'écrans aux arrêts et dans les véhicules qui sont en panne, non installés ou illisibles (la première génération SIEL).

Mais il faudra probablement aller beaucoup plus loin : il serait déjà intéressant d'indiquer le coût des mesures de cet  « urbanisme tactique » car si la Ville de Paris annonce vouloir pérenniser les aménagements réalisés depuis 6 mois, il est évident que cela ne pourra pas rester dans cet état temporaire à coups de peinture jaune, de quilles en plastique fluorescent et de blocs de béton.

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Paris - Rue Tronchet - 6 septembre 2020 - Un couloir d'autobus en moins ! la piste cyclable à double sens entre le boulevard Haussmann et la place de la Madeleine a entrainé la disparition du couloir réservé aux autobus dans le sens sud-nord. © transportparis

Il n'est d'ailleurs pas tout à fait normal que ce soit l'opérateur de transports en commun qui, le premier, appelle à un peu de cohérence : cet épisode prouve une nouvelle fois que l'organisation territoriale de l'agglomération parisienne n'est pas efficiente, pour reprendre le terme de la présidente de la RATP, car bien trop morcelée. C'est particulièrement le cas dans le domaine des transports.

Néanmoins, l'enjeu reste de taille : la réduction de la pollution, des nuisances, l'amélioration de la qualité de vie, la notion de densité durable contre la tentation d'un étalement urbain encore plus important qu'aujourd'hui, dont on sait qu'il condamne à un usage plus important de la voiture. Plus que jamais, les transports en commun apparaissent comme un facteur de cohésion et le facteur déclencheur d'une réorganisation de grande ampleur de l'espace public.

Il faudra donc aller au-delà de petites mesures, comme la réorganisation des lignes d'autobus de Paris et de quelques communes limitrophes, qui n'a pas fondementalement changé la perception de l'offre de transport. La rupture peut avoir un nom : le tramway ! C'est autour de nouvelles lignes que pourrait vraiment être réorganisé l'espace public, accordant une place de choix aux transports en commun, les plus à même d'optimiser le ratio espace occupé / voyageur transporté, au profit des piétons, puis des vélos, sans pour autant négliger le besoin d'espaces de circulation et de stationnement commodes pour les entreprises, les commerces et les véhicules d'intervention.

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Paris - Boulevard Masséna - 15 décembre 2012 - Le tramway des Maréchaux incarne une autre conception de l'espace public en essayant de concilier les différents usages et les différentes activités. Les transports en commun asseoient leur position centrale mais le vélo n'a pas été oublié avec la réalisation de pistes cyclables, tout en dégageant de vastes trottoirs, une capacité suffisante de la chaussée et un cadre de vie plus agréable que ce qu'il était auparavant. A reproduire non plus seulement sur cette rocade mais aussi dans Paris (et évidemment sur nombre d'axes de petite et moyenne couronne)... © transportparis

On entend déjà les critiques : c'est cher, c'est long à réaliser... mais Paris ne s'est pas faite en un jour, et il faut bien commencer. Or en la matière, mise à part la rocade des Maréchaux, le sujet est au point mort et il a fallu de contenter d'un toilettage du réseau d'autobus en 2019

Certes, ce n'est pas la réponse universelle mais elle pourrait assurément apporter un peu plus de méthode dans l'évolution de la voirie. Soyons ouverts : comme justement Paris (et surtout son ancien réseau de tramways) ne se (re-)fera pas en un jour, on pourrait peut-être commencer par de vraies lignes de BHNS en site propre ou avec un maximum de voies vraiment réservées, avec des autobus articulés ?

PS : reportage à TF1 20 heures le 27 septembre 2020 à Paris et Toulouse.

9 juillet 2020

Des pistes cyclables en plus... mais sans négliger les autobus !

Au début, quand Mme Rachida Dati avait expliqué, au cours de la campagne des élections municipales, que « certains riverains se retrouvaient un beau matin, sans avoir été prévenus, avec une piste cyclable sous leurs fenêtres », on s’est d’abord demandé si elle ne nous faisait pas une scène pagnolesque. Il n’en est rien. Oui, à Paris, on peut créer une piste cyclable en une nuit.

