Les premiers matériels du RER étaient dédiées à l'exploitation sur les lignes de la RATP. L'adoption du principe de l'interconnexion de la ligne de Sceaux, exploitée par la RATP, et de la banlieue Aulnay de Paris Nord, sous l'égide de la SNCF, allait constituer l'aboutissement d'un schéma élaboré à la fin des années 1920 par Paul Langevin, le ministre des travaux publics d'alors. Il a nécessité le développement d'un nouveau matériel adapté au service à fort trafic et compatible avec les deux réseaux. Monocourant 1500 V, les MS61 et les Z23200 voyaient leur sort lié à cette interconnexion vers un réseau alimenté en 25000 V alternatif.

Dans ce contexte, les deux exploitants avaient lancé un appel d'offres commun pour la fourniture d'automotrices RER pour le service de la ligne B, portant sur 119 rames dont 68 à la RATP et 51 à la SNCF. Ainsi naissait le MI79.

Caractéristiques du MI79

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Robinson - 24 mars 2012 - L'image classique de la ligne de Sceaux et de son matériel MI79 assurant le service depuis les années 1980. © transportparis

Remporté par la Franco-Belge et Alsthom, le projet MI79 se concrétisa rapidement avec l'arrivée des premières rames pour essai dès 1980. Composé de quatre voitures dotées de quatre portes de 1,30 m chacune, l'élément MI79 atteint 104 m de long, pour s'insérer sur des quais d'une longueur utile de 208 m.

Les quais constituent un sujet de complexité de ce matériel, puisqu'au sud, la RATP avait hérité d'une ligne modernisée en 1938 et équipée de quais de 105 cm de hauteur. En revanche, au nord, les gares des lignes de Roissy et de Mitry demeuraient à la cote de 55 cm. Le MI79 a été conçu en créant une marche mobile à commande pneumatique modifiant la hauteur en fonction d'une information renseignée par une balise en amont des gares. Cependant, avec un plancher à 119 cm, une seule marche intermédiaire pour franchir 60 cm constituait un obstacle à une exploitation rapide au nord.

Bicourant, les MI79 développent une puissance maximale à la jante de 2800 kW et affichent une masse de 205,6 tonnes grâce au recours à l'aluminium pour la caisse. Leur vitesse de pointe est de 140 km/h, dégagent un quai de 208 m en 23 secondes et atteignent leur vitesse de pointe en 100 secondes.

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Lozère - 12 août 1984 - Rutilante rame MI79, en unité simple sur la section sud du RER B. Jusqu'en 1987, la cohabitation avec les Z ligne de Sceaux donnait lieu à un choc des générations ! © M. Van der Velden

Plutôt bien dimensionné du point de vue de la motorisation (un moteur par essieu sur les motrices), il est aussi performant au freinage avec 500 m pour passer de 120 km/h à l'arrêt grâce à la combinaison du freinage électrique (sous 1500 V), rhéostatique (sous 1500 V et 25000 V) et par semelle sur la table de roulement.

Le MI79 est cependant handicapé par des caisses longues de 26 m et larges de seulement 2,80 m réduisant la taille de son couloir, d'autant que ce matériel a introduit une amélioration du confort d'assise par un léger élargissement des sièges généreusement rembourrés. En plateforme, les strapontins obstruent la largeur de passage lorsque des voyageurs les utilisent, ne laissant que 40 cm pour les voyageurs entrants ou sortants. C'est le premier matériel doté de l'intercirculation entre les voitures.

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Bures sur Yvette - 15 juillet 2008 - L'une des gares en courbe prononcée sur la ligne B. En direction de Paris, la rame n'est accessible qu'en franchissant un vide important entre le quai et la rame aux caisses effilées. © transportparis

En outre, l'étroitesse des caisses génère d'importantes lacunes entre le quai et le train dans les nombreuses gares en courbe de la ligne, notamment sur la ligne de Sceaux au tracé ancien et sinueux.

Les MI79 sont également dotés de porte-bagages au-dessus des sièges. L'éclairage est selon les canons de l'époque, relativement sombre, renforcé par le choix des couleurs : plafond crème, parois jaune latérales criard et bleu nuit en extrémité.

