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transportparis - Le webmagazine des transports parisiens

T11 : la tangentielle nord, un système parallèle

D’abord un train de banlieue de rocade

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Le Bourget Grande Ceinture et son bâtiment en retrait de la ligne dont on aperçoit au premier plan quelques voies de service déjà enherbées.

Fermée aux voyageurs en 1939, la partie nord de la Grande Ceinture devait être utilisée dans le cadre du projet LUTECE pour constituer une rocade entre Pontoise, Noisy-le-Sec et l’aéroport de Roissy. De Pontoise à Epinay-Villetaneuse, le projet prévoyait l’insertion sur la ligne radiale avec le RER C et la banlieue Paris Nord, et, après l’emprunt de la Grande Ceinture jusqu’au Bourget, de circuler avec le RER B jusqu’à Roissy. Le service était envisagé avec une fréquence de 15 minutes, mais les conditions d’exploitation en mixité avec le réseau radial, mais aussi avec le trafic fret, avaient été quelque peu sous-évaluées.

C’est cependant sur cette base que fut lancée la concertation en 1999, avant que ne soit adopté le schéma de principe par le Syndicat des Transports Parisiens le 11 juillet 2000, et finalement réexaminé et réorienté.

Un tram-train sur voies dédiées

Le nouveau projet proposait une ligne de tram-train établie le long des voies existantes, en utilisant au maximum le foncier ferroviaire existant et en recourant à des acquisitions foncières limitées du fait d’un gabarit réduit du matériel, 2,65 m au lieu de 2,90 m. Avec deux voies dédiées, la nouvelle version « légère » de la tangentielle nord se trouvait ainsi en capacité d’offrir un service beaucoup plus dense, avec une fréquence de 5 minutes pouvant être abaissée jusqu’à 3 minutes. L’infrastructure a été prévue pour accueillir des formations UM3, avec des quais de 150 m de long. Dans une telle configuration, la ligne pourrait transporter jusqu’à 16200 voyageurs / heure / sens.

Le tracé proposé relie Sartrouville à Noisy-le-Sec, soit 28 km avec 14 stations offrant des correspondances avec l’ensemble du réseau ferroviaire radial y compris des lignes de tramway :

  • Sartrouville : RER A et ligne L (Paris Saint Lazare – Cergy le Haut) ;
  • Val d’Argenteuil : ligne J (groupe VI, branches de Mantes par Conflans et Gisors par Pontoise) ;
  • Argenteuil : ligne J (groupe IV et VI, branches de Mantes par Conflans, Gisors par Pontoise et Ermont-Eaubonne) ;
  • Epinay-sur-Seine : RER C mais aussi le tram T8 ;
  • Epinay-Villetaneuse : ligne H (toutes branches du réseau Paris Nord Ouest) ;
  • Pierrefitte-Stains : RER D ;
  • Le Bourget : RER B ;
  • Noisy-le-Sec : RER E et tram T1.

Grâce aux meilleures performances du tram-train, plusieurs stations supplémentaires pouvaient être créées tout en maintenant une vitesse commerciale élevée de l’ordre de 50 km/h (point blanc sur la carte ci-dessous).

TLN

Suite à la concertation complémentaire menée sur cette variante, un schéma de principe amendé fut adopté par le STIF le 28 septembre 2004. La prévision de trafic établissait le potentiel à 160 000 voyageurs par jour, notamment grâce à l’effet fréquence. Le 29 mai 2008, la tangentielle nord (TLN) obtenait sa déclaration d’utilité publique.

Une accumulation de surcoûts

Cependant, le projet devait subir une forte évolution des coûts : annoncé à 335 M€ en 2000, la variante tram-train ressortait en 2007 à 493,5 M€ pour la seule section centrale Epinay – Le Bourget (11 km et 7 stations), en dépit du choix de la solution « légère » qui générait tout de même de surcoûts, notamment sur le poste de signalisation. Aussi, un phasage était décidé, en jouant notamment sur l’aptitude du matériel tram-train puisque l’atelier de maintenance devait être installé à Noisy-le-Sec, à proximité du terminus. Paradoxalement, en phasant le projet, le tram-train était auto-justifié, surcoûts inclus.

Le 8 juillet 2009, l’avant-projet de cette section centrale était approuvé et les travaux démarraient le 13 décembre 2010.