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Paris - Rue Lafayette - 5 juillet 2020 - Entre le boulevard Haussmann et la rue de Châteaudun, une nouvelle piste temporaire à double sens a été aménagée à une vitesse laissant songeur. Evidemment, un peu de peinture, des quilles et des blocs de béton... ce n'est pas bien compliqué. Une des deux voies de circulation est quand même réservée aux autobus, mais on peut se douter qu'elle va être régulièrement obstruée pour les livraisons : comment desservir les commerces situés côté piste cyclable ? © Th. Assa

Ingrédients : quelques pots de peinture orange, des quilles jaunes réfléchissantes et même quelques gros blocs de béton façon séparateur provisoire sur l’autoroute. L’architecte des Bâtiments de France doit sombrer dans la dépression nerveuse…

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Paris - Rue de Rivoli -  16 mai 2020 - On dirait un jeu de quilles... et en plus il y a des blocs de béton ! Le volet esthétique, si souvent mis en avant à Paris, en a pris un coup ! Pourvu que ce soit vraiment temporaire... car sur cette section entre le Châtelet et la rue du Louvre, le trafic automobile a été maintenu et de fait, le couloir des autobus a été sacrifié. Au final, cet aménagement augmente l'espace occupé par les modes individuels puisqu'il mord en partie sur les facilités - relatives - accordées aux transports en commun. © transportparis

Viser la voiture mais l'autobus victime assurée

Cette rapidité d’exécution, avec pour seule information une page sur le site Internet de la ville de Paris et une courte note aux riverains par boîte aux lettres, tranche radicalement avec les actions en faveur des transports en commun. Combien de temps, combien de palabres faut-il pour obtenir un couloir pour les autobus ? Et une fois obtenu, l’expérience montre que rien n’est jamais acquis. On pourra citer le cas du contresens de la rue Lafayette, remplacé par une piste cyclable, reléguant les autobus rue de Maubeuge dans un couloir qui n’est pas respecté puisque matérialisé par une simple bande de peinture. Ajoutons que le retour à la dissociation des itinéraires ne fut pas une décision heureuse pour les usagers des lignes 26, 32 et 43. Idem pour la déplorable suppression d’une partie des couloirs protégés le long des quais de la rive gauche, couloirs réutilisés… pour les cyclistes et reconstitués sans protection, avec donc une moindre efficacité.

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Paris - Quai des Grands Augustins - 25 août 2019 - Le couloir bus protégé a été récupéré par les vélos et les bus se retrouvent dans le trafic général : le marquage n'a pas encore été réalisé, mais la séparation ne tient plus qu'à une bande peinte. © transportparis

Certes, de nouveaux couloirs ont été créés à l’occasion du nouveau réseau d’autobus parisien en 2019, mais la plupart sont peu ou pas protégés donc d’une efficacité limitée. On est loin de l'avancée du début des années 2000, avec un réel développement d'aménagements globalement profitables aux transports en commun (hormis quelques exceptions un peu loupées comme boulevard Magenta ou boulevard Saint Marcel...)

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Paris - Rue de Belleville - 11 mai 2019 - Un couloir à contresens de la circulation générale a été créé à l'occasion de la réorganisation du réseau d'autobus du printemps 2019, pour la réorientation de la ligne 20 vers la porte des Lilas, sur un itinéraire qui n'était auparavant pas desservi. © transportparis

La réassociation des itinéraires des bus sur le boulevard de Sébastopol, ou sur la totalité du boulevard Saint Germain, a toujours été refusée, mais, dans le cas du premier, la double piste cyclable qui occupe le même espace n’a fait l’objet d’aucune discussion. Le réaménagement de la rue de Rivoli n'a pas vraiment mis les transports en commun au chapitre des priorités. D'après l'OMNIL, le réseau d'autobus exploité par la RATP transporte quand même 3,5 millions de voyageurs par jour de semaine dont les deux tiers pour les seules lignes parisiennes ! Dans Paris, on note quand même une baisse de près de 10% de l'usage de l'autobus depuis 2011. La dégradation des conditions de circulations n'y certainement pas étrangère...

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Paris - Boulevard de Sébastopol - 14 avril 2019 - Le couloir pour autobus vers la gare de l'Est n'est plus protégé : une simple bande peinte le matérialise. A gauche, la nouvelle piste cyclable, occupant la largeur d'un couloir de bus, qui serait pourtant bien utile, simplifiant les parcours des lignes et donc l'usage du réseau. Cette configuration a été refusée pour les autobus mais automatiquement admise pour les vélos. © transportparis

Les utilisateurs des autobus souffrent aussi de la baisse de la vitesse commerciale, qui est devenue perceptible lorsque les vélos ont été admis dans les couloirs pour autobus. L’élargissement de ceux-ci à 4,50 m ne semble pas suffisant pour assurer une circulation fluide des autobus et la sécurité pour les cyclistes, d’autant que l’autobus a logiquement besoin de se placer le long du trottoir aux arrêts. Or les cyclistes ne laissent pas systématiquement passer l’autobus, ralentissant celui-ci.

Le coup d’accélérateur donné aux pistes cyclables, en particulier à Paris, pose une question d’équilibre par rapport aux autres usages de l’espace public car il se fait au détriment d’autres modes de déplacement qu’il faut préserver et encourager : la marche et les transports en commun. Prendre une voie de circulation automobile pour créer une piste cyclable, c'est malgré tout conserver cette bande pour un usage individuel, certes décarboné. Il faut donc avoir une approche plus globale des comportements et des choix modaux.

