La fin des locomotives en Ile de France
Il reste 2 ensembles de lignes sur lesquelles les rames tractées réversibles restent toujours de mise, mais cela ne va pas durer car la relève est déjà commandée : il s’agit d’abord du réseau Montparnasse (ligne N) et de la partie nord du réseau Saint Lazare (ligne J).
Les compositions de voitures VB2N – coupons de 6 voitures sur Saint Lazare et de 7 voitures sur Montparnasse – sont associées à 2 séries de locomotives : par ordre d’importance, les BB27300 et les BB7600. Elles ont un point commun : leur usage en banlieue parisienne n’était pas du tout prévu lors de leur conception.
Chaville rive gauche - 6 avril 2011 - Sur les voies rapides de la section Paris - Viroflay, la BB27317 emmène un Transilien composé de 7 VB2N vers Dreux ou Mantes la Jolie, liaisons où elles ont pris la relève des BB25500. © transportparis
Bientôt 100% d’automotrices en Ile de France
La relève approche car les VB2N ont été livrées entre 1975 et 1980 et, malgré la rénovation plutôt réussie pour l’époque, elles n’affichent plus vraiment des fonctionnalités en phase avec les attentes des voyageurs.
Sur le réseau Saint Lazare, les VB2N seront remplacées par des Franciliens (Z50000), dans le sillage de ce qui a déjà largement commencé pour éliminer les RIB sur les dessertes des groupes IV (Ermont-Eaubonne) et VI (Mantes via Conflans, Pontoise et Gisors) mais aussi les automotrices Z6400 sur les groupes II (Versailles, Saint Nom) et III (Cergy). Ainsi, à cette échéance, tous les trains Transilien au départ de Paris Saint Lazare seront assurés par ce matériel.
Cormeilles en Parisis - 14 juin 2020 - La BB27350 en direction de Paris, sur un train venant de Mantes la Jolie. On notera les nombreuses herbes folles, conséquences du confinement printanier sur l'entretien des voies, surtout la voie centrale de terminus qui ne fut pas utilisée pendant près de 3 mois. © transportparis
La desserte du groupe V sera reprise par le RER E prolongé à Mantes la Jolie en 2025 (selon l’échéance annoncée fin 2020, soit 5 ans de retard sur le calendrier initial) et donc par les nouvelles rames RERng.
Epône-Mézières - 9 avril 2015 - La BB27367 est la dernière locomotive de Transilien : elle pousse ici une rame de 6 voitures VB2N sur un Paris Saint Lazare - Mantes la Jolie sur le groupe V du réseau Saint Lazare. La gare a depuis bien chagé avec le rehaussement des quais et la création d'une nouvelle passerelle. © transportparis
Au départ de la gare Montparnasse, les Régio2N ont assuré leurs premières prestations en décembre 2020. Ces rames, déjà présentes sur le réseau Sud-Est, vont donc généraliser la formule automotrice sur des lignes qui feront donc office de dernier bastion des rames tractées.
Compenser la fin de vie des BB Alsthom
Si les VB2N avaient été conçues pour le service de la banlieue parisienne et ensuite déclinées dans une version « régionale », ces voitures ont toujours été associées à des locomotives qui n’avaient pas été spécifiquement conçues pour ce service atypique.
A l’origine, la SNCF engagea 4 versions des locomotives construites par Alsthom à partir de 1958 (BB8500, BB16500, BB17000, BB25500) développées pour un service mixte, axé sur le transport de marchandises et pouvant assurer des trains de voyageurs de tonnage modéré, dans le cadre du remplacement de la traction vapeur, puis de la traction Diesel.
Meudon-Bellevue - 20 janvier 2021 - La BB27301 tête de série est affectée au réseau Montparnasse. Elle est ici engagée sur un omnibus Paris - Plaisir-Grignon. © transportparis
Leur arrivée fut évidemment bénéfique, améliorant singulièrement les performances, mais avec aussi quelques travers, qui se sont amplifiés avec le temps, à savoir une suspension « dansante » inconfortable pour le conducteur, et une conception polyvalente qui affectait leurs performances sur un service omnibus où la mise en vitesse et le freinage sont des éléments déterminants. Les BB8500 et BB25500 furent concentrées sur Montparnasse, où l’alimentation en 1500 V est dominante, avec un appoint par les BB25500 aptes au 25 kV lors de l’électrification au-delà de Plaisir-Grignon vers Dreux et Mantes la Jolie. Si les BB17000 furent omniprésentes à Saint Lazare, il ne faut pas oublier qu’elles firent carrière au Nord et à l’Est, où elles cohabitèrent avec les BB16500, premières à partir avec la livraison de Z2N série 20500 à partir des années 1990.
Du fait de la différence d’âge entre les VB2N et les locomotives était tout de même d’au moins une décennie, et fut amplifiée par la rénovation menée sur ces voitures au début des années 2000, la SNCF dut envisager une nouvelle série de machines pour assurer la relève, étant donné que les VB2N allaient devoir circuler jusque vers 2020.
Poissy - 29 juillet 2019 - L'arrivée des BB27300 à Saint Lazare entraina une réduction des compositions à 6 voitures, tant par le besoin de former quelques rames supplémentaires du fait de la création de la desserte Paris Saint Lazare - Ermont-Eaubonne, que par l'allongement de la locomotive, faisant déborder les compositions à 7 voitures des quais courts parisiens... © transportparis
Elle mit à profit l’important marché de locomotives pour le fret, accompagnant l’espoir claironné par l’Etat en 1998 de doubler le trafic fret en 10 ans, confié évidemment à Alstom qui mettait dans la balance le devenir du site de Belfort, pour développer une version devant répondre aux besoins spécifiques de Transilien.
