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transportparis - Le webmagazine des transports parisiens

MF67 : le retour du métro classique

Les enseignements du MP59

L’expérience de l’exploitation des rames sur pneumatiques sur les lignes 1, 4 et 11 fut jugée concluante, mais la conversion de la totalité du réseau était trop longue pour être réaliste : elle aurait entraîné une prolongation du service du matériel Sprague-Thomson au-delà des années 1990. Aussi, après la conversion de la ligne 1, la RATP dut engager les premières études d’un nouveau matériel à roulement classique mais disposant de meilleures performances, en s’inspirant du MP59 pour ce qui concerne les équipements de traction, la caisse et l’aménagement intérieur. En outre, la RATP redécouvrait le niveau de confort réel du roulement fer. Ainsi naissait le MF67.

Différentes solutions techniques aux origines

A la fin de 1966, seules quatre lignes avaient bénéficié d'un renouvellement du parc, encore que le matériel articulé de la ligne 13 était de conception ancienne.

Si le matériel sur pneumatiques avait constitué en 1955 un progrès par rapport au matériel ancien, les évolutions en matière fer permettaient d'envisager le problème sous un angle nouveau. Il s'avérait en effet que le roulement fer sur fer était nettement plus confortable et silencieux que le roulement sur pneumatiques qui transmet toutes les vibrations du roulement à la voiture, donnant un inconfort assez sensible.

En outre, les délais nécessaires à la modernisation par matériel sur pneumatiques au rythme d'une ligne tous les trois ans, reportait à 2000 le retrait des derniers trains Sprague. La rénovation rapide du réseau et la mise en œuvre du programme d’extension exigeaient donc l'emploi d'un nouveau matériel sur fer.

C'est dans cette optique que la RATP entreprit des études pour un nouveau matériel, baptisé MF67. Ce nouveau matériel était de conception très différente de celui utilisé jusqu'alors.

1968_MF67martin-nadaud

Station Martin Nadaud ligne 3 - 1968 - Vue officielle du MF67 sur la ligne 3 dans une station dont les mois étaient comptés. La caisse reprend les principes développés sur le MP55 et le MP59. (document RATP)

Au commencement du MF67 était le principe de l’adhérence totale : les 5 voitures formant le train devaient être motorisées afin d’avoir les meilleures performances possibles. Le freinage rhéostatique était aussi requis. La RATP souhaitait étudier différentes possibilités et fournisseurs. Tout particulièrement, elle compara le bogie monomoteur type Duwag et le bogie bimoteur ANF. Après la commande de 2 trains prototypes dès juillet 1966, la RATP décidait immédiatement l’équipement de la ligne 3. Les commandes effectuées auprès de Brissonneau-et-Lotz, d’une part et la CIMT d’autre part, se répartissaient ainsi :

  • tranche A : 20 rames à bogies monomoteurs (type A1) pour la ligne 3 et 20 rames à bogies bimoteurs (type A2) pour la ligne 9
  • tranche B : 6 motrices de tête destinées à tester différents composants, et ensuite remises au type A dont 4 monomoteurs et 2 bimoteurs
  • tranche C : 22 rames à bogies monomoteurs (type C1) pour la ligne 3 et 46 rames à bogies bimoteurs pour la ligne 7
  • tranche Cx : 16 motrices centrales également destinées à tester certains équipements, dont les portes louvoyantes coulissantes du futur MF77

Les voitures sont désignées par les lettres M (motrices de tête), N (motrices intermédiaires) et NA (motrices intermédiaires de 1ère classe).

Ces rames étaient dotées de caisses très voisines de celles du MP59, avec 4 portes de 1,30 m à ouverture assistée sur chaque côté des voitures, un éclairage fluorescent et des banquettes en skaï. Elles portaient la livrée apparue sur le matériel articulé, bleu clair et gris à filets jaunes, les voitures de 1ère classe étant jaune à filets bleus.

A la fin de 1966, la ligne 3 fut choisie comme étant la première à moderniser. Le 9 septembre 1967, le premier prototype était livré et entrait en service le 21 décembre suivant. Une seconde rame prototype de cinq motrices à caisses en inox suivait en mai 1968.

