Vers un vrai réseau de cars intervilles ?
Nous l’avions déjà dit dans une précédente analyse : « pas de Grand Paris Express efficace sans de bons rabattements ». C’est l’angle – complètement ! – mort du projet porté par la SGP. L’intermodalité entre les réseaux ferrés est généralement mal considérée, mal traitée et exportée soit à la RATP soit à SNCF Réseau. Quant aux autobus et autocars, c’est comme s’ils n’existaient pas.
Le rapport coordonné par le président du Conseil Départemental de l’Essonne, François Durovray, étudie le développement d’un réseau de cars express en Ile-de-France, afin de compléter le réseau ferroviaire.
Cars à Haut Niveau de Service pour territoire organisés autour de la voiture
Il existe aujourd’hui 80 lignes dites « express » mais dont le qualificatif semble souvent usurpé : le constat préliminaire confirme le désordre et l’absence de hiérarchie claire dans les dessertes routières, en particulier en grande couronne.
Ce rapport dresse un panorama de l’intensité de la dépendance à la voiture en grande couronne, qui est à l’origine de relativement peu de déplacements vers le cœur de la métropole, mais où foisonnent des déplacements de distances plus modestes ou entre les centralités périphériques. Dès lors, l’usage de la voiture est ultra-dominant, comme dans les territoires ruraux.
Ainsi, un habitant de grande couronne circule en moyenne 5 fois plus en voiture qu’un parisien (17 500 km pour le premier, 3351 pour le second). Les distances parcourues au sein de la grande couronne sont 4 fois plus importantes que celles vers le cœur d’agglomération, et si on y ajoute les flux vers la petite couronne, l’écart reste encore du simple au double. Il faut ajouter l’impact potentiel de la Zone à Faibles Emissions : près du tiers des ménages motorisés les plus modestes possèdent des véhicules qui seront bannis par la ZFE. Et comme la grande couronne n’est pas uniquement peuplée de ménages aisés (dont quand même 12,5 % ont un véhicule ne répondant pas aux critères de la ZFE), il y a donc réellement nécessité à développer une palette de solutions de transports en commun.
Il existe une demande, et elle est forte : avec seulement 10 % d’offre supplémentaire sur les lignes interurbaines entre 2017 et 2019, la fréquentation a augmenté de 25 %.
Saint-Germain-en-Laye - Route des Loges - 9 juillet 2022 - Une liaison par tram-train entre Saint-Germain et Cergy-Pontoise apparaît bien hypothétique (surtout en l'absence de raccordement complet au carrefour RN184 - RD190). En attendant, ce parcours est assuré par la ligne Express 27 actuellement opérée par Transdev avec des Mercedes Intouro. © transportparis
Mantes-la-Jolie - Gare routière sud - 10 juillet 2020 - Autre liaison à destination de Cergy-Pontoise, la ligne 80 a son origine à Mantes-la-Jolie. Une liaison interpôle intéressante, empruntant l'A13 et l'A15 en passant par Les Mureaux. © transportparis
Torcy - Gare routière - 6 avril 2018 - Sous le label Seine-et-Marne Express, la ligne 18 relie les deux principales villes du département, entre Melun et Meaux en ne quitte les voies rapides que pour desservir les gares de Lieusaint, Emerainville, Torcy. L'archtétype d'une liaison d'intérêt régional justifiant une desserte routière non seulement intense avec un haut niveau de confort. La desserte est déjà assez fournie, mais pourrait être mieux organisée car elle comprend entre 2 et 5 services par heure. Le temps de parcours varie entre 1h40 et 1h50, ce qui reste quand même très long, mais plus rapide - et direct - que le train. © transportparis
Massy-Palaiseau - Gare routière - 13 octobre 2021 - C'est la liaison vitrine : aves ses cars à deux étages et sa station aménagée sur l'A10, la ligne 91-03 Massy - Dourdan connaît un succès grandissant grâce à la qualité de son service. © transportparis
Pas de plan tout fait, mais un cadre directeur
Les préconisations de ce rapport sont intéressantes :
- restructurer 20 lignes pour les épurer et en faire de véritables liaisons entre les principaux pôles urbains et les nœuds de correspondance du réseau ferroviaire :
- créer 20 lignes supplémentaires ;
- standardiser le service avec un cadencement à l’heure ou à la demi-heure et des prestations supérieures à bord des véhicules pour rendre leur usage plus attractif ;
- faciliter l’identification des lignes dans le cadre de la refonte de la numérotation des lignes de bus en grande couronne ;
- rationaliser les itinéraires de sorte à les rendre les plus efficaces possibles, quitte à créer de nouvelles gares routières le long des autoroutes sur le modèle de Briis-sous-Forge ;
- aménager des voies réservées sur les voies rapides franciliennes, en transformant la bande d’arrêt d’urgence ;
- unifier la maîtrise d’ouvrage des projets en allant vers un transfert de la compétence sur la voirie – au moins celle empruntée par les transports en commun - à Ile-de-France Mobilités
- le coût d’investissement est estimé à un milliard d’euros et le coût d’exploitation à 100 M€ par an, à financer soit par une taxe spéciale d’équipement (comme le Grand Paris Express), soit une réaffectation de crédits aujourd’hui fléchés vers le métro, et sans écarter – bien au contraire – une baisse de la TVA à 5,5 % sur les transports publics.
En revanche, sans annoncer clairement la liste des lignes, les cartes de ce rapport laissent présager d’un certain tropisme vers La Défense, mais la capacité de la gare routière Jules Verne sera probablement insuffisante, d’autant que le maintien des liaisons A14 Express semble d’ores et déjà acquis. Même chose au sud de Paris, vers la porte d’Orléans ou la porte de Saint-Cloud.
En périphérie, Poissy, Mantes, Cergy, Orly, Roissy, Massy, Sevran, Noisy-Champs, Meaux, Melun, Evry et Saint-Quentin-en-Yvelines devraient constituer les principales têtes de pont de ces liaisons.
Non sans malice, on aimerait bien qu’une telle démarche soit engagée sur un autre mode de transport en Ile-de-France, essentiellement dans la zone la plus dense de l'agglomération : le tramway !