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transportparis - Le webmagazine des transports parisiens
23 septembre 2020

Un usage de la voirie plus efficient : et si on repensait au tramway ?

La Région Ile de France a organisé la semaine dernière sa conférence régionale pour le climat et la présidente de la RATP a fait une intervention des plus intéressantes et des plus pragmatiques sur l'encombrement de l'espace public : « La circulation à Paris est devenue invraisemblable » a-t-elle répété par deux fois. Au-delà de ce constat, Mme Guillouard a appelé à un changement de dimension dans la réflexion. « Il faut qu’on ait, à un moment donné, une vision stratégique de l’utilisation de l’espace dans les villes […] On va devoir avancer sur ces sujets si on ne veut pas avoir des conflits d’usage, une multiplication des incidents et surtout de la non-efficience. » Et on sait très bien que la non-efficience encourage le statu quo... et donc la domination de l'automobile.

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Paris - Avenue de Saint Ouen - 23 juillet 2020 - Dans le cas présent, pas sûr que cet aménagement soit tactique... à moins d'assumer la gêne aux transports en commun. Certes, c'était déjà difficile mais il y avait au moins un sens où les autobus avaient une voie réservée. On notera d'ailleurs que même pour les vélos, l'améngement est tout de même mal réalisé, comme le prouve cette bordure de béton posée en travers. © transportparis

L'augmentation de 70% de l'usage du vélo en région parisienne, notamment à Paris et en première couronne, est un chiffre de prime abord impressionnant... mais il faut savoir d'où on part, c'est-à-dire d'assez bas même si le développement de Vélib' avait déjà impulsé le mouvement. Cela dit, la fulgurance du mouvement est pour partie à l'origine de la situation actuelle, qui génère de nombreuses crispations et poussées agressives (le comble pour un mode de transport dit « doux »). Il apparaît plus que jamais nécessaire de penser collectif dans une nouvelle poussée individualiste exacerbée par la crise sanitaire, faisant ressurgir les mêmes comportements que l'on reprochait précédemment aux automobilistes. On peut aussi noter l'amorce d'un mouvement qui commence à mettre en avant les excès et le besoin de cette efficience évoquée par Mme Guillouard. Il est intéressant de lire les réactions à l'article publiée par Olivier Razemon, chroniqueur du Monde, sur son blog L'interconnexion n'est pas assurée à ce sujet : le propos développé semble parfois enjoliver la situation et les commentaires pointent des problèmes de cohabitation, donc la nécessité de changer de dimension et de passer à une vision d'ensemble dans l'organisation de l'espace public. Son titre peut d'ailleurs inquiéter : pas plus qu'à la voiture, la ville ne doit pas s'adapter au vélo... mais à la diversité des besoins et des usages en intégrant quelques fondamentaux : le primat du piéton, des modes de transport propres et économes en espace, la rationalisation de la circulation, la préservation des fonctions économiques indispensables à la vie des quartiers.

La déclaration de la RATP va dans ce sens d'une réflexion la plus large possible, n'oubliant ni les transports en commun, ni les livraisons, bref, qui intègre la vie économique d'une mégapole. On note tout de même des évolutions qui vont plutôt dans le bon sens, mais par saccades pas toujours coordonnées. Par exemple, le couloir pour les autobus de la rue Auber, dans le sens Haussmann - Opéra, a été élargi, ce qui offre un meilleur confort pour les autobus qui peuvent plus commodément dépasser les cyclistes (si ceux-ci roulent en file). En revanche, sur la rue du Havre, la double piste cyclable a pris une voie de circulation et les autobus sont encore un peu plus mêlés à la circulation générale, tandis qu'ils ont déserté la rue d'Amsterdam entre la place de Clichy et la gare Saint Lazare (empruntant dans les 2 sens l'itinéraire par la place de l'Europe).

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Paris - Rue Auber - 6 septembre 2020 - Une seule voie de circulation générale sur la rue Auber et le couloir descendant nettement élargi, ce qui permet aux autobus de doubler aisément les cyclistes : c'est mieux. En attendant, le fabricant de ces quilles jaunes est heureux car son chiffre d'affaires doit être lui aussi en forte hausse... © transportparis

La RATP aura aussi probablement quelques dossiers à prendre en charge : s'il est vrai que les conducteurs d'autobus doivent parfois faire preuve d'un calme olympien dans la circulation, la régulation de l'exploitation a bien régressé au cours des dernières années, principalement pour des raisons d'économie. Autre domaine où la régie a un impérieux besoin d'amélioration : l'information des voyageurs, avec un nombre ahurissant d'écrans aux arrêts et dans les véhicules qui sont en panne, non installés ou illisibles (la première génération SIEL).