Pendant ce temps, le coût total du projet, de Sartrouville à Noisy-le-Sec, était réévalué à 760 M€ aux conditions économiques de 2000, soit près de 1 MM€ aux conditions de 2008. Face à une telle dérive, la possibilité d’achever le projet fut remise en cause et ne trouva – du moins pour l’instant – d’issue qu’au travers des engagements réciproques de l’Etat et de la Région dans le cadre du Nouveau Grand Paris.

Un projet pourtant nécessaire

L’intérêt de la tangentielle nord ne souffre pourtant guère de discussions, grâce à la simplification des trajets en évitant le passage par Paris. Il est aussi probable que le succès de cette première phase justifiera la poursuite de sa réalisation.

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Le bâtiment d'Argenteuil Grande Ceinture sans usage voyageurs aujourd'hui : a minima, l'arrivée de la TLN dans cette gare procurerait une correspondance avec le réseau Saint Lazare moyennant un parcours piéton d'environ 200 m. © transportparis

La 2ème phase de la TLN se décompose en deux sections, du Bourget à Noisy-le-Sec et d’Epinay à Sartrouville. La section Est apparaît aujourd’hui quasiment acquise, d’autant qu’elle est liée à l’accès indépendant à l’atelier de maintenance. En revanche, la section Ouest attend la levée des interrogations, notamment sur la question foncière liée à la création du terminus de Sartrouville. A minima, une étape à Argenteuil n’est pas à exclure afin de proposer au moins une connexion avec la ligne J tout en lissant les investissements.

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Sartrouville - 13 juillet 2013 - Des trains de voyageurs sur la Grande Ceinture ? Dans le cas présent, la 17080 tracte un segment RIB de 7 caisses pendant des travaux interceptant le groupe V entre Sartrouville et Asnières : les trains étaient alors déviés via Argenteuil. © transportparis

Le tram-train : une bonne solution ?

C’est finalement une question inévitable. Assurément, la solution ferroviaire classique était moins adaptée aux besoins de la population du nord parisien : le principe d’une desserte à forte fréquence sur des voies dédiées était le bon. Certes, la densité de trafic journalier sur la Grande Ceinture n'est pas un obstacle majeur (essayez, par exemple sur la passerelle de la station Université de Villetaneuse, de prendre en photo un tram-train et un train de fret...), mais on espère toujours un développement du fret ferroviaire...

En revanche, le choix du tram-train à la française dont on comprend au vu des expériences à Mulhouse, Lyon, Nantes (vers Clisson et Châteaubriant) et évidemment sur T4, qu’il a plutôt additionné les contraintes que les avantages, apparaît aujourd’hui plus discutable. Le principe du gabarit réduit pour limiter les acquisitions foncières et demeurer autant que possible dans les emprises ferroviaires était lui aussi le bon.

Toutefois, la réalisation d’une ligne de tramway classique, recourant aux dispositions existantes de signalisation « tramway » (Rhônexpress, Montpellier, Valenciennes, tunnels de Strasbourg et Rouen), aurait simplifié la conception tout en offrant les mêmes aptitudes à 100 km/h avec un matériel doté de bogies compatibles à une telle vitesse (là encore, les choix techniques de Rhônexpress constituent une référence, à adapter évidemment au niveau du trafic).

Du point de vue du matériel roulant, le tram-train est conçu pour circuler aussi bien sur des lignes urbaines que ferroviaires. Or dans le cas présent, les rames ne circulent ni sur les lignes du réseau ferré national, ni sur des lignes urbaines. La conception d’un produit hybride apparaît donc discutable, d'autant que la mise au point du système d'exploitation a généré des surcoûts, justifiant le phasage et donc le choix du tram-train, uniquement pour accéder à l'atelier de Noisy le Sec par les voies fret de la Grande Ceinture.

Le choix du tram-train est aussi stratégique pour la SNCF : un tramway sous réglementation urbaine du STRMTG, à l'instar du T2, aurait logiquement échappé au monopole de l'opérateur ferroviaire, puisque les voies auraient été hors réseau ferré national. Le STIF aurait alors dû recourir soit à un appel d'offres, soit à une intégration dans un des contrats existants et la RATP aurait alors été en première ligne. Or la SNCF doit faire oublier les médiocres résultats sur T4, à la fiabilité aléatoire et au service fréquemment dégradé. La TLN résulte donc d’un compromis technique et politique : sa réalisation est à ce prix mais on ne peut faire abstraction de quelques regrets a posteriori.