L'équipement complet de la ligne 3 s'achevait en avril 1971. L'équipement de la ligne 3 permit la réforme de plusieurs séries de voitures anciennes, M60 à 80 de la ligne 10, motrices à 2 loges alors sur la ligne 7bis. Les lignes 7bis et 10, équipées de trains de 4 voitures avec 6 moteurs (M4 + M2), reçurent des trains à 8 moteurs (M4 + M4). Il fut en outre possible de renforcer le parc de la ligne 7 avec du matériel Sprague dans l'attente de son équipement à son tour en MF67 : la RATP passa commande de 353 voitures, toutes motrices, pour l'équiper, opération réalisée entre le 14 juin 1971 et le mois d'octobre 1973, ce qui permit de muter les Sprague sur la ligne 12, en remplacement des trains Nord-Sud dont le dernier cessait son service le 15 mai 1972.

1978_MF67-12saint-lazare

Saint Lazare - Ligne 12 - 1978 - Après 62 ans de règne des rames Nord-Sud, l'arrivée des MF67 consacra la modernisation de la ligne 12. On notera évidemment la voiture de 1ère classe en jaune et surtout la décoration de la station, similaire à celle de la ligne 3. Le métro était alors plus coloré qu'il ne l'est aujourd'hui. © J.H. Manara

Retour à l’adhérence partielle

La tranche D du marché marqua le renoncement à l’adhérence totale : afin d’accélérer la réforme des Sprague, la RATP décida d’utiliser le stock de motrices constitué avec les tranches A et C et de commander 363 remorques dans la tranche D afin de constituer des trains plus nombreux mais avec seulement 3 motrices, l’écart de performance étant jugé marginal et permettait en outre de faire des économies d’énergie. Cette tranche comprend notamment des remorques-pilotes (désignées par la lettre S) et des remorques intermédiaires de 1ère (A) et 2nde classes (B). A l’issue des recompositions, toutes les rames de type A et B furent reclassées en catégorie D.

1991_MF67-5-rapee

Quai de la Rapée - Ligne 5 - 1991 - La ligne 5 fut exploitée avec la série F pendant plus de 30 ans. Elle avait été livrée avec la nouvelle livrée adoptée à partir de 1973 avec le mariage du bleu roi et du blanc avec ceinture noire. © J.H. Manara

 

1988_MF67viaduc-austerlitz_manara

Viaduc d'Austerlitz - 1988 - Série inconnue pour ce MF67 passant sur le célèbre ouvrage, mais il ne s'agit pas d'un train de la série F, du fait de la livrée de la rame, et surtout de la voiture de 1ère classe jaune : les MF67F de la ligne 5 portaient la livrée à base de bleu roy. On peut noter que les quais de Seine sont en plein travaux : l'environnement urbain a bien changé. © J.H. Manara

 

Les formations se décomposent ainsi :

  • formation 1 : M – B – NA – B – M, correspondant à 43 trains circulant tous sur la ligne 3
  • formation 2 : M – N – A – B – M soit 18 trains sur les lignes 3, 5, 9, 10 et 12
  • formation 3 : S – N – NA – N – S soit 77 trains pour les lignes 3, 9, 10 et 12
  • formation 6 : M – B – M soit 6 trains de la ligne 3bis

A l’issue de cette opération, la RATP pouvait limiter aux heures de pointe le service des Sprague, le service de base étant quasiment exclusivement assuré par des rames modernes. En revanche, si la consommation d'énergie était en baisse, les performances étaient tout de même affectées par la réduction de la puissance massique.