Les MI79 offrent au total 240 places assises fixes et 84 strapontins, soit 312 places assises et 528 places debout lorsque les strapontins ne sont pas utilisés.

Le parc est réparti en deux sous-séries : MI79A à raison de 31 éléments côté RATP et des 51 éléments SNCF, et MI79B pour 38 éléments RATP.

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Aménagement intérieur d'un MI79 d'origine : sièges en texoïd et main courante basse en plateforme, qui ne sont plus présentes que sur les rames de la SNCF, la RATP les ayant remplacés par une simple barre verticale. © transportparis

Mise en service et exploitation du MI79

La livraison de ce matériel s'est principalement déroulée entre 1980 et 1983 pour la mise en oeuvre de l'interconnexion. Cependant, les premières années ont été émaillées de difficultés liées à l'apparition sur des matériels de banlieue de l'électronique de puissance à thyristors, et d'une certaine sensibilité au gel et à la neige de sa chaîne de traction. Leur arrivée permet toutefois de muter les MS61 vers la ligne A et d'entamer la réforme des automotrices Z.

Néanmoins, les difficultés rencontrées sur la ligne A à partir de 1983, avec la surcharge et la surexploitation des MS61 conduirent la RATP à stopper la réforme du matériel ancien et à muter temporairement 24 MI79 sur la ligne A, retardant la poursuite de l'interconnexion qui débute avec 8 puis 12 trains par heure.

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Bourg la Reine - 7 avril 2005 - La livrée Ile de France est apparue avec le MI79. Initialement, elle devait n'être appliquée qu'aux matériels des lignes de RER. Elle finalement été appliquée par la SNCF à la plupart de son matériel au cours des années 1990. © transportparis

L'arrivée des MI84 sur la ligne A à partir de 1985 permit de rapatrier les MI79 sur la ligne B et d'achever la réforme des Z quinquagénaires. Or les hivers 85/86 et 86/87 firent une nouvelle fois faire rejaillir la sensibilité au froid du MI79, conduisant à une quasi interruption du service pendant trois semaines au plus fort de la vague de froid polaire de 1987 (jusqu'à -15 degrés l'après-midi en plein coeur de Paris). Le service de la ligne B était assuré entre Gare du Nord et Massy à l'aide des 8 dernières rames Z, souvent applaudies à leur arrivée en gare malgré leur surcharge extrême.

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Houilles Carrières sur Seine - 27 juin 2011 - Les MI84 ont permis l'intégration des dessertes de Cergy et de Poissy au RER A en 1988-1989. Cette nouvelle version, légèrement simpliée, s'est cependant avérée mal adaptée sur cette ligne en raison de sa capacité insuffisante, notamment par une longueur de 208 m en UM2 pour des quais de 225 m. © transportparis

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La Garenne Colombes - 7 mai 2011 - Les ruptures d'interconnexion sur le RER A se traduisaient avec les MI84 par une déviation entre Sartrouville et Paris Saint Lazare, avec un unique arrêt intermédiaire à La Garenne Colombes. Une modalité disparue avec la généralisation des MI2N et MI09 trop longs et aux accès trop hauts pour les quais accessibles depuis les voies du groupe V. © transportparis

A compter de février 1987, la desserte fut totalement interconnectée avec 20 trains par heure. Le MI79 était alors seul sur la ligne B pendant quasiment vingt ans, et la desserte évolue peu, alors que le trafic augmente régulièrement, et de façon très soutenue à partir de la fin des années 1990, avec l'urbanisation sans cesse croissante des banlieue nord et sud, et surtout au début des années 2000 avec l'essor du quartier de La Plaine à Saint Denis, dotée d'une nouvelle gare plus fonctionnelle, et surtout plus proche du Stade de France inauguré en 1998.

Le MI79 et la ligne B modernisés

Au milieu des années 2000, pour compléter le parc, la RATP affecta 8 rames MI84, la version simplifiée du MI79 (notamment sans intercirculation et avec une modification du refroidissement des thyristors) conçue pour l'interconnexion ouest de la ligne A. L'effectif est accrue de 6 rames pour tenir compte des nécessités de l'exploitation de la future grille RER B Nord+ adoptée en 2007. Une souplesse permise par l'arrivée des MI2N sur la ligne A.