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Paris - Boulevard Vincent Auriol - 23 avril 2019 - Illustration d'un raisonnement qui néglige les transports en commun. La ligne 325 effectue son terminus en plein milieu d'une voirie déjà passablement encombrée, gênant les autres lignes en passage. Ubuesque ! Les vélos ont un itinéraire dissocié, les usagers des autobus doivent le couper. Heureusement, ici, au moins, ce flux est accompagné par le relèvement de la piste cyclable à hauteur du trottoir, mais les vélos ne s'arrêtent pas quand les voyageurs montent et descendent de l'autobus. L'usager des transports en commun serait-il une variable d'ajustement d'autres intérêts ? © transportparis

Traverser une piste cyclable

La marche ? On avait déjà l’exemple du boulevard Magenta, avec les pistes sur le trottoir et des conflits récurrents entre piétons (traversant la chaussée) et les cyclistes se considérant pour un grand nombre dispensés de tout respect des règles du code de la route. Le « vert piétons » n’est pas l’assurance d’une traversée sans risque et il faut redoubler de prudence sur les pistes « temporaires », sans refuge intermédiaire. Absurdité du système : le piéton qui avait déjà maille à partir avec des automobilistes indisciplinés doit maintenant, prendre des risques supplémentaires avec ces mêmes automobilistes transformés en cycliste et agissant de la même façon sur les trottoirs !

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Paris - Boulevard Magenta - 8 juillet 2020 - Le trottoir est quand même assez large : la piste cyclable sur les trottoirs du boulevard Magenta a été récemment repeinte en vert pour la rendre plus visible. La mention Priorité Piétons est ainsi plus visible mais on notera en arrière-plan que l'espace d'attente pour les usagers des autobus est assez réduit, d'où des conflits d'usage de l'espace récurrent entre cyclistes et voyageurs. © transportparis

Les usagers des autobus sont aussi face à une situation nouvelle peu confortable : le flux de voyageurs est coupé par la piste cyclable. Cette situation tend à se généraliser avec les nouveaux aménagements « en dur » où les arrêts de bus se retrouvent en ilot. Les cyclistes oublient fréquemment que le dépassement par la droite d’un autobus effectuant un arrêt est interdit ! Elle est décuplée par les aménagements cyclables « temporaires ». Les usagers doivent de plus en plus faire littéralement obstacle de leur corps afin de forcer les cyclistes à s’arrêter, ce qui ne va pas sans violences verbales de la part de ces derniers qui refusent trop souvent de respecter le piéton.

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Paris - Avenue des Champs-Elysées - 21 mai 2020  - Exemple d'arrêt en ilot. L'usager des autobus doit donc couper la piste cyclable, mais rien d'indique aux cyclistes qu'ils doivent céder la priorité aux piétons. © transportparis

Les évolutions actuelles de la voirie, les nouveaux plans de circulation, le maintien d’une forme d’anarchie dans la gestion des livraisons contribuent à pénaliser chaque jour un peu plus le fonctionnement des lignes d’autobus.

Des pistes temporaires qui doivent le rester... pour repenser vraiment l'espace public

Cette situation n’est pas tenable car elle va provoquer un report du trafic vers le métro, qui n’en a pas nécessairement besoin, et un retour vers des modes de transports individuels, à commencer par la voiture ! Le vélo n’est pas la solution universelle et l’expérience de plus de 30 années plutôt favorables aux transports publics a prouvé qu’un mode collectif avait un effet d’entrainement bénéfique tant pour l'usage du vélo (les tramways et BHNS étant assez souvent accompagnés d’aménagements cyclables) que pour les piétons (trottoirs plus larges, réaménagement des carrefours). L’inverse - qu’un mode individuel bénéficie aux transports collectifs - reste encore à démontrer.

La situation parisienne est évidemment facilitée par la présence marginale des tramways : l’autobus est un mode « poreux » qu’on peut aisément dévier, reléguer dans la circulation… au gré des influences diverses.

Elle pose aussi une question sur la vie des quartiers : la dynamique des commerces est d’abord le fait de l’agrément pour les piétons et de la facilité d’accès en transports en commun. Le stationnement en surface n’est pas un élément déterminant (c’est souvent la voiture du commerçant qui est garée devant sa boutique) mais en revanche, les questions logistiques sont encore aujourd’hui insuffisamment considérées : les livraisons sont anarchiques, squattent l’espace public sans vergogne (couloir de bus, voie de circulation, piste cyclable, trottoir s’il le faut).

