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transportparis - Le webmagazine des transports parisiens

Le RER E : cap à l'ouest

1994 : apparition de la variante Mantes-la-Jolie

 

Le Contrat de Plan Etat-Région 1994-2000 préservait l’esprit du projet initial d’EOLE vers l’ouest, mais intégrait une variante en direction de Mantes-la-Jolie, dans le cadre d’une réflexion Normandie – Val de Seine – La Défense – Paris. L’intégration dans EOLE des trains de banlieue du groupe V avait certes moins d’impact sur le niveau de saturation de la gare Saint-Lazare, puisque ne concernant que 6 trains par heure au lieu de 16 avec le groupe II.

 

La SNCF envisageait aussi à l’époque de faire passer dans le tunnel EOLE des trains Grandes Lignes Normandie – Roissy, ignorant les contraintes de longueur et de hauteur des quais des gares souterraines (225 m de long et 1,15 m de hauteur à la construction) et la capacité à exploiter efficacement un RER aussi imbriqué, y compris sur le tronçon central, avec des liaisons longue distance. Commençait aussi à apparaître l’idée d’une nouvelle gare sur le site de l’ancienne gare aux marchandises de Nanterre La Folie qui venait de cesser toute activité.

 

L’alternative Mantes-la-Jolie prenait donc de l’envergure, d’autant que transparaissait aussi la volonté d’améliorer les interactions économiques entre les territoires de la vallée de la Seine, notamment entre Mantes, Les Mureaux, Poissy et La Défense.

 

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Houilles - 27 juin 2011 - La desserte du groupe V est assurée par des rames VB2N associées à des BB27300, ayant remplacé les BB17000. Les compositions sont passées de 7 à 6 voitures du fait de la longueur accrue des locomotives par rapport à la longueur des quais. Ici, les deux voies de gauche sont dédiées au RER A et au groupe III (mission Paris - Cergy) et les trois voies de droite au groupe V. © transportparis

 

EOLE plus à l’ouest

 

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Haussmann - Saint-Lazare - 4 avril 2012 - Aujourd'hui terminus, cette gare changera de fonction à la mise en service du prolongement vers Nanterre La Folie. Généreusement dimensionnée par rapport aux besoins actuels, la gare sera nettement plus sollicitée à partir de 2020. © transportparis

 

La nouvelle crise de saturation du RER A remit sur les rails le prolongement du RER E. En juillet 2006, l’Etablissement Public d’Aménagement de La Défense sollicitait une étude sur la desserte du quartier d’affaires : le RER A n’arrivant pas à absorber la totalité des flux et les aléas d’exploitation liés à la saturation pénalisait son attractivité. RFF reprit le projet et jeta les bases de la relance du prolongement du RER E.

 

Plus question de reprendre le groupe II. Si La Défense restait un point de passage obligé, le nouveau projet EOLE intégrait la desserte de la vallée de la Seine vers Mantes-la-Jolie, objet d’une Opération d’Intérêt National.

 

Le principe de l’exploitation en recouvrement, adopté dès l’origine d’EOLE, était adapté à la nouvelle configuration du projet : les trains venant de l’ouest allaient, contrairement au premier projet, desservir systématiquement La Défense et effectuer leur terminus dans une nouvelle gare à Nanterre La Folie, sur le terrain de l’ancienne gare aux marchandises. Les trains venant de Mantes la Jolie conservaient eux le principe du terminus dans le 19ème arrondissement de Paris, dans une gare finalement située dans le quartier de l’Evangile.

 

Ce choix est apparu pleinement pertinent compte tenu du fait que moins de 5% des voyageurs potentiels avaient besoin de traverser Paris, et du fait de l'exploitation impliquant de fortes imbrications avec les dessertes régionales et nationales.

 

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Villennes - 19 mars 2014 - Les Paris - Cherbourg sont l'apanage des BB26000 du fait de la pratique des 200 km/h. Le "goulot de Villennes" et ses deux voies reste un point difficile pour la construction horaire : l'ajout de voies supplémentaires pose un évident problème d'insertion compte tenu du voisinage des habitations. La désimbrication des flux passera par LNPN. © transportparis

 

EOLE dut composer avec une pression politique demandant d’abord une mise en service dès 2017 : aussi, les étapes préalables de débat public, concertation et enquête publique ont été menés en un temps record si bien qu’après la relance effective du projet en 2008, un débat public lancé fin 2009, la déclaration d’utilité publique était obtenue le 31 janvier 2013, alors que les études préliminaires et le schéma de principe avaient été menés parallèlement tablant sur une mise en service en décembre 2020.