En complément, le STIF, la RATP et la SNCF engagèrent un programme de modernisation des 118 MI79, deux demi-éléments ayant été perdus suite aux attentats de Saint Michel et Port Royal en 1995 et 1996, représentant 250 M€ d'investissement.

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Robinson - 15 septembre 2018 - MI79 rénové et MI84 côte à côte. La face avant très sombre du premier peut interroger quant à la visibilité du train pour le personnel intervenant sur les voies. © transportparis

Le programme de rénovation était ambitieux : pour les voyageurs, le renouvellement complet des aménagements intérieur a été l'opération la plus visible, avec l'adoption de tons clairs sur les parois, de nouveaux sièges gris et vert anis, l'installation de la ventilation réfrigérée, de la vidéo-surveillance et d'annonces sonores et lumineuses. Les porte-bagages au plafond ont été remplacés par des racks au sol, plus commodes, et les strapontins supprimés au profit de miséricordes n'obstruant pas le passage et contribuant ainsi à consacrer la pleine largeur des portes à la fonction d'échanges de voyageurs en station.

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Intérieur d'un MI79 rénové : couleur claire sur les parois, plus sombres sur les sièges, nouvel éclairage et présence d'un rack à bagage sur la plateforme. © transportparis

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Massy Verrières - 28 octobre 2012 - Un élément rénové en queue de ce train montant sur Paris. La nouvelle livrée donne la primeur aux différentes nuances de gris en mixant l'identité du STIF et des deux exploitants. © transportparis

Pour la technique, la rénovation intègra de nouveaux composants électroniques sur la chaîne de traction et l'installation du KCVB pour la signalisation en cabine sur les voies Bis désormais dédiées au RER B entre Paris et Mitry. La rénovation a été assurée par les ateliers de Sucy de la RATP, puis par ACC pour le parc de la Régie et par les ateliers de Nevers pour les rames de la SNCF.

Or la rénovation s'est heurtée d'une part à la complexité native du MI79, aux nombreuses modifications apportées au fil de l'eau lors de sa phase de fiabilisation, à la délicatesse de sa structure de caisse légère, mais aussi aux difficultés industrielles : la défaillance de l'un des équipementiers fournissant les parois intérieures a causé d'importants retards, de même que la conformité de ces kits de rénovation. Pour ajouter à la difficulté, des soupçons de fibres d'amiante ont conduit à retirer les premières rames rénovées du service et à reprendre l'intégralité du parc pour procéder à des mesures particulièrement sévères d'examen pour évaluer le risque par rapport aux personnels et aux voyageurs et conduisant in fine à la reprise de l'exploitation et de la rénovation avec un lourd processus de désamiantage.

En compensation, la RATP a profité de l'arrivée des MI09 sur le RER A pour envoyer un contingent supplémentaire de 25 MI84, portant à 39 l'effectif sur le RER B

MI84 : une carrière écourtée, sans regrets

La fréquentation grandissante du RER A et les problèmes récurrents d'exploitation mirent en lumière l'insuffisante capacité des MI84. En UM2, ces éléments de 104 m n'occupaient donc pas les 225 m utiles des quais, contrairement aux MS61, dont les UM3 consommaient 221 m. Résultat, lorsqu'un train composé de MI84 se présentait, une partie des voyageurs devait se déplacer à la dernière minute (voire à la dernière seconde) pour essayer d'embarquer, la dernière porte étant naturellement la plus sollicitée. Qui plus est, avec 1680 places, malgré la modification de diagramme supprimant 15% de capacité assise pour agrandir les plateformes.

En outre, le MS61 ayant atteint la quarantaine d'années d'exploitation intensive, il fallait aussi envisager le remplacement de ce matériel, en dépit de ses meilleures aptitudes. Inapte sur les branches SNCF, sa capacité devenait également insuffisante et son freinage à sabots générait non seulement une importante quantité de particules fines dans l'air des stations souterraines mais aussi une usure rapide des roues. Sans compter la formation des nouveaux agents de maintenance sur de l'électromécanique des années 1960...

Aini naquit le MI09, évolution du MI2N, dont nous vous relatons la genèse et ses caractéristiques dans ce dossier.

