Rue de Rivoli : du mieux... et du moins bien
Eh oui, on y revient. La Ville de Paris est donc bien décidée à pérenniser les pistes cyclables temporaires créées au printemps 2020, mais il faut faire plus propre, car la quille en plastique jaune fluorescent et le bloc de béton ne comptent pas parmi les mobiliers urbains les plus esthétiques.
Parmi les premiers axes traités, la rue de Rivoli, d'abord le long des Tuileries. A l'oeil, c'est effectivement mieux car plus discret, mais il n'en reste pas moins que les deux tiers de l'espace de la chaussée accordée aux cyclistes sont utilisés de façon anarchique. Rappel : on roule à droite et on s'arrête au feu rouge, même en vélo.
Paris - Rue de Rivoli - 5 novembre 2021 - Sur la partie centrale de la rue, là où le trafic des autobus est le plus important, l'espace résiduel pour la circulation motorisée (quelle qu'elle soit) génère des encombrements ralentissant bien plus qu'auparavant la circulation des bus, puisque, dans l'ancienne configuration, ils disposaient d'un couloir réservé... © transportparis
Paris - Rue de Rivoli - 11 février 2022 - Comme un petit problème de répartition de l'espace... Ce cliché montre que dans le trafic automobile, quand on enlève l'autosolisme, il reste quand même l'activité économique, les livraisons et les taxis et si on compacte un peu trop l'espace accordé à ces besoins, forcément... ça coince. Plus grave, l'absence de voie réservée pour les transports en commun. La réorganisation du trafic sur la rue de Rivoli ressemble donc fort à un échec. Si les cyclistes disposent des deux tiers de la chaussée, les utilisateurs des lignes d'autobus font grise mine en comptant les minutes perdues. © transportparis
En revanche, ce cliché parle de lui-même quant aux conditions de circulations pour les autres utilisateurs de la voirie : on y voit des taxis, des véhicules utilitaires de livraison et de travaux divers... et un pauvre autobus de la ligne 72, noyée dans cette circulation et considérée comme un véhicule ordinaire. Il lui a fallu près d'un quart d'heure pour aller des Guichets du Louvre jusqu'à l'entrée de la place de la Concorde.
Alors rappelons la proposition de transportparis, d'ailleurs en tous points similaire à celle de l'AUT Ile de France :
- regrouper les autobus dans les 2 sens de circulation sur les rues de Rivoli et Saint Antoine, de la Concorde à la Bastille, simplifiant les itinéraires des lignes 21, 67, 69, 72, 74, 76, 85 et 96 qui empruntent - partiellement ou totalement - ces axes. Il resterait au moins une voie disponible, pour les livraisons et les véhicules d'intervention ;
- le couloir pour les autobus libéré sur les quais de rive droite est transformé en piste cyclable (avec une courte zone mixte entre le pont Royal et le pont Neuf pour les besoins de la ligne 27 en direction de la porte d'Ivry).
A propos de l'avenir du périphérique parisien...
La Ville de Paris souhaite réserver sur le boulevard périphérique l'une des 3 voies de circulation dans chaque sens au covoiturage, aux taxis et aux transports en commun. Il n'en fallait pas tant pour que l'idée ne suscite de nombreuses réactions, à commen cer par celle de la Région Ile de France avec une consultation sur Internet.
Le périphérique est une voirie parisienne et la Ville a la compétence sur sa gestion. Mais on ne peut le considérer au même point que n'importe quelle rue d'un arrondissement de la capitale. Elle a aussi un rôle régional, puisque près de 65% de ses utilisateurs (1,3 millions de véhicules par jour) ne font que transiter par le périphérique sur un trajet de banlieue à banlieue. Il a aussi une vocation nationale, ne serait-ce que lorsque des parisiens - ou des franciliens - partent en week-end ou en vacances.
Deux questions se posent sur l'intention de la Ville de Paris :
- attention au report de trafic d'un axe routier vers l'autre : notamment du périphérique vers l'A86... déjà très circulée (sauf sur sa partie à péage entre Rueil et Vélizy, ce qui ajoute une contrainte à l'usage sans compter la restriction de gabarit dans le tunnel) et dans un environnement tout aussi densément habité et pollué ;
- des transports en commun sur le périphérique ? Lesquels et dans quels buts ?
Sur le second point, il convient de s'interroger sur la création de services de transport en commun utilisant le périphérique. L'intérêt apparaît relativement limité pour plusieurs raisons :
- la moindre qualité intrinsèque des connexions aux autres modes de transport en commun, qui sont regroupés autour des stations de métro sur l'axe des Maréchaux : quitter le périphérique pour faire un crochet dans le but d'assurer ces correspondances risque d'altérer sérieusement la performance et donc l'attractivité de ces dessertes ;
- les conditions d'attente pour les voyageurs s'il faut créer des arrêts sur le périphérique, sur un axe qui reste de toute façon très circulé et donc assez peu avenant pour les piétons ;
- des liaisons à caractère circulaire ou semi-circulaire (exemple : Porte de La Chapelle - Porte d'Orléans ou Porte Maillot - Porte de Vincennes) semblent de chalandise limitée si elles ont peu d'arrêts ( tandis que des parcours combinant l'emprunt du périphérique et des axes radiaux souffriraient des conditions difficiles de circulation sur ces voies, à moins d'envisager une généralisation d'aménagements réservant une voie de circulation notamment à des transports en commun et de développer un ensemble de lignes express.