 

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Houilles - Carrières-sur-Seine - 27 juin 2011 - EOLE intègrera la desserte de La Défense à la liaison Mantes la Jolie - Centre de Paris. L'arrêt du RER E à Houilles obtenu par la ville est d'intérêt discutable : il était justifié par le besoin d'assurer la correspondance entre les trains de la ligne J (Paris - Mantes via Poissy) et le RER A pour proposer une liaison ferroviaire Mantes - La Défense. Dès lors que le RER E assure directement cette liaison, délestant au passage le RER A, à quoi servira l'arrêt à Houilles, qui bénéficie de 12 trains par heure avec le RER A et la ligne L ? © transportparis

 

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Mantes-la-Jolie - 31 janvier 2013 - C'est sur les deux voies visibles sur ce cliché que les RER E effectueront leur terminus. Elles donneront accès au site de remisage et de maintenance qui sera situé en arrière-plan. © transportparis

 

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Mantes-la-Jolie - 11 septembre 2014 - Il y a aussi du fret sur le groupe V, principalement en heures creuses et la nuit : outre les nécessaires acheminements de trains de travaux (comme ici avec ce convoi ETF), la desserte des usines automobiles de la vallée de la Seine et du port du Havre impose dans la conception des travaux le maintien d'une capacité suffisante. © transportparis

 

Sans susciter d’opposition affirmée, EOLE a cependant été mis en difficulté par l’absence de portage politique clairement affiché et par la focalisation d’une partie des élus franciliens sur le Grand Paris Express. Ainsi, pas moins de deux ans ont été perdus faute d’un protocole de financement, plusieurs fois annoncé et plusieurs fois reporté. Le 6 février 2016, à l’occasion de l’inauguration de la gare Rosa Parks, l’Etat annonçait une contribution supplémentaire de la Société du Grand Paris afin d’assurer le financement d’EOLE.

 

Les grandes lignes du projet

 

D'un budget estimé en 2007 à 3,3 MM€, le prolongement comprendra donc :

  • un tunnel de 8 km entre l'actuel terminus Haussmann - Saint-Lazare et Nanterre La Folie avec 2 gares intermédiaires : Porte Maillot et La Défense ;
  • la transformation du site de Nanterre La Folie, située à proximité de celle de Nanterre Préfecture, pour accueillir une nouvelle gare : elle sera le terminus des trains actuels venant de Chelles, Villiers-sur-Marne et Tournan ;
  • un site de remisage et de petit entretien du matériel... sur l'ancien site des ateliers de La Folie fermés en 1994 ;
  • la modification du raccordement de Bezons entre La Folie et le groupe V, par la réalisation d’un saut de mouton sur la Seine à hauteur du pont de Rouen ;
  • le remaniement du plan de voies de Poissy, avec notamment la reprise de l’entrée sur la voie 2 bis (sens Mantes – Paris) afin de disposer d’un quai de 225 m contre 184 m aujourd’hui ;
  • la création d’un pas d’installations permanentes de contresens (IPCS) entre Poissy et Vernouillet ;
  • l’achèvement jusqu’à Mantes-la-Jolie de la 3ème voie entamée dans le CPER 1994-2000 entre Aubergenville et Epône ;
  • la reprise du plan de voies de Mantes-la-Jolie ;
  • la création d’un atelier de maintenance et de sites de remisage du matériel dans le triangle de Mantes la Jolie ;
  • la modernisation des postes de signalisation de Poissy, Vernouillet, Les Mureaux et Mantes-la-Jolie, ainsi que l’adaptation du poste existant de Haussmann - Saint-Lazare, le tout étant intégré dans le projet de Centre de Commandement Unifié à Nanterre (pour l’ouest) et Pantin (pour l’est) ;
  • l’allongement à 225 m et le rehaussement des quais à 92 cm, le remplacement des abris de quais et l’augmentation de la surface abritée pour les 10 gares concernées par le projet (Houilles, Poissy, Villennes, Vernouillet-Verneuil, Les Clairières-de-Verneuil, Les Mureaux, Aubergenville, Epône-Mézières, Mantes Station, Mantes-la-Jolie) ;
  • la rénovation des gares et leur mise en accessibilité (sauf Mantes Station).

 

Le projet de Mantes-la-Jolie a évolué entre la conception initiale et celle finalement adoptée à la fin de la phase d’études. Il était initialement prévu de créer une 9ème voie à quai, en démolissant les bâtiments centraux de la gare. L’intégration de l’arrêt à Houilles-Carrières, non initialement prévu, semble avoir ajouté des contraintes à l’exploitation déjà tendue, créant de nombreux conflits de circulation dans l’entrée de la gare de Mantes. Le nouveau schéma intègre un saut-de-mouton permettant aux trains venant de Cherbourg de rejoindre la voie venant du Havre en amont de la gare (et non en aval comme aujourd’hui). La 9ème voie à quai ne serait plus nécessaire.