La mise en service : la TLN devient T11

Après une marche à blanc d'un mois, le mise en service de la première phase de T11 entre Epinay-sur-Seine et Le Bourget est intervenue le 1er juillet 2017, apportant une véritable amélioration des déplacements en banlieue nord. Le temps de trajet de 15 minutes procure un gain de plus de 30 minutes : jusqu'alors, pour relier Epinay et Le Bourget, il fallait prendre T8 jusqu'à Saint-Denis puis le RER D ou la ligne H jusqu'à la gare du Nord pour récupérer le RER B.

Le service propose en semaine une cadence de 5 minutes en heure de pointe et de 10 minutes en journée. Le samedi, l'intervalle est de 10 minutes le matin et de 7 min 30 l'après-midi. Le dimanche, l'intervalle passe de 15 à 12 minutes le matin et se stabilise à 10 minutes le dimanche. T11 circule à gauche alors que T4 circule à droite, ce qui ne manque pas d'étonner.

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Villetaneuse - 1er juillet 2017 - Croisement de deux rames au premier jour d'exploitation régulière. On roule à gauche, comme sur une ligne de chemin de fer classique. A gauche, les deux voies de la Grande Ceinture, réservées au fret. Notez le coin photo intéressant pour capter un train de fret et un tram-train... © transportparis

L'exploitation des Dualis avec seulement 4 portes pour 250 places sur 43 m, contre 8 portes (dont 6 doubles) pour 304 places sur la même longueur pour un tramway urbain (Citadis 402 par exemple) sera à surveiller pour la tenue des temps de stationnement quand le trafic atteindra son régime nominal. Les premières années d'exploitation aboutissent à un trafic de 32 000 voyageurs par jour, ce qui est assez modeste.

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La Courneuve - 11 mars 2018 - Grande Ceinture ferroviaire classique à gauche, tangentielle nord à droite... qui roule à gauche, alors que l'autre tram-train francilien, T4, roule à droite comme un tramway. Les rames de T11 ont reçu une livrée intermédiaire avec parements carmillon. © transportparis

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Le Bourget - 24 mai 2019 - Les aménagements en station sont très classiques, puisant dans le mobilier standard de la SNCF. Les surfaces abritées sont généralement un peu chiches... © transportparis

Les stations disposent de leur propre bâtiment en structure verre-métal légère, accueillant guichets, automates et lignes de contrôle. A quai, les équipements sont assez minimalistes avec une faible surface abritée.

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Le Bourget - 24 mai 2019 - L'accès au T11 en gare du Bourget s'effectue depuis le terminus des autobus par ce nouvel édicule de verre et d'acier (dans lequel il peut faire très chaud). Il est assez généreusement dimensionné. © transportparis

Reste à attendre l'achèvement de la ligne, notamment à l'est jusqu'à Noisy-le-Sec, et à l'ouest où il apparaît essentiel d'atteindre a minima Argenteuil pour procurer une correspondance avec le réseau Saint Lazare. Mais il faudra être patient : la création de 2 voies supplémentaires entre Epinay et Argenteuil, entre la Seine et le coteau, ne sera pas facile et onéreuse, tandis qu'entre Val d'Argenteuil et Sartrouville, il faudrait les loger dans un environnement certes plat mais plus urbain.

Compte tenu d'un trafic fret structurellement limité entre Sartrouville et Argenteuil, on pourrait envisager la circulation des trams-trains sur les voies existantes, mais la difficulté se situe à Sartrouville, où il faudra un débranchement pour rejoindre l'actuelle gare des autobus, et donc vraisemblablement une courte zone en 750 V continu : loger une section de séparation sur les raccordements aux voies existantes serait-il possible ? Ce serait tout de même une source d'économie pour achever - tant bien que mal - T11.

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Sartrouville - Gare des autobus - 7 mars 2010 - Pour accueillir T11, il faudra reconsidérer assez largement l'aménagement de ce pôle d'échanges, mais l'importance du flux d'autobus devra être prise en compte. © transportparis

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