C'est un débat qui était apparu depuis quelques semaines dans l'actualité des transports franciliens et que transportparis a laissé mûrir avant de s'y pencher. La fin du monopole de la RATP sur l'exploitation des lignes d'autobus à Paris et en petite couronne devait prendre fin en 2024. Cependant, les effets de la pandémie de 2020-2021 ont profondément perturbé le contexte, notamment sur le plan des recrutements. La pénurie de conducteurs reste importante, même si les premières nouvelles recrues sont désormais derrière le volant. On ne peut négliger le fait que la fin des recrutements statutaires a aussi minoré l'attractivité de ce métier, encore qu'il faille replacer ce cas dans la situation générale de dépression de nombre de métiers du service public ou à la personne.
Paris - Pont au Change - 29 mars 2023 - Dotée d'autobus articulés depuis 4 ans, la ligne 38 est un axe majeur du réseau de surface parisien qui mériterait - à défaut de tramway - un site propre vraiment dédié sur l'intégralité de son parcours, avec une réassociation des deux sens de circulation par le boulevard de Sébastopol. © transportparis
Paris - Avenue Gambetta - 28 avril 2022 - Les étranges autobus électriques Aptis produits par Alstom sont rares : il n'y en a que 50 et le constructeur a arrêté la production faute de débouché commercial. Ils circulent notamment sur la ligne 64, aperçue sur cette avenue disposant d'un couloir à contresens en direction de la place du même nom. © transportparis
Paris - Rue Cardinal Lemoine - 5 mai 2022 - Moins d'automobiles mais une vitesse commerciale en baisse importante depuis 20 ans ? Il faudra assurément se pencher très rapidement sur cette crise de l'exploitation et retrouver le chemin de la performance. La ligne 89 emprunte parcours souvent complexe et ses arrêts sont parfois très - trop ! - rapprochés. © transportparis
Dans ces conditions, ajouter une dose supplémentaire d'aléas, d'incertitudes, bref de déstabilisation potentielle, c'était probablement jouer d'un peu trop près avec le feu. Mais ce n'est pas tout.
Organiser les appels d'offres et les éventuels changements d'opérateurs dans une période marquée par les Jeux Olympiques d'été de 2024, durant lesquels l'efficacité des transports sera assurément scrutée par le monde entier, c'était encore un pari audacieux.
Ce n'est pas tout : outre le fait que la fréquentation n'est pas encore revenue au niveau nominal de 2019, l'exploitation des lignes d'autobus pâtit de l'accumulation de travaux et des nouvelles politiques d'aménagement urbain, pas toujours favorables à l'efficacité des transports en commun. Ainsi, alors que la circulation automobile y a baissé d'environ 25 % depuis le début de ce siècle, la vitesse commerciale des autobus parisiens est passé de 13 à 9 km/h. Même chose en petite couronne où certaines lignes parvenaient à atteindre 18 km/h alors qu'elles plafonnent aujourd'hui à 15 km/h. Pourtant, les véhicules utilisés ne sont pas moins puissants et l'augmentation de la fréquentation (allongeant les temps d'arrêt) ne peut expliquer à elle seule un tel effondrement.
Arcueil - Carrefour de la Vache Noire - 7 novembre 2021 - Du fait des travaux de la ligne 15, la ligne 323 est scindée en deux sections de part et d'autre de Châtillon-Montrouge : c'est un axe de rocade très important au sud de Paris, traversant des communes denses. L'amélioration des conditions de circulation sur cet axe est essentielle. Des autobus articulés seraient aussi nécessaires, supposant une capacité de remisage accrue. © transportparis
Montreuil - Avenue Gabriel Péri - 5 novembre 2021 - Une voie réservée aux autobus aurait été bien utile ici pour réduire le temps de parcours entre Fontenay-sous-Bois et Montreuil. On aperçoit derrière le 115 déjà d'autres Citélis de la ligne 127 à la fréquence pourtant moyenne... © transportparis
Pour couronner le tout, rappelons aussi qu'il manque 147 autobus à l'effectif puisque les Bluebus de deuxième génération sont toujours à l'arrêt faute de solution pour remédier au risque d'incendie.
Le ministre des Transports a annoncé un report de 2 ans de la procédure, soutenant une proposition de loi déposée par un député communiste (lui-même opposé au principe de libéralisation) et contre la position de la Région et d'Ile-de-France Mobilités.
Il faut espérer que ce délai supplémentaire permettra non seulement de retrouver des effectifs en nombre suffisant pour rétablir le service nominal sur l'ensemble du réseau mais aussi pour réfléchir aux conséquences des futures contractualisations. Nul doute que les opérateurs seront très attendus sur des critères qualitatifs comme la ponctualité et l'efficacité du service : la dimension économique n'est pas à négliger puisque de la vitesse commerciale dépend directement le coût de production du service et son attractivité. La ponctualité, comme la vitesse commerciale, dépendent principalement de la gestion de la circulation. Comment les opérateurs pourront-ils prendre des engagements sur ces points essentiels sans avoir en face une certaine garantie de la part des gestionnaires de voirie ? C'est un peu le même problème que dans le secteur ferroviaire, dans lequel les opérateurs demandent des garanties de disponibilité de l'infrastructure et de qualité des sillons...
Bref, il serait particulièrement bienvenu que ce délai supplémentaire soit mis à profit pour engager un plan d'amélioration de la vitesse commerciale des lignes d'autobus, avec un objectif de gain de 30 % en 3 à 5 ans.