La carte du projet de prolongement du RER E

 Une enquête publique pour la future gare d’Eole de La Défense

Vue de la gare de La Défense, sous le CNIT au niveau du quai central encadré par les deux voies du RER. (document projet EOLE)

http://www.neuillysurseine.fr/images/neuilly/mairie/projets/porte-maillot-1.jpg

Vue de la gare Porte Maillot depuis les quais. Un  puits de lumière situé dans l'actuel terre-plein central de la place illuminera la structure de la gare. (document projet EOLE)

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Nanterre - 30 juin 2013 - C'est sur le franchissement de la Seine entre Nanterre et Bezons que sera réalisé le saut de mouton permettant d'accéder à la gare de Nanterre La Folie : une disposition contrainte par la proximité des ouvrages de l'A86. Un passage pour les piétons et les vélos a été ajouté en cours de conception, adossé aux piliers du nouvel ouvrage. © transportparis

 

Les études de trafic tablent sur environ 650 000 voyageurs par jour sur l'ensemble du RER E. Par rapport aux enjeux de délestage du réseau existant, EOLE apporte trois fonctionnalités :

  • dans l'est parisien, les voyageurs montés entre Tournan et Nogent Le Perreux n'ont plus besoin de prendre le RER A à Val de Fontenay pour rejoindre La Défense. Bien que proposant un temps de parcours supérieur à celui du RER A (le trajet du RER E étant plus long avec plus d'arrêts), la meilleure régularité du RER E devrait militer en sa faveur. Surtout, les voyageurs conserveront globalement les mêmes conditions de transport alors que le transit par le RER A rend certain le voyage debout de Val de Fontenay à La Défense ;
  • dans Paris, EOLE apporte une liaison directe Magenta / Gare du Nord - La Défense, évitant le transit par le RER B et le RER A via Châtelet les Halles, représentant un délestage d'environ 15% par rapport à la situation au fil de l'eau ;
  • à l'ouest, la création de la liaison directe Mantes - La Défense bénéficiera à la boucle de Montesson (Houilles, Sartrouville, Maisons Laffitte) d'une part en créant une liaison plus rapide que le RER A entre Poissy et La Défense (14 min au lieu de 21) et en supprimant le besoin de correspondance à Houilles entre les lignes J et A, redonnant une capacité non négligeable aux missions Poissy du RER A, sachant qu'on comptait à l'heure de pointe environ 400 correspondances par train entre les trains Mantes - Paris et le RER A pour atteindre La Défense.

 

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Schéma de desserte étudié à horizon 2025 pour la section Ouest.

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Schéma de desserte étudié pour l'horizon 2020 sur la section Est : l'arrêt à Trois Communes (Bry-Villiers-Champigny) pour la correspondance avec la ligne 15 est étudié à l'échéance de la mise en service de cette dernière.

 

Rosa Parks, une nouvelle gare dans Paris

 

La création de la nouvelle gare Rosa Parks, mise en service le 13 décembre 2015 et inaugurée le 6 février 2016, a permis d’améliorer la desserte du nord-est du 19ème arrondissement, peu maillé par le métro. Connectée au tramway T3, la gare dessert sur son flanc sud un secteur d’habitat assez dense et au nord, la reconversion des anciens entrepôts Mac Donald et de l’axe des Maréchaux, objet de programmes de construction de logements et d’implantation d’entreprises. Elle a été initiée dans le CPER 2007-2015. Prévue initialement en 2014, la mise en service a été différée d’un an afin de limiter les nuisances dues aux travaux dans un environnement très urbain. En outre, le projet a intégré en cours d’élaboration des aménagements définis par le projet EOLE, notamment pour le futur terminus des missions venant de Mantes-la-Jolie. Le coût du projet atteint 130 M€, financés à 51,2% par la Région, 25,6% par la mairie de Paris, 22,6% par l’Etat et le solde par RFF. Elle est desservie par l’ensemble des trains du RER E.

 

Le matériel roulant : du MI2N au RERng

 

Pour desservir le RER E, la SNCF tablait d’abord sur les automotrices Z2N au moyen d’une tranche supplémentaire au marché. Elle prévoyait d’affecter 46 automotrices pour le service de la banlieue Paris Est. Son prolongement à la gare Haussmann - Saint-Lazare supposait 7 rames supplémentaires. Elle se lança finalement avec la RATP dans le projet MI2N et commanda 53 exemplaires de ce matériel, contre 17 pour la RATP. Cependant, les deux versions différaient en plusieurs points.