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Paris - Place Saint Michel - 25 juin 2020 - Une synthèse ! La circulation est intense (voir les autres clichés pris le même jour), la nouvelle piste cyclable en bordure de trottoir, avec ses élégantes tourelles jaune fluorescent sont une merveille d'élégance. Une avancée en bitume a été réalisée pour l'accès à l'arrêt d'autobus mais on remarque que l'espace laissée aux usagers est bien faible par rapport à l'importance du trafic des lignes qui s'y arrêtent. Et bien entendu, les livraisons se font dans la plus grande anarchie faute d'une organisation de la voirie adaptée aux différents besoins. © Th. Assa

On peut aussi mettre en avant que les encombrements accrus par l’aménagement souvent sans logique d’ensemble : on pense à un réseau cyclable formant un ensemble continu... mais on aimerait que les lignes d'autobus (en attendant mieux), soient traitées de la même matnière. Cette carence pose aussi des problèmes aux véhicules d’intervention d’urgence : police, pompiers, ambulances ! Il a été constaté récemment une nouveauté : les véhicules d’urgence, pompiers en particulier, devant raser les trottoirs en « cassant » les tourelles de plastique marquant les « couloirs » des bicyclettes : un comble !

Conclusion : cette vision unidimensionnelle profitant uniquement aux cyclistes ne saurait constituer une politique équilibrée de l’aménagement urbain. La réduction du trafic automobile par une restriction « punitive » des voiries a des effets lourds sur les transports en commun et sur les riverains (le trafic étant à peu près constant… mais avec encore plus de congestion).

Or c'est sur eux que repose un report modal vertueux pour la collectivité, au travers d’améliorations significatives (voies réservées, révision du fonctionnement des carrefours, tramway sur les grands axes y compris intramuros) qui auront un effet bénéfique pour les piétons et les cyclistes. Ajoutons aussi que l’intérêt pour les cyclistes à circuler sur des artères engorgées – parfois artificiellement – d’automobiles n’est certainement pas une solution attractive (le bruit, les odeurs, la pollution).

Ce n’est malheureusement pas le chemin pris aujourd’hui par la Ville de Paris, qui ferait bien de s’inspirer d’autres capitales où l’usage du vélo est plus ancien, plus développé mais beaucoup plus harmonieux et moins intrusif à l’égard du service public de transport en commun. Ile de France Mobillités est dans une position difficile, puisque la Ville de Paris en est membre (pour 32%). En revanche, la RATP pourrait avoir plus d'influence car dans ces conditions, la réalisation du service commandé devient de plus en plus difficile.

Alors à quand des opérations « sauvons nos autobus », « touche pas à mon couloir »... et plus simplement un véritable plan de performance destiné à augmenter de 30% la vitesse commerciale des autobus, afin de retrouver un niveau minimal d'efficacité et donc d'attactivité ?

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Paris - Pont Saint Michel - 25 juin 2020 - Trafic complèement bloqué dans l'île de la Cité. Il y a un demi-siècle, la Préfecture avait encouragé l'usage d'autobus à gabarit réduit pour qu'ils se faufilent mieux dans la circulation. Bilan : une période sombre pour le réseau de surface avec des bus malgré tout bloqués et un inconfort pour les voyageurs à bord des Berliet PGR d'une quarantaine de places et des plus bruyants ! Notez sur ce cliché les deux autobus articulés, si chers à un éphémère candidat à la mairie de Paris... © Th. Assa

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Paris - Place Gabriel Péri - 8 juillet 2020 - En milieu de matinée, la rue de Rome bloquée, la rue de la Pépinière itou... tout va bien ! Si ce n'est le parc automobile et les autobus bien de notre époque, cette photo aurait pû être prise en 1970, avec un état du trafic tout à fait comparable ! © Th. Assa

18 mai 2020

La rue de Rivoli sans voitures (ou presque)

Plus exactement, la circulation de transit est pour l'instant interdite sur la totalité de la rue de Rivoli, de sorte à doubler la largeur de la piste cyclable, qui prend désormais aussi la voie jusqu'à présent destinée au trafic général. Les riverains, les entreprises, les véhicules d'intervention, la police, les taxis... et les autobus ont toujours accès à cette artère. Mais il y a évidemment nettement moins de trafic routier.

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Paris - Rue de Rivoli - 16 mai 2020 - De prime abord, il ne faut pas se perdre. De droite à gauche sur ce cliché : la piste cyclable pérenne à double sens, le couloir de bus sens ouest-est (qui s'arrête au feu visible en arrière-plan, les bus rejoignant les quais de rive droite par la rue du Louvre),  la piste temporaire, séparée de la voie de circulation par une double bande jaune. Le 21 en direction de l'hôpital Bichat n'a pas trop de mal à circuler. © transportparis

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Paris - Rue de Rivoli - 16 mai 2020 - A hauteur du boulevard de Sébastopol, ce Bluebus de la ligne 72 doit quand même se faufiler entre les véhicules, certains automobilistes essayant de convaincre la maréchaussée de leur nécessiter d'emprunter la rue de Rivoli. © transportparis