Il faut donc d’abord s’intéresser à la famille Prima d’Alstom, qui donna naissance aux BB27000 (version bicourant 1500 V – 25000 V), aux BB37000 (aptes en plus au 15000 V) et aux BB37500 (aux aptitudes similaires, mais commandées par des entreprises privées).
Devant la grande hétérogénéité et un âge moyen élevé de la flotte affectée à Fret SNCF, déjà en proie à une équation budgétaire des plus complexes, la nouvelle famille de locomotive devait être plus économique, non seulement à l’achat mais aussi à l’exploitation. Les dernières machines commandées alors, les BB36000, ne l’étaient pas vraiment…
BB27300 : une jeune locomotive pour des voitures en fin de carrière
C’est ainsi que Transilien passa commande pour 192 M€ de 60 machines numérotées dans la série 27300, puis de 7 unités supplémentaires en jouant sur les tolérances contractuelles. Le contrat avait été défini pour 300 locomotives, et la SNCF avait déjà notifié la commande 180 BB27000 et de 60 BB37000.
Elles conservent les principes généraux de la BB27000, mais en ajoutant évidemment les spécificités inhérentes au transport de voyageur et d’un service intensif. On citera évidemment la ligne 1500 V pour le chauffage, la réversibilité, l’Equipement Agent Seul, l’installation du KVB-P (pour les machines destinées au réseau Saint Lazare puisque cet équipement a été installé sur le groupe V), un second groupe de production d’air comprimé, un redimensionnement des transformateurs et de la ventilation, une augmentation de la puissance des batteries…
Les performances des BB27300 se sont sans surprise avérées nettement supérieures à celles des BB Alsthom, mais elles furent versées d’abord à la « robustesse » plutôt qu’à la réduction des temps de parcours, d’autant que finalement, Transilien conserva plus longtemps que prévu des BB17000 sur la ligne J : comme les horaires sont tracés sur la composition la moins performante, les BB27300 ont donc bénéficié de souplesses supplémentaires. C’est moins vrai sur le réseau Montparnasse où le retrait des Z5300 a quand même un peu changé la donne.
Autre point à souligner, les BB27300 se sont aussi révélées délicates à conduire notamment pour 2 raisons combinées : le penchant naturel des Prima pour l’enrayage a été amplifié par l’écart générationnel avec les VB2N. Les crans de traction du manipulateur de la remorque-pilote avaient été à peu près calés sur ceux de l’électromécanique des BB Alsthom. En revanche, avec l’électronique de puissance et quand même 4200 kW sous le capot, les mécaniciens ont dû adapter leur conduite pour éviter de cabrer la machine au démarrage et amplifier sa propension naturelle à s’essuyer les bogies.
BB7600 ou le bouche-trou de fortune
Cependant, les 67 BB27300 étaient insuffisantes pour remplacer l’ensemble des BB Alsthom utilisées avec les VB2N, et comme le marché était clos, la SNCF dut se tourner vers des solutions de récupération en se dotant de 14 machines de seconde main. Transilien se tourna vers des BB7200, alors que des BB22200 auraient été bien plus adaptées puisque aptes au 25000 V. Il aurait ainsi été possible de banaliser totalement l’usage des 2 séries alors que les BB7200 transformées, numérotées BB7600, allaient être cantonnées à une partie du réseau, comme l’étaient les automotrices Z5300 qu’elles remplaçaient par décalage (les VB2N du Nord ayant été libérées par la généralisation des Franciliens). Ce choix serait motivé par le respect d'une masse maximale de 90 tonnes sur les locomotives transformées pour respecter les 22,5 tonnes à l'essieu.
Meudon-Bellevue - 20 janvier 2021 - Arrêt dans l'une des 3 gares sur la commune de Meudon d'un omnibus Paris - Rambouillet assuré par la BB7609 : une reconversion imprévue pour ces locomotives taillées pour les longs parcours. © transportparis
Or la BB7200 n’a pas du tout été conçue pour le service omnibus mais plutôt pour emmener des trains de voyageurs de 750 tonnes à 160 km/h de Paris à Marseille, ou 1600 tonnes de fret à 120 km/h…
Pour l’avenir : diverses formes de recyclage
Les BB7600 ont vocation à être réformées et conduites chez le ferrailleur, ce qui est une forme expéditive (et non réversible) de recyclage. L’une d’elles a déjà été réformée (la BB7605).
En revanche, les BB27300, arrivées en 2006, disposent encore d’une durée de vie résiduelle importante puisqu’elles seront à mi-vie quand disparaîtront les dernières VB2N. L’horizon dans le transport de voyageurs est bouché, car les rames tractées disparaissent petit à petit du service régional. Ces machines sont peu adaptées à la longue distance car aptes à seulement 140 km/h. Par conséquent, le destin des BB27300 est probablement de finir à la location, pour du fret, moyennant la dépose de certains équipements particuliers. Cependant, les aptitudes des Prima sont en train d’être dépassées par les nouvelles générations (Vectron, Traxx 3, Euro6000 et Euro9000, sans compter leurs variantes bimodes). Autant dire que pour elles aussi, l’avenir s’annonce plutôt obscur.