 

L’ouverture de la gare Rosa Parks en 2015 a nécessité l’apport de 8 rames Francilien. Nettement moins capacitaires (1844 places en UM2 contre 2580 pour les MI2N), elles sont en théorie engagés sur des lignes de roulement évitant les trains les plus chargés et concentrées sur la mission Villiers-sur-Marne. Malheureusement, le projet de la nouvelle gare ne pouvait être rattaché à aucun marché de matériel roulant adapté. Il a donc fallu se contenter du seul matériel disponible à la SNCF.

 

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Ozoir-la-Ferrière - 18 mars 2015 - Les MI2N de la SNCF sont moins performants que leurs homologues de la RATP et leurs aptitudes ne sont pas compatibles avec les besoins de la future grille horaire EOLE. Le STIF a décidé de ne pas les équiper de NExTEO, impliquant une mutation sur d'autres lignes d'Ile de France qui pourraient alors bénéficier de leur importante capacité. © transportparis

 

Le premier projet de prolongement prévoyait une option d’une cinquantaine de rames MI2N, mais en version 4 caisses, ôtant la remorque centrale, pour compatibilité avec les quais plus courts de l’ouest.

Le nouveau projet s’appuie sur le développement d’un nouveau matériel roulant, le RERng. Contrairement au MI2N, il disposera d’accès à 97 cm au lieu de 120 cm afin de proposer un accès de plain-pied depuis des quais de 92 cm. Le RERng sera compatible avec NExTEO, le système d’exploitation et de régulation du tronçon Pantin – Nanterre, d’où sa conception avec un haut niveau de performances en traction et en freinage.

 

Les MI2N quitteront le réseau : l'hypothèse d'une mutation sur le groupe III était devenue caduque compte tenu du décalage du calendrier du projet, incompatible avec la réforme des Z6400.

 

Dérive du calendrier, dérive des coûts

 

Entre la complexité intrinsèque du projet d'infrastructure et celle de la stratégie du matériel roulant couplée au système NExTEO, le calendrier ressemble à un parcours d'obstacles. La conduite technique du projet a jusqu'à présent été menée à un rythme soutenu compte tenu de la lourdeur des procédures administratives sur un périmètre aussi vaste. Le protocole de financement est un peu plus difficile à contractualiser : il devait être signé en 2013 pour espérer tenir l'échéance de 2020. Il le sera au mieux mi-2016. On est loin des intentions élyséennes de 2008 d'ouvrir EOLE à Mantes dès 2017, qui ne reposaient que sur une rhétorique politique faisant abstraction de toute réalité technique.

 

Cependant, EOLE fait aussi l'objet de débats intenses à propos de son coût. S'il était estimé en 2007 à un peu plus de 3 MM€ de l'époque, le projet ne dut son salut qu'à la conclusion d'un protocole de financement fondé sur un accostage à quasiment 500 M€ en dessous de l'estimation réelle, à 3,2 MM€ au lieu de 3,7 MM€. Le retard pris dans sa signature a mécaniquement fait grimper la facture, au moins au niveau de l'inflation. La conjoncture haussière dans le domaine des travaux publics et l'augmentation sensible des coûts des métaux ont accéléré la dérive, qui atteint au final 1,7 MM€. En mai 2022, un accord est intervenu entre les financeurs pour porter 600 M€ de surcoût. Reste quand même le plus gros morceau, alors que les trains sont en cours de fabrication et que l'infrastructure est en voie d'achèvement...

 

Un démarrage en douceur

 

Le 6 mai 2024, la SNCF mettait en service une première étape avec une desserte au quart d'heure entre 10 heures et 16 heures du lundi au vendredi, ajoutant une mission Magenta - Nanterre aux dessertes de l'est parisien. L'exploitation nominale prolongeant ces dernières à Nanterre est prévue pour novembre. Quant à l'achèvement du projet jusqu'à Mantes, avec 22 trains par heure et par sens entre Nanterre et Magenta, il est désormais question de 2026.

 

A plus long terme, avec la section francilienne de LNPN, il serait possible de saturer la capacité nominale à 28 trains, en passant de 6 à 8 trains par heure jusqu'à Mantes, en ajoutant une mission de renfort jusqu'aux Mureaux, soit 12 trains par heure. A l'est, il serait question d'ajouter une mission supplémentaire, probablement jusqu'à Gagny. Cependant, dans cette perspective, il faudrait accepter quelques diamétralisations complètes pour respecter le plafond capacitaire du tronçon central.

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