Mais il faudra probablement aller beaucoup plus loin : il serait déjà intéressant d'indiquer le coût des mesures de cet  « urbanisme tactique » car si la Ville de Paris annonce vouloir pérenniser les aménagements réalisés depuis 6 mois, il est évident que cela ne pourra pas rester dans cet état temporaire à coups de peinture jaune, de quilles en plastique fluorescent et de blocs de béton.

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Paris - Rue Tronchet - 6 septembre 2020 - Un couloir d'autobus en moins ! la piste cyclable à double sens entre le boulevard Haussmann et la place de la Madeleine a entrainé la disparition du couloir réservé aux autobus dans le sens sud-nord. © transportparis

Il n'est d'ailleurs pas tout à fait normal que ce soit l'opérateur de transports en commun qui, le premier, appelle à un peu de cohérence : cet épisode prouve une nouvelle fois que l'organisation territoriale de l'agglomération parisienne n'est pas efficiente, pour reprendre le terme de la présidente de la RATP, car bien trop morcelée. C'est particulièrement le cas dans le domaine des transports.

Néanmoins, l'enjeu reste de taille : la réduction de la pollution, des nuisances, l'amélioration de la qualité de vie, la notion de densité durable contre la tentation d'un étalement urbain encore plus important qu'aujourd'hui, dont on sait qu'il condamne à un usage plus important de la voiture. Plus que jamais, les transports en commun apparaissent comme un facteur de cohésion et le facteur déclencheur d'une réorganisation de grande ampleur de l'espace public.

Il faudra donc aller au-delà de petites mesures, comme la réorganisation des lignes d'autobus de Paris et de quelques communes limitrophes, qui n'a pas fondementalement changé la perception de l'offre de transport. La rupture peut avoir un nom : le tramway ! C'est autour de nouvelles lignes que pourrait vraiment être réorganisé l'espace public, accordant une place de choix aux transports en commun, les plus à même d'optimiser le ratio espace occupé / voyageur transporté, au profit des piétons, puis des vélos, sans pour autant négliger le besoin d'espaces de circulation et de stationnement commodes pour les entreprises, les commerces et les véhicules d'intervention.

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Paris - Boulevard Masséna - 15 décembre 2012 - Le tramway des Maréchaux incarne une autre conception de l'espace public en essayant de concilier les différents usages et les différentes activités. Les transports en commun asseoient leur position centrale mais le vélo n'a pas été oublié avec la réalisation de pistes cyclables, tout en dégageant de vastes trottoirs, une capacité suffisante de la chaussée et un cadre de vie plus agréable que ce qu'il était auparavant. A reproduire non plus seulement sur cette rocade mais aussi dans Paris (et évidemment sur nombre d'axes de petite et moyenne couronne)... © transportparis

On entend déjà les critiques : c'est cher, c'est long à réaliser... mais Paris ne s'est pas faite en un jour, et il faut bien commencer. Or en la matière, mise à part la rocade des Maréchaux, le sujet est au point mort et il a fallu de contenter d'un toilettage du réseau d'autobus en 2019

Certes, ce n'est pas la réponse universelle mais elle pourrait assurément apporter un peu plus de méthode dans l'évolution de la voirie. Soyons ouverts : comme justement Paris (et surtout son ancien réseau de tramways) ne se (re-)fera pas en un jour, on pourrait peut-être commencer par de vraies lignes de BHNS en site propre ou avec un maximum de voies vraiment réservées, avec des autobus articulés ?

PS : reportage à TF1 20 heures le 27 septembre 2020 à Paris et Toulouse.

