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transportparis - Le webmagazine des transports parisiens

La desserte du plateau de Saclay

Voici un territoire de l’Ile de France qui à lui seul parvient à cristalliser bien des opinions, parfois enflammées : à lui seul, il est – selon les points de vue – le symbole d’une Région capitale à la pointe de l’innovation, de la recherche et de l’excellence, ou un exemple de dérive d’un modèle urbain extensif, consommateur de foncier, responsable d’une imperméabilisation à outrance de terrains naturels en général, et de terres agricoles en particulier.

Aux origines de l’intérêt pour le plateau de Saclay

Les projets d’aménagement du plateau de Saclay ne remontent pas à l’émergence du discours sur le Grand Paris. Ils ont commencé sous Louis XIV, avec la construction du château de Versailles par le drainage du plateau pour récolter les eaux de pluie afin d’alimenter les fontaines, cascades et autres bassins des jardins du palais. Au total, pas moins de 200 km de ruisseaux artificiels ont été tracés, complétant le pompage des eaux de la Seine à Marly le Roi.

C’est dans les années 1960 que l’Etat jeta vraiment son dévolu sur le site pour y implanter de nouveaux sites de recherche. Frédéric Joliot-Curie avait acheté en 1947 le domaine de Button à Gif sur Yvette pour le Centre National de Recherche Scientifique. C’est peut-être la raison pour laquelle Raoul Dautry et Frédéric Joliot-Curie, administrateurs généraux du Commissariat à l’Energie Atomique, décidèrent en 1952 l’installation d’un nouveau centre de recherches et d’essais à Saclay, dessiné par Auguste Perret. Parallèlement, l’Office National d’Etudes et Recherches Aérospatiales s’installait sur les hauteurs de Palaiseau.

L’Etat décidait à la même époque l’installation plusieurs écoles supérieures, mis progressivement en œuvre dans les années 1970 : étaient concernées l’Ecole Polytechnique, l’Institut National de Recherche Agronomique, l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées et l’Ecole Nationale Supérieure des Techniques Avancées. L’Ecole Supérieure d’Electricité était la première à s’installer en 1975, mais le projet d’aménagement subit plusieurs revers avec le choix de l’ENSTA d’implantation à Palaiseau et de l’ENPC à Champs sur Marne.

L’agrandissement du domaine universitaire est une réalité et, en 2019, l’installation d’Agrotech viendra renforcer la position centrale du plateau de Saclay dans certains domaines technologiques, d’autant que le site a également été retenu pour d’autres secteurs comme la recherche dans le secteur automobile, Air Liquide, Nokia et l’industrie pharmaceutique.

L’Etat a décidé en 2006 de créer une Opération d’Intérêt National avec les 2 Zones d’Aménagement Concerté de Palaiseau et le site du Moulon sur les communes de Gif sur Yvette et Orsay. L’actuel Etablissement Public d’Aménagement de Paris-Saclay compte 27 communes, 3 intercommunalités à cheval sur deux Départements (ah le millefeuille administratif…) sur un territoire de 77 km² répartis à peu près aux trois tiers entre sites de recherche, activités commerciales et industrielles (commerces, entreprises) et logements. Cependant, cette structure couvre un territoire bien plus large que le seul plateau de Saclay : affichant plus de 420 000 habitants, ce chiffre intègre la population de communes situées à l’est du RER B, intégrée à l’EPA, mais hors de notre champ d’étude.

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Améliorer la desserte du plateau : pas une nouveauté

Or le plateau de Saclay, territoire agricole, présentait un inconvénient de taille : une accessibilité pour le moins difficile. Deux lignes de chemin de fer l’encadrent : au nord, la Grande Ceinture, sur sa section Versailles – Massy-Palaiseau (RER C) dans la vallée de la Bièvre, et au sud la Ligne de Sceaux entre Massy-Palaiseau et la vallée de Chevreuse en longeant l’Yvette. Seule cette dernière procurait à l’origine un accès direct à Paris avec le terminus de la gare du Luxembourg.

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Vauboyen - 14 janvier 2012 - La Grande Ceinture longe le plateau par le nord et son rôle se retrouve donc limité à une fonction secondaire, d'autant que l'intermodalité entre les lignes de bus et le RER C n'y est pas particulièrement développée. © transportparis

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Lozère - 26 octobre 2010 - Petite halte est devenue grande car avec les premières implantations de recherche à Palaiseau et Saclay, la gare de Lozère sur la ligne de Sceaux devenue RER B s'est imposée comme un des points d'accès naturels au domaine avec les gares d'Orsay et de Massy-Palaiseau. Conséquence, c'est d'abord par le RER B qu'on accède au plateau de Saclay. © transportparis

Il faut rappeler que dès les années 1930, lors du transfert de la Ligne de Sceaux entre le PO et la CMP, avait été envisagé le prolongement de l’antenne de Robinson vers Châtenay-Malabry et la création d’une antenne depuis Massy-Palaiseau vers le plateau de Saclay. Certains ouvrages d’art furent même réalisés, : les projets furent rapidement balayés par la guerre.

Evidemment, les premiers projets furent routiers, avec l’aménagement en 1972 de l’actuelle RN118 créant une liaison entre le pont de Sèvres et l’autoroute A10.