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Paris - Rue de Rivoli - 16 mai 2020 - Le bus dans la lumière... mais tout le monde ne parle que de la piste cyclable. On notera ici que le marquage au sol n'est pas encore bien intégré par les cyclistes puisque la partie la plus à droite est dédiée au sens ouest-est... Les tourelles en plastique et plots de béton ont fleuri, ce qui n'est pas des plus esthétique... © transportparis

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Paris - Rue de Rivoli - 16 mai 2020 - A hauteur des anciens magasins de la Samaritaine, des quilles ont été installées entre la voie de circulation et l'aménagement cyclable temporaire. Quelques véhicules autres que des autobus circulent encore, réglementairement ici. En revanche, fini l'usage de la voie de bus comme file de livraison... mais l'autobus se retrouve mélangé au trafic général. L'espace réservé aux transports en commun régresse. © transportparis

Cette mesure est destinée à écrêter la fréquentation des transports en commun en facilitant l'usage du vélo dans le cadre de la reprise progressive du fonctionnement des services. Les aménagements sont réalisés a minima, avec des bandes peintes en jaune, ce qui officialise d'une certaine façon leur caractère provisoire. Sur une partie de la rue de Rivoli, globalement du BHV à la rue du Louvre, des quilles fixées au sol délimitent la voie de circulation des véhicules autorisés et l'espace ouvert aux cyclistes. On aura noté au cours de notre remontée de cette artère dans le sens ouest-est qu'il va falloir un peu discipliner les cyclistes pour qu'ils utilisent la piste temporaire dans le sens Hôtel de Ville - Concorde et la piste pérenne dans le sens inverse... et leur rappeler quelques basiques :

  • on s'arrête au feu rouge ;
  • le piéton engagé sur la chaussée est prioritaire ;
  • piste cyclable ne veut pas dire vélodrome, surtout quand un public familial emprunte la piste cyclable avec de jeunes enfants...

Néanmoins, si ces aménagements sont annoncés temporaires - jusqu'à quand ? - par la municipalité, on peut tout de même y voir une belle expérience grandeur nature sur plusieurs semaines, non seulement pour la consistance du flux cycliste et plus globalement sur la circulation dans les rues de Paris. A supposer qu'elle soit jugée positive, on pourrait presque se demander s'il ne faudrait pas - à nouveau - modifier l'aménagement et s'inspirer de la récente réalisation grenobloise avec la double piste cyclable au centre de la chaussée, encadrée par 2 voies de circulation destinées aux transports en commun, véhicules prioritaires et aux riverains.

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Grenoble - Boulevard Agutte-Sembat - 31 décembre 2018 - La double piste cyclable traversant le centre de Grenoble dans le sens nord-sud est implantée au centre de la chaussée, légèrement surélevée et matéralisée par des bandes continues jaunes. Sur cette première section, une file de circulation est maintenue dans le sens sud-nord, mais on aperçoit en arrière-plan les panneaux de l'entrée dans la zone de trafic limité. Un exemple d'aménagement pensé globalement et qui n'oublie pas les transports en commun. © transportparis

On pourrait alors même envisager de réassocier la circulation des autobus dans les deux sens sur la rue de Rivoli pour plus de lisibilité de leur parcours : seraient concernées les lignes 21, 67, 69, 72, 74, 76, 85 et 96.

Mais l'efficacité des transports en commun n'a pas l'air d'être un critère de choix, pas plus que l'équilibre entre transports en commun et modes individuels...

14 mai 2020

Des pistes cyclables temporaires... voire plus si affinités ?

Avec un déconfinement très progressif et très restrictif dans les transports en commun (masque + distanciation), la capacité des réseaux est fortement réduite et - il faut bien avoir le courage de l'admettre - cela finira par poser problème au fur et à mesure de l'augmentation du volume de déplacement pour revenir à un niveau relativement habituel, si ce n'est l'absence de touristes tant que les frontières ne seront pas rouvertes.

Pour éviter que la réduction de capacité des transports en commun ne se traduise par une augmentation du trafic routier, plusieurs villes mettent en place des aménagements cyclables provisoires. C'est peu dire que l'usage du vélo devrait connaître un coup d'accélérateur, qui pourrait être bénéfique s'il réduit l'usage de la voiture pour les courts trajets et s'il aboutit à écrêter les pointes de trafic dans les transports en commun sur les sections les plus chargées. Evidemment ce n'est pas une réponse universelle, mais c'est une pierre à l'édifice.