201012_MF67saint-marcel

Saint Marcel - Ligne 5 - 20 octobre 2012 - Les MF67F ont accompli l'essentiel de leur carrière sur la ligne 5. Matériel hybride puisque reposant sur des bogies type MF77, cette série jugée d'une fiabilité moyenne n'a pas été rénovée. La ligne 5 a été depuis équipée en MF01. © transportparis

Dans ce même objectif, la RATP commandait 56 rames à bogies bimoteurs et avec pour la première fois le freinage par récupération. Cette série revêtait la nouvelle livrée du Métro, bleu roi et blanc avec ceinture noire. La tranche E devait débuter son service sur la ligne 13 dans le cadre de la jonction 13-14 Saint Lazare – Invalides effective en 1976. Leur affectation ne fut que temporaire puisqu’elles furent mutées sur la ligne 8 à l’arrivée des MF77 sur la ligne 13, puis sur les lignes 2 et 7bis (en composition à 4 voitures) lors de l’équipement de la ligne 8 en MF77. Le lot de rames affecté à la ligne 7 bis fut ensuite muté sur la ligne 10 (en repassant à 5 voitures) à l’arrivée des MF88, ce qui, in fine, permit de réformer le matériel articulé MA52.

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Barbès Rochechouart - Ligne 2 - 10 février 2008 - Sur la section en viaduc de la ligne 2, un MF67E en direction de Porte Dauphine. Ces rames n'ont pas bénéficié du programme de rénovation et ont depuis été remplacées par le nouveau MF01. © transportparis

Enfin, arrivait une dernière tranche F de 51 éléments à bogies monomoteurs, équipés d’une suspension pneumatique et du freinage à récupération, similaires à ceux du MF77, destinée aux lignes 7 et 13 afin de compléter leur parc, et qui fut ensuite concentrée sur la ligne 5 à l’issue de l’arrivée du MF77. Ces rames se distinguaient également par leurs aérateurs de toiture succédant aux ouïes traditionnelles de toiture. L’inondation du terminus de l’Eglise de Pantin le 6 juin 1982 mit temporairement hors d’état pas moins de 18 éléments MF67F qui impliqua l’engagement de 12 trains Sprague sur la ligne 9 qui envoyait 12 MF67D en soutien sur la ligne 5, situation qui ne fut réglée qu’après la remise en état des MF67F, aboutissant au retrait final des Sprague le 16 avril 1983.

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Pont de Sèvres - Ligne 9 - 10 novembre 2012 - La ligne 9 est la dernière ligne de premier plan desservie en MF67... mais d'ici mi-2015, les MF01 auront pris la relève. Les amateurs de bogies moteurs à pignons droits en seront pour leurs frais, à moins de migrer vers la ligne 12 qui accueille progressivement ces trains à bogies bimoteurs plus adaptés en courbe. © transportparis

Le type MF67, qui comprend en définitive 1483 voitures, équipa alors totalement les lignes 3, 7 et 13, et partiellement les lignes 8, 9, 10 et 12.

Par mutations successives, les dernières séries de motrices Sprague à 2 moteurs furent retirées de la circulation au printemps de 1976. Le matériel articulé de la ligne 13, fut cantonné à la ligne 10 à partir de 1976.

Des modernisations plus ou moins consistantes

Les MF67 bénéficièrent à partir des années 1990 de différentes opérations destinées à remplacer des composants sensibles afin de renforcer la fiabilité du parc. Ce fut aussi l’occasion de leur faire porter les nouvelles couleurs du réseau, blanc et vert jade. Furent notamment concernés les trains de la ligne 9 à partir de 1995. D’autre part, toutes les rames de la ligne 3 bénéficièrent d’un programme important de modernisation entre 2003 et 2006, du fait de leur bonne fiabilité. Il porta sur la modification de la ventilation et du pavillon intérieur, l’adoption d’un nouvel éclairage indirect et une nouvelle disposition des sièges afin d’élargir le couloir avec le maintien d’un carré de 4 et la création de 4 sièges le long de la fenêtre. Enfin, les plans dynamiques faisaient leur apparition ainsi que les annonces sonores. Les autres rames de type D furent traitées plus simplement avec le remplacement des banquettes en skaï par des sièges antivandalisme. Les rames de type E et F ne furent pas traitées en vue de leur réforme, remplacés par les MF01. A fin août 2014, la RATP exploitait 192 trains MF67.