Néanmoins, dans le Schéma Directeur d’Aménagement Urbain de la Région Parisienne en 1965, les projets de Métro Express Régional prévoyaient, parmi les deux axes nord-sud, une liaison entre Valmondois, Paris (Saint Lazare, Invalides, Montparnasse) et la ville nouvelle de Trappes, via le plateau de Saclay.

Finalement, le projet de RER privilégia la modernisation de la Ligne de Sceaux et son interconnexion au réseau SNCF de Paris-Nord.

La desserte du secteur était donc pensée d’abord par la route, et surtout en voiture. Progressivement, la desserte par les transports en commun a évolué pour atteindre aujourd’hui 33 lignes pour le seul territoire de la Communauté d’Agglomération Paris-Saclay sous l’appellation Mobicaps. L’objectif de ce réseau est d’abord de rejoindre les différentes gares des lignes ferroviaires encadrant le plateau, notamment Massy-Palaiseau, Orsay et Saint Quentin en Yvelines. L’épine dorsale est constituée par le projet de site propre reliant Massy-Palaiseau à Saint Quentin en Yvelines, inscrit dans le Schéma directeur de la Région Ile de France en 1994 et lancé en 2000. Une première section de Massy à l’Ecole Polytechnique a été mise en service en 2009, prolongée en 2016 au carrefour du Christ de Saclay, soit un développement à cette date d’un peu plus de 13 km.

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Palaiseau - Avenue Gaspard Monge - 14 septembre 2018 - L'aménagement du site propre pour les bus a été conçu des les origines des aménagements procurant une bonne régularité aux services même s'il faut bien admettre que la circulation sur le plateau est limitée. En revanche, l'accès à la gare de Massy-Palaiseau est très significativement amélioré. © transportparis

Le succès a été rapide puisque les autocars transportaient environ 1600 voyageurs par jour en 2005 et 3 fois plus dix ans plus tard. La desserte a été renforcée, avec l’engagement d’autobus articulés et et des fréquences nettement renforcées. A la rentrée 2018, la desserte comprend les services suivants :

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Gif sur Yvette - Avenue Joliot-Curie - 21 janvier 2017 - La liaison entre Saint Quentin en Yvelines et l'aéroport d'Orly transite par le plateau de Saclay, où de nombreuses surfaces sont encore vouées à la culture ou en friche en attendant une urbanisation toujours dans une logique extensive. © transportparis

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Massy-Palaiseau - 11 septembre 2016 - La liaison entre le domaine scientifique et la gare de Massy-Palaiseau est assurée en une dizaine de minutes grâce aux aménagements en site propre. En revanche, depuis Saint Quentin en Yvelines, bien que le parcours à Montigny le Bretonneux soit également en site propre, l'accès reste moins commode, dans l'attente de l'achèvement total du site propre. © transportparis

La ligne 18 : un projet hautement polémique

Elle est assurément la composante du Grand Paris Express qui concentre le maximum de critiques. Dans le concept initial de liaison entre « clusters » scientifiques, aéroports et quartiers d’affaires, la ligne 18 doit relier l’aéroport d’Orly à Nanterre La Folie via Massy-Palaiseau, le plateau de Saclay, Saint Quentin en Yvelines et Versailles.

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D’emblée, elle a été critiquée pour le surdimensionnement d’une ligne de métro par rapport aux besoins de déplacement, même avec des solutions à petit gabarit type VAL mais aussi par le processus d’accélération de la bétonnisation du plateau. Certains voulaient alléger la facture en réalisant des sections aériennes, d’autres souhaitent au contraire un tracé entièrement souterrain.

On rappellera aussi que la mission confiée à Pascal Auzannet avait préconisé une solution de tramway express, pouvant être en partie souterrain, qui aurait pu être plus évolutive en fonction de la réalité des besoins. Trop pragmatique, l’hypothèse a été promptement écartée au profit du projet initial, avec un métro automatique léger à gabarit réduit, qui continue cependant de concentrer les critiques : s’il y a besoin d’améliorer la desserte du plateau du fait de son urbanisation (on pourrait aussi s’interroger sur cet nouvelle poussée de bétonnisation), la ligne 18 semble aux yeux de nombre de franciliens et de spécialistes une solution largement surdimensionnée, qui contribuera assez fortement aux risques d’endettement pointé par la Cour des Comptes dans un rapport sur le financement du Grand Paris Express.

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Palaiseau - Boulevard des Maréchaux - 14 septembre 2018 - A l'heure de pointe, le site propre devient un tapis roulant d'autobus de toute sorte car le renforcement de la ligne 91-06 n'a pu encore être opéré avec du matériel homogène : subsistent encore des autocars Setra de 15 m, des Citaro semi-urbains de 15 m également. La majorité de l'offre relève toutefois de véhicules articulés, type Citaro ou ici Urbino. © transportparis

En revanche, la section Versailles – Nanterre ne figure plus qu’en pointillés au-delà de 2035, préfigurant un abandon d’autant plus logique que le réseau Transilien (ligne L) dispose de marges d’évolutions importantes à un coût nettement inférieur…

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