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Commentaires
G
Paris a le métro le plus dense du monde, ajouter quelques lignes de tramway qui se fraieront difficilement un chemin pour capter un pouillème de trafic est absurde alors que la plus grande partie de la rive droite est densément bâtie et laisse peu de place à de grands axes de circulation. Vouloir encore restreindre ces quelques couloirs ne contribuera qu'à muséifier un peu plus les arrondissements centraux de Paris au bénéfice de quelques privilégiés. Je ne connais personne rive droite qui prend sa voiture pour se déplacer au quotidien. L'essentiel du trafic est constitué d'artisans, de livreurs, de taxis et d'utilitaires en tous genres. Je précise que je me déplace au quotidien à Paris à vélo (boulot et loisirs)
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B
"Bravo" Annie Didalgo et ses ami(e)s "verts" : (cf Le Parisien numérique du 28/09 (17 h 57) (papier le lendemain ?)) :une habitante de Paris bloquée plus de 2 heures dans un ascenseur..........à cause de la journée sans voiture ! Les policiers refusaient de laisser passer le dépanneur ! Il a fallu qu' il force le passage, profitant d' un moment d' inattention de leur part . Dommage que cela ne soit pas arrivé à quelqu' un de leurs familles, ou, et encore mieux, à de la famille d' Annie ou de ses acolytes !<br /> <br /> <br /> <br /> (article de Elodie Soulié)
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D
Au doigt mouillé, je dirais que s'il ya un coût de franchissement d'ouvrages, c'est avant tout celui lié aux collecteurs d'égouts, et dans certains cas aux aqueducs et conduites d'eau, aux passages souterrains pour piétons, etc ...
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O
Dans notre schéma directeur, le T9 monte effectivement vers la rocade des gares et rejoint la gare de Lyon. <br /> <br /> <br /> <br /> Néanmoins, la question de la résistance des voûtes du métro aux caractéristiques d'un tramway moderne est très intéressante. C'est d'ailleurs potentiellement un sujet à creuser sur le plan de la technique de construction des plateformes de tramways pour en limiter l'impact sur la voûte, car entre une motrice L et une rame moderne, il y a quand même une petite différence de masse qui n'est pas négligeable !
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E
Sinon, une circulation mixte bus/tramway sur une chaussée avec avec rails à gorge ne serait-elle pas envisageable ? Cela se fait beaucoup en Suisse par exemple, sans paraître poser trop de difficultés, et permettrait d’avoir une voie réservée et surtout des arrêts sécurisés (par rapport à la situation actuelle où ils sont coincés entre autoroute automobile et autoroute cycliste) et avec des correspondances facilitées. Cela ne résoudrait pas tout, loin de là, mais permettrait déjà d’avancer. Quant aux pelouses, vu leur coût environnemental en arosage et leur manque de diversité, des voies goudronnéesencadrées d’espèces arborées variées seraient sans doute aussi bonnes pour la biodiversité.
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T
Pour finir là-dessus : on notera qu'il n'y a quasiment pas de mixité tram/vélo à Amsterdam.<br /> <br /> Seul le secteur de la Rembrandtplein semble déroger de façon très exceptionnelle à ce "principe"...mais inversement la mixité voiture/vélo ne s'envisage que sur des axes à trafic motorisé réduit par plan de circulation. <br /> <br /> Et le tram doit se contenter d'une unique voie sur de nombreuses sections du centre...à voir si ça passe avec l'auteur de ce blog !
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J
Bonjour,<br /> <br /> <br /> <br /> Un exemple de Gand avec des vélos et des trams<br /> <br /> <br /> <br /> https://www.youtube.com/watch?v=sEOA_Tcq2XA<br /> <br /> <br /> <br /> Salutations,<br /> <br /> <br /> <br /> Roland jéhansart
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O
MODERATION - 25.09.2020<br /> <br /> <br /> <br /> Dites, et si on parlait plutôt des transports en commun ? C'est bien gentillet de débattre sur le fait de savoir si on doit sanctuariser une piste cyclable même pendant la demi-journée du marché alimentaire du boulevard Brune, mais il ne vous aura pas échappé que le sujet de cet article - et le thème de ce site - porte sur l'amélioration des transports en commun.<br /> <br /> <br /> <br /> Donc, les vélos sur les voies de tramway, même bitumées, bétonnées, pavées, c'est non. Par principe, pour maintenir l'efficacité du tramway et éviter les pépins sur les appareils de voie.<br /> <br /> <br /> <br /> Merci donc de revenir au sujet de cet article, c'est à dire un véritable plan d'amélioration des transports en commun de surface, catalyseur d'une réorganisation de l'espace public. A défaut, la modération sera plus stricte...
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D
La photo du boulevard Masséna illustre parfaitement l'aberration que représente le tramway. Il prend une place folle au détriment des vélos.<br /> <br /> A moins de bitumer sa plate-forme et d'y encourager la circulation des vélos, comme c'est réclamé dans nombre de villes de province par les associations de cyclistes écologistes.<br /> <br /> Bien sûr, ce n'est pas à prendre au sérieux, mais cela ressemble au sort fait aux couloirs d'autobus.