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Paris - Boulevard Saint Michel - 12 mai 2020 - Exemple avec le boulevard Saint Michel. Le couloir des autobus dans le sens sud-nord est devenu une piste cyclable, mais il a été dans son principe reconstitué (sans aucune protection...), en réduisant à une seule file de circulation générale la capacité de cet axe. Il faudra quand même examiner comment se passe la cohabitation à l'approche des arrêts : la piste cyclable est surélevée à hauteur des arrêts pour que le bus reste sur sa file, mais les cyclistes devront s'arrêter quand l'autobus a ses portes ouvertes. © transportparis

Il sera intéressant d'évaluer l'impact dans les prochaines semaines et prochains mois de ces aménagements temporaires, sur la congestion et sur la performance des lignes d'autobus (vitesse moyenne, régularité). Pour l'instant, il est évidemment trop tôt, car le trafic routier reste encore assez limité, tout comme l'usage des transports en commun.

Mais on ne peut écarter qu'une évolution de répartition de la chaussée puisse être à terme pérennisée avec des aménagements définitifs plus conséquents et prenant mieux en compte les besoins - trop souvent négligés ces derniers temps - des transports en commun mais aussi des livraisons.

Cette opération ne se limite d'ailleurs pas qu'à Paris, puisque les Départements ont défini - avec une grande rapidité - des plans d'aménagements temporaires, qui seront certainement observés pour évaluer la pérennité de principes provisoires. Ainsi par exemple, une voie de circulation a été retirée sur le pont de Neuilly pour créer un aménagement cyclable, entre l'avenue Charles de Gaulle et la passerelle d'accès au parvis de La Défense, qui faisait quelque peu défaut. Cela reste un peu acrobatique, circuler sur une avenue aussi densément circulée n'est pas des plus agréables mais au moins, la voie est tracée pour franchir la Seine...

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5 février 2020

A la Bastille on n'circule point...

La nouvelle configuration de la place de la Bastille constitue manifestement un morceau d'anthologie dans les nouvelles conceptions de la voirie. Censée incarner une ville pensée autrement qu'autour de la voiture, la circulation autour de la Colonne de Juillet, constituant en réalité plusieurs carrefours à feux, a été remplacée par un nouvel aménagement faisant transiter toute la circulation par le nord de la place : la partie sud a été libérée pour agrandir l'espace public jusqu'à la Colonne. Evidemment, une piste cyclable à double sens a également été réalisée.

Le résultat est déconcertant.

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La nouvelle configuration de la place de la Bastille n'est pas avare en difficultés posées aux transports en commun. Ainsi, les lignes 29 et 91 venant du boulevard Beaumarchais doivent, pour tourner à gauche, couper le flux de circulation de cet axe, mais aussi celui du boulevard Richard Lenoir... puis cisailler le courant à destination de la rue Saint Antoine et du boulevard Bourdon. Pour rejoindre la rue du Faubourg Saint Antoine (lignes 76 et 86), il faut couper le trafic venant de la rue de Lyon. Et pour les lignes 29, 87 et 91, venir de la rue de Lyon pour rejoindre le boulevard Beaumarchais ou le contresens du boulevard Henri IV suppose un parcours d'obstacles avec la quasi-totalité des embûches... sans compter une programmation des feux de nature à vous faire perdre jusqu'à 10 minutes. (PS : ne tenez pas compte des chiffres sur l'image, qui viennent identifier les nouveaux maénagements, pas tous finis, sur la place).

D'un point de vue paysager, le flanc nord de la place est une forêt de feux tricolores, très rapprochés, mal synchronisés : on s'y perd, il est facile de se retrouver à franchir un feu rouge par inadvertance ou à circuler sur un couloir de bus (rassurez-vous, matérialisé par une simple bande peinte).

Le schéma de circulation fait donc converger au nord de la place des flux conséquents, sur un espace réduit. En guise de zone intertropicale de convergence, la pointe Richard Lenoir / Beaumarchais, avec pour conséquence une capacité de la nouvelle configuration à bloquer tout le trafic.

Si les piétons gagnent un espace plus grand au sud de la place (au-dessus de la station de la ligne 1 du métro), les trottoirs les plus intéressants, sur les flancs ouest, nord et est n'ont que marginalement évolué. La traversée des rues reste toujours aussi délicate... mais cette fois-ci, les bouchons en plus !

Pour les vélos, l'accès à la piste cyclable située dans l'intérieur de la place, au plus près de la Colonne, suppose de franchir le flux d'automobiles engluées dans l'imbroglio des feux tricolores.

Conclusion : cette nouvelle configuration passe à côté de l'essentiel : faire un lieu agréable. Avoir une grande esplanade au sud si on a un concert de klaxons tout autour, et que cet espace n'est accessible qu'en franchissant des murailles d'automobiles bloquées, la belle affaire !

Quant aux transports en commun, une fois de plus, ce sont les oubliés des décisions de la Ville de Paris... et pour autant, les vélos ne s'en sortent pas la main haute : il suffit de voir la tête des cyclistes, mettant pied à terre pour passer entre les pare-chocs. Cela remplace un référendum !