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Gambetta - Ligne 3 - 12 juin 2011 - Les MF67D de la ligne 3 ont été les seules de cette famille de matériel à bénéficier d'une rénovation lourde concernant les aménagements intérieurs. En outre, la mise en place d'Octys a montré la capacité d'intégrer des équipements de contrôle commande modernes sur un matériel plus que quadragénaire. © transportparis

Dernière particularité sur le parc MF67, les trains de la ligne 3 sont équipés du système OCTYS « de base » remplaçant le pilotage automatique PA135, en maintenant le principe du cantonnement fixe des trains. Il n’en reste pas moins qu’un système type CBTC habituellement utilisé sur les métros « dernier cri » équipe un matériel conçu en 1966 !

Des rames spécifiques

La rame 12001, prototype du MF67, était le plus ancien train de ce type : il fut réceptionné le 14 décembre 1967. La rame 12002 livrée en mai 1968 se distinguait par sa caisse en acier inoxydable qui lui valut le surnom de Zébulon. Elle servit de rame école pendant de nombreuses années et fut radiée en 2011. La rame 12003, livrée en 1974, est dotée de caisses en aluminium et revêtait une livrée intérieure et extérieure particulière qui lui valut un autre surnom : Bonbonnière, à cause des tons rose et saumon retenus. Rentrée dans le rang, elle circule sur la ligne 12 actuellement. La rame 12004, livrée en 1973, était aussi dotée de caisses en aluminium et servit de rame école. Enfin, la rame 13060 est le prototype destiné à déverminer le système d’exploitation Ouragan de la ligne 13.

tableau-MF67

Vu du voyageur

Le MF67 a joué un rôle décisif dans la modernisation du Métro, parallèlement à la rénovation des stations. En particulier, les trains de la ligne 3 avec bogies monomoteurs type Duwag, proches de ceux utilisés sur le métro berlinois, procurent une douceur de roulement remarquable pour l’époque et supérieur au roulement du matériel sur pneumatiques, qui plus est avec suspension à ressort. En revanche, le bogie bimoteur s’avère moins agressif pour la voie dans les courbes de faible rayon. Le passage de voitures Sprague-Thomson pour certaines alors quasiment sexagénaires au MF67 tranchait radicalement et contribua à renouveler l’image du réseau. Si le niveau sonore diminuait, aujourd’hui, ce matériel accuse le demi-siècle de conception. Les ouies d'aération en toiture propagent le bruit, les baies vitrées ouvrantes aussi, et le confort thermique est aussi affecté, tant par ces courants d'air potentiels que la présence des rhéostats de freinage sous les motrices.

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Mirabeau - Ligne 10 - 6 novembre 2017 - Les MF67 assurent l'atypique ligne 10, privée de pilotage automatique, avec son tracé en boucle et son étrange station Mirabeau desservie uniquement vers la gare d'Austerlitz. A noter que la rame en sens inverse semble limitée à la porte d'Auteuil. © P. Tak

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Opéra - Ligne 3 - 28 juillet 2019 - Premières arrivées et probablement dernières réformées, les rames de la ligne 3 sont aussi les plus agréables de cette série grâce à l'évolution de leur diagramme et à la douceur du roulement des bogies, alors que les voies du métro sont parfois de qualité moyenne... © T. Giesen

La rénovation intérieure eut pour effet le retrait des banquettes au profit d’assises – beaucoup – plus fermes. L’opération concernant les trains de la ligne 3 fut réussie quant au diagramme retenu. Les couleurs des voussoirs auraient mérité d’être plus lumineuses afin d’éclaircir l’ambiance intérieure.

Un renouvellement au-delà de 2020

Les MF67 jouent les prolongations. Si l’arrivée des MF01 a réduit le parc pour le cantonner aux lignes 3,10 et 12, les décalages successifs de l'appel d'offre leur assure de passer le cap de la décennie 2020 et peut-être d'atteindre 2030. Il était initialement question d'un MF15, ce ne sera qu'un MF19, qui sera livré entre 2023 et 2032. Les MF67 de la ligne 3, qui sont les premières de cette génération, devraient être réformées à 60 ans et peut-être même 62 ans, égalant le record de longévité des rames du Nord-Sud (1910-1972).

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