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La Défense - 16 décembre 2007 - Les MI84 ont été rapidement pointés du doigt sur la ligne A pour leur capacité insuffisante, avec leur longueur de 208 m, n'optimisant pas la longueur des gares. Hormis la ligne B, aucune autre ligne ne pouvait les accueillir, aussi celles qui ne trouvèrent pas refuge sur celle-vi furent-elles réformées. © transportparis

Tardivement, la rénovation de 34 MI84 affectés à la ligne B fut engagée par Ile de France Mobilités, confiée aux ateliers d'Alstom à Reichshoffen, mais l'échéance d'une première réception en fin d'année 2019 n'a pas empêché la dérive globale du calendrier. Cette opération tardive, assez conséquente, est censée assurée la soudure avec le projet de nouveau matériel MIng.

Quel avenir pour le MI79 ?

Désormais trentenaires, les MI79 rénovés sont censés assurer leur service jusqu'en 2025. Cependant, la rénovation s'achevant en 2015 et non en 2012 comme initialement prévu, avec probablement quelques surcoûts en conséquence, les MI79 devraient circuler au moins jusqu'en 2025 et peut-être au-delà.

Autre facteur d'inquiétude, le RER B transporte quotidiennement un peu plus de 900 000 voyageurs et la desserte à 20 trains par heure reste encore quelque peu théorique (la moyenne se situant autour de 18 à 19 trains les bons jours). La hausse de la fréquentation, de l'ordre de 35% depuis la dernière décennie, a été gérée sans offre supplémentaire et les trains saturent aux heures de pointe.

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Châtelet les Halles - 10 juin 2019 - Le RER dans son domaine de prédilection. La livrée extérieure sombre des MI79 rénovés n'égaie pas la triste décoration appliquée à la rénovation de la gare centrale du RER. © transportparis

Probablement en ligne jusqu'en 2028, les MI79 pourront-ils tenir le choc de la poursuite de la hausse du trafic ? La solution de rames à deux niveaux est-elle pour autant la bonne formule ? Probablement pas en raison de l'interstation réduit sur la partie RATP, d'un fort trafic urbain dans Paris, et des gares très en courbe au sud, qui ne font pas bon ménage avec une porte située dans l'axe de la voiture, comme sur les MI09.

Pour esquisser le portrait-robot du successeur du MI79 et du MI84, les données d'entrée sont les suivantes :

  • longueur maximale en unité multiple : 208 m ;
  • hauteur des quais : 920 mm minimum, 1150 mm maximum ;
  • capacité : 2000 places en UM2, 4 voyageurs debout par m² ;
  • compatibilité avec la desserte de quais en courbe de 200 m de rayon, exerçant une très forte contrainte sur l'emplacement des portes ;
  • évidemment des performances en accélérations et freinage au moins équivalentes à celles du matériel remplacé ;
  • compatibilité avec NExTEO pour le pilotage automatique sur le tronçon central.

L'analyse de transportparis conduit à envisager une rame de 6 caisses pour 104 m de long, avec 4 caisses centrales de 16,5 m et 2 caisses extrêmes de 19 m, mais plutôt avec une configuration à un seul niveau avec 2 portes par face. La plus grande longueur des caisses extrêmes pourrait peut-être autoriser leur aménagement à 2 niveaux. Pour obtenir une plus grande proportion de voitures à 2 niveaux, il faudrait passer à une rame de 5 voitures, mais avec toujours 2 portes par face, avec des caisses de 22 m en extrémit et de 20 m en position centrale. Dans ce cas, les 4 voitures centrales pourraient être à 2 niveaux et les voitures d'extrémité à un seul niveau et potentiellement à 3 portes par face. L'architecture à 6 voitures disposerait donc de 12 portes, et celle à 5 voitures pourrait n'en avoir que 10 ou 12 avec une porte supplémentaire sur les caisses à un niveau. Bref, un subtil équilibre entre capacité d'emport et temps de stationnement... sachant que maximiser la performance d'échanges sera assez incompatible avec une architecture à 2 niveaux pour une longueur maximale des trains de 208 m.

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Arcueil-Cachan - 27 juin 2011 - Un MI79 passant sous l'acqueduc de la Vanne, l'un des ouvrages destiné à l'acheminement en eau potable de la capitale. Un cliché de la ligne de Sceaux... et un ouvrage qui attend la nouvelle génération de matériel roulant... © transportparis