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Paris - Place de la Bastille - 2 février 2020 - Ce service partiel du 87 fait terminus à la Bastille, mais se retrouve englué dans la circulation générale puisque le couloir d'autobus est occupé par des taxis en stationnement : ça commence bien ! © transportparis

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Paris - Place de la Bastille - 2 février 2020 - Situation à peine plus confortable pour cet Urbanway hybride (arboraint la riante livrée du moment) qui va devoir se faufiler entre les véhicules coincés entre des feux mal synchronisés (si tant est qu'il puisse l'être) pour rejoindre le Faubourg Saint Antoine. © transportparis

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Paris - Place de la Bastille - 2 février 2020 - Le boulevard Beaumarchais complètement bloqué. Ce service de la ligne 91 a eu bien du mal à se frayer un chemin pour pouvoir entrer sur la place. Outre la remontée difficile du bouchon dans un couloir bien occupé par les cyclistes (ralentissant de fait l'autobus), ce GX437 hybride a perdu plus de 10 minutes entre son arrêt et le moment où est pris ce cliché. Hourra ! Les cyclistes doivent aussi redoubler de prudence pour se frayer un chemin dans la circulation. © transportparis

Pourquoi ne pas avoir maintenu le principe d'une circulation autour de la Colonne ? Il aurait probablement été plus efficace de réduire la taille du giratoire, au bénéfice des trottoirs déjà animés, et en intégrant des aménagements cyclables une meilleure gestion du trafic des autobus sur une place qui, d'ailleurs, posait probablement moins de problèmes de régulation du trafic qu'aujourd'hui.

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Paris - Place de la Bastille - Juin 2002 - Une autre époque : certes, une place très vaste pour la circulation mais des autobus qui arrivaient à circuler sans trop de difficultés. Les solutions adoptées sur la nouvelle configuration n'ont pas franchement pris souci de l'efficacité des transports publics, de plus en plus relégués au même titre que la circulation automobile individuelle. Quelle étrange et dangereuse conception... © transportparis

25 août 2019

Pistes cyclables : encore un couloir bus en moins...

On entend déjà les réactions de ceux qui vont croire qu'on fait de l'acharnement et que ce n'est pas à la hauteur des autres articles. Tant pis. On continue et on le répète en préliminaire : à transportparis, nous ne sommes pas opposés au développement des aménagements de voirie pour les vélos, mais nous n'admettons pas qu'il se fasse en dégradant les conditions de circulation des autobus avec à la clé soit une réduction de la capacité des lignes (augmentation de l'intervalle à nombre de bus constants) ou une augmentation des coûts (bus supplémentaires pour compenser les pertes de temps). Prendre de la place aux voitures, oui. Aux autobus, non !

Nouvelle illustration, les quais en rive gauche, et en particulier la section comprise entre la place Saint Michel et l'Assemblée Nationale.

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Paris - Quai Saint Michel - 25 août 2019 - Avant, il y avait un couloir pour les autobus, correctement séparé du trafic général. Maintenant, une piste cyclable à double sens, rejetant les autobus au milieu des voitures. Assurément, un moyen d'améliorer leur attractivité... © transportparis

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Paris - Quai Voltaire - 26 juin 2010 - Les quais rive gauche, avant. Les autobus ont ici un couloir bien séparé des voitures. A noter une piste cyclable sur le trottoir, il est vrai dans un seul sens. © transportparis

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Paris - 25 août 2019 - Les quais rive gauche en travaux au même endroit que le cliché précédent. La voie pour les autobus est devenue une piste cyclable à double sens, dont l'intérêt ne fait pas débat... sauf qu'elle relègue les autobus au même rang que le trafic automobile. Il faut enfin espérer que la piste située sur le trottoir disparaisse pour réserver le trottoir aux seuls piétons. © transportparis

11 mai 2019

Pistes cyclables : après Rivoli, voici Sébastopol

Mêmes principes, mêmes interrogations et probablement même polémique : après la rue de Rivoli, le boulevard de Sébastopol reçoit à son tour une piste cyclable à double sens sur son flanc ouest, mais le couloir - en principe - réservé aux autobus reste accessible aux cyclistes.

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Boulevard de Sébastopol - 19 avril 2019 - A droite, le couloir pour les autobus n'est plus séparé que par une simple bande peinte. Il est toujours ouvert aux vélos... qui vont bénéficier d'un site propre à double sens. Il faudra quand même être prudent puisqu'on voit à gauche une entrée de parking et il est probable que les automobilistes se soucieront assez peu des vélos, pressés par le flux de véhicules... © transportparis

On ne va pas faire la deuxième mi-temps du débat - parfois enflammé - qui a déjà eu lieu à transportparis sur le cas de la rue de Rivoli. Qu'il faille améliorer les conditions de circulation en vélo est une chose... mais l'amélioration de la circulation des autobus est une urgence absolue...