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O
Assez bizarre de sortir d'un cycle électoral complet où des candidats ont été hués ou snobés pour avoir dit la même chose (Griveaux -paix à son âme - au sujet des couloirs de bus supprimés, Villani pour refondre l'approche de la voirie à l'échelle métropole et développer une infra cyclable "express" pour les besoins de mobilités rapides...)<br /> <br /> <br /> <br /> Le clientélisme en faveur de quelques assos de vélo a payé, mais maintenant le coup marketing de "l'urbanisme tactique" va nous couter une génération de retard sur l'aménagement du coeur de l'Ile de France. Les maires des villes de couronne vont de nouveau se polariser "anti chaos cyclable". Le bilan écologique net sera nul : les effets de report déjà visibles faute de concertation vont détruire les quelques gains. Et les parties déjà les plus attractives de Paris vont l'être encore plus, au détriment des autres qui servent de paillasson.<br /> <br /> <br /> <br /> Quel gâchis.
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T
Paris ne s'est pas fait en 1 jour, mais la reconstruction d'un réseau de tramways avec 3 lignes (rocade des gares, axe nord sud) prendrait moins de 3 ans de travaux . A Bordeaux, la ville a été en chantier 3 ans et maintenant on a un réseau maillé en centre ville et la poursuite du réseau peut se faire sans perturber toute la ville (même si c'est désormais la volonté qui fait défaut)<br /> <br /> <br /> <br /> La part modale de la voiture est désormais faible dans Paris, c'est donc parfaitement jouable, c'est une question de volonté politique et de priorisation des financements.
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T
Pouvez-vous arrêter d'utiliser l'expression "modes doux" s'il vous plaît?<br /> <br /> La marche et le vélo sont des modes ACTIFS.
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T
Attention, la rue Tronchet a été mise à sens unique. "L'esprit" du couloir de bus a été conservé.<br /> <br /> <br /> <br /> Par contre je suis totalement d'accord sur le mille-feuille et le morcellement administratif francilien, un peu plus aggravé par l'apparition de la Métropole et de ses territoires...sans suppression des départements.<br /> <br /> Curieusement à ce petit jeu la Ville de Paris est l'un des territoires les plus intégrés de France (arrondissement - Ville - région)...mais ses frontières n'ont pas bougé depuis 1860.
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G
Le hic reste que dans un tram, les gens seront collés aux HP... problème moins rencontré à vélo. Cependant, j'adhère à l'idée de bien séparer les flux et surtout de mieux réfléchir avant de mettre des bandes cyclables n'importe où (sur les pavés, les cyclistes n'oseront jamais s'aventurer...)
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N
Un des secteurs à réaménager d'urgence reste le secteur Gare-du-Nord-Gare-de-l'Est, la rue Lafayette continuellement encombrée, pareil sur le boulevard Magenta et la réorganisation du réseau bus dans le secteur a été catastrophique avec le croisement de trois lignes de bus articulés (les bus à remorques de Benjamin Grivaux) chargés à bloc au carrefour Lafayette-Fbg St-Denis. <br /> <br /> Devant un tel désordre qu'a produit IDF-Mobilités. Limitation du 46 à Gare de L'est, limitation du 35 à Gare-du-Nord et raccourcissement du 91 à Gare de l'Est. bref, un dégradation de l'offre pour les usagers de la Gare du Nord et du futur centre commercial Auchan que IDF-Mobilités soutient avec la présidente de la région.<br /> <br /> Depuis des années, il est question du tramway des gares, voilà bien l'occasion de s'n occuper pour de bon et d'utiliser l'argument de l'accès au centre commercial Gare-du-Nord pour préparer le projet et avancer des solutions aux désordres permanents du secteur.
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D
Sinon, avez-vous remarqué la mise en sens unique de la rue d'Alésia ? Afin de faciliter les trajets des bus de la ligne 62.
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D
Les pistes cyclables des boulevards des Maréchaux sont complètement nulles, à refaire entièrement, en prenant une voie de circulation automobile par sens.
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C
Hello, je suis cycliste dans Paris et je suis 100% d'accord. Certains aménagements ont été faits en dépit du bon sens. Je trouve totalement contreproductif de supprimer des voies de bus pour créer des pistes cyclables.<br /> <br /> Je note une augmentation de l'agressivité des chauffeurs de bus qui n'existait pas auparavant et je les comprends...<br /> <br /> Les aménagements à Paris semblent être décidés au niveau de l'arrondissement et pas au niveau de la mairie centrales. Par exemple dans le 16ème il n'y a quasiment pas d'aménagement pour les vélos. On voit bien qu'il y a une volonté de ne pas favoriser le vélo. On est en train de combler les tunnels de Maillot et Champerret alors qu'ils auraient pu être récupérés pour les vélos. Passer les portes Maillot et Dauphine à vélo est assez sportif (voire délirant à Maillot avec des pistes qui commencent et ne finissent pas...).
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