13 avril 2018

10 000 PV pour les couloirs de bus et les pistes cyclables

Il est vrai qu'on a ici un peu l'habitude d'être critique envers une mairie de Paris qui tend un peu trop souvent le bâton... Alors pour une fois, saluons tout de même cet effort. Depuis le début de l'année, avec le passage de relais entre la Préfecture et la Ville concernant la police de circulation et de stationnement, un renforcement de la verbalisation de l'arrêt, du stationnement et de la circulation dans les couloirs d'autobus  et les pistes cyclables a été engagé. Résultat, depuis le 1er janvier, 10 000 PV ont été dressés. Soit une moyenne de 111 PV par jour. C'est un début... mais il va falloir passer la seconde car c'est bien peu par rapport aux infractions quotidiennement rencontrées ! D'où la nécessité de passer à la vidéoverbalisation, par exemple avec un système embarqué sur les autobus.

1 décembre 2016

Paris : les déséquilibres de l'espace public

C'est un article du Monde qui a attiré notre attention. Il compare la part de marché des différents modes de déplacement et la répartion de l'espace public sur le territoire de la seule ville de Paris. Alors que la piétonnisation des voies sur berge crée une fronde des élus de banlieue contre la ville de Paris, ces chiffres vont assurément bousculer les idées reçues...

Près d'un déplacement sur deux est effectué sans mode de transport mécanisé, tout simplement en marchant. L'analyse est un peu biaisée quant à l'utilisation des transports en commun car dans le tiers en question, figurent pour bonne partie les trajets en métro ou en RER, qui ne sont donc pas consommateurs d'espace public en surface... puisqu'ils sont essentiellement souterrains, et quand ils sont aériens, ils dégagent tout de même un espace public utilisable pour d'autres usages. Bref, attention, comparaison n'est pas forcément raison !

Ainsi, trottoirs et rues piétonnes représentent 1400 ha contre 1419 ha de voies de circulation générale, et globalement 1500 ha d'espace public pour les déplacements motorisés (voitures, scooters et autobus). Sachant qu'un piéton occupe environ 0,5 m² alors qu'une automobile nécessite en moyenne 8 m² pour une occupation moyenne de 1,1 voyageur, soit 7,2 m² en moyenne par voyageur, l'écart de partage trouve une explication dans la consommation unitaire d'espace par voyageur.

La comparaison n'est cependant pas aussi simple que cela : il apparaît tout de même un déséquilibre entre la part de marché du déplacement à pied et l'espace qui lui est accordé par l'aménagement de la voirie. Pas aussi important que ne le laisse sous-entendre l'analyse faite par l'article du Monde, mais suffisamment de façon à légitimer une interrogation sur une évolution du partage de la voirie.

Concernant les déplacements motorisés, l'absence de distinction entre la part du marché des transports en commun de surface (autobus et tramway) et souterrains (métro et RER) rend plus difficile l'identification du déséquilibre et peut amener à des contresens. Une lecture trop raccourcie aboutirait à considérer que la moitié de la voirie est dévolue à des modes de transports représentant 45% des déplacements. Or dans les 34% de part de marché des transports en commun, il y a d'abord le métro et le RER ! D'après l'Observatoire de la Mobilité en Ile de France, ils représentent à eux deux 70% des déplacements en transports en commun dans Paris. Par conséquent, la part de marché des autobus et tramways dans Paris serait de 30% des 34% identifiés ci-dessus, soit 10,2%. Et ils n'utilisent pas que les couloirs réservés.

Ainsi, la moitié de la voirie est dévolu à des modes de transports (voiture, autobus, deux roues motorisé, vélo, taxi) qui ne représentent que le quart des déplacements dans Paris.

On imagine aisément que pour les communes de banlieue, le déséquilibre est encore plus important... ce qui témoigne de l'ampleur du changement à engager dans les pratiques de mobilité des citadins.

Cette comparaison partielle, et même un peu biaisée, pose donc la question de la capacité à engager une évolution dans le choix modal de déplacement sans changer fondamentalement le modèle d'aménagement urbain (les orientations du Grand Paris étant toujours fondées sur l'accès à des zones éloignées grâce à une augmentation de la vitesse de déplacement). On peut ajouter des pistes cyclables et des couloirs de bus de façon statistique, et parfois même de façon pertinente... mais pour quel impact sur la relation au territoire ?

Cette fermeture des voies sur berge - d'abord symbolique plus que liée à une rationalité technique - ne peut être envisageable que dans un processus d'évolution du rapport entre la ville et son territoire, à la maîtrise du volume et de la longueur des déplacements, et in fine du choix modal, ce qui ne peut pas de décider de façon nombriliste à l'échelle de la seule Ville de Paris : il ne faut pas mettre la cerise tant qu'on n'a pas fait le gâteau...

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