On ajoutera - non sans malice - que la question d'une éventuelle nouvelle offre de transport relève de la compétence d'Ile de France Mobilités et non de la seule Ville de Paris...
L'hypothèse de transports en commun sur le périphérique semble donc de portée limitée du fait de l'intermodalité limitée et de la congestion des accès au périphérique et aux correspondances. En revanche, pour les taxis et le covoiturage, la réservation d'une voie de circulation irait plutôt dans le bon sens, déjà mis en oeuvre dans d'autres grandes villes du monde, à la réserve près qu'une étude sur les reports de trafics d'une voie rapide vers l'autre (périphérique, A86 - A104) soit bien conduite préalablement à la décision.
Bus : une chute du trafic révélétrice en zone dense
Ce n'est pas une surprise : la fréquentation du réseau de surface au coeur de la métropole parisienne diminue. C'est particulièrement le cas des lignes dans Paris où malgré le renforcement de l'offre, la chute est la plus forte sur la période 2016-2019. En petite couronne, la situation est à peu près stable, mais l'offre ayant été légèrement accrue, il y a tout de même matière à se poser des questions.
Il semble assez évident d'interroger la qualité du service pour essayer de trouver une réponse à cette chute du trafic. La vitesse commerciale des autobus est trop faible du fait d'un niveau élevé de circulation automobile, de nombreux travaux qui amplifient la congestion. En cause également, la porosité accrue des voies réservées aux autobus, que ce soit par un laisser-aller concernant les livraisons, l'augmentation du trafic de cyclistes et les évolutions d'aménagement de la voirie qui amènent à diminuer le niveau de séparation entre le trafic général et les autobus. Remplacer un séparateur par une simple bande peinte, c'est déjà créer les conditions d'une régression. Supprimer un couloir pour autobus est un non-sens.
Bondy - Pont de Bondy - 17 janvier 2021 - A Paris et en petite couronne, les lignes d'autobus sont en perte d'attractivité : le renouvellement du parc par des véhicules hybrides, au biogaz ou électriques n'est pas une mesure suffisante pour améliorer l'image. C'est sur la performance du service et sa qualité (fiabilité, information, confort) qu'il va vraiment falloir se pencher... La ligne 143 est l'une des rares à avoir bénéficié de véhicules articulés dans le périmètre actuellement exploité par la RATP au cours des 10 dernières années. © transportparis
Dans Paris, il est évidemment difficile de se prononcer sur la pertinence de la refonte des lignes opérée en avril 2019, mais une évidence semble s'imposer : le rattrapage du trafic perdu pendant la crise sanitaire et l'inversion de la tendance structurelle qui l'a précédée ne sera possible qu'avec un plan d'envergure d'amélioration de la qualité de service à court terme avec un plan d'actions sur 3 ans :
- lisibilité du réseau : il faudra probablement restructurer la restructuration et être beaucoup plus offensif, notamment en matière de réassociation des itinéraires (sur la rue de Rivoli, le boulevard Sébastopol, le boulevard Saint Germain, la rue de Réaumur, les grands boulevards pour commencer) quitte à bousculer les voies cyclables (le plus souvent par simple permutation : un couloir bus à contresens sur le boulevard Sébastopol à la place de la piste cyclable libérant le couloir de l'axe formé par les rues Saint Martin, Beaubourg et du Renard) ;
- performance : augmentation de 30% de la vitesse commerciale par des aménagements séparant mieux le service public de transport en commun de surface des autres usages de la voirie, mais aussi par une révision du nombre et de la position des arrêts et un réexamen des carrefours pour évaluer l'utilité réelle de certains feux tricolores (pourquoi n'y a-t-il par exemple aucun Stop sur les voiries secondaires ?) ;
- capacité : des bus qui roulent de façon plus fluide et plus rapide, c'est le meilleur moyen pour augmenter l'offre à moindre coût et par les temps qui courent, cette productivité par le haut devrait être érigée en priorité absolue. En complément évidemment, accélérer l'équipement des axes principaux en autobus articulés ;
- qualité de service : c'est un point sur lequel il y aurait beaucoup à dire. Outre le fait que plus le temps passe, moins les sièges sont confortables dans les transports en commun, la technologie semble de plus en plus défaillante avec des bornes d'information des voyageurs trop souvent muettes aux arrêts et des écrans dans les bus qui le sont tout autant (quand ils ne sont pas bloqués sur un unique message). Dans cette catégorie, on va donc retrouver l'information des voyageurs, le confort aux arrêts (avec des abris qui abritent réellement) et dans les véhicules.
Paris va pérenniser 52 km de pistes cyclables
Tout est dans le titre : les aménagements temporaires vont faire place d’ici l’été 2022 à des solutions pérennes. Ouf, les immondes bordures de chantier en béton devraient disparaître.
En revanche, il faut espérer que la Ville de Paris pense à ces configurations « en dur » sans oublier les autres utilisateurs de l’espace public :
- les piétons d’abord, qui sont parfois décontenancés par l’organisation des flux, et qui appréhendent les traversées de voirie compte tenu du comportement d’une grande majorité de cyclistes (l’arrêt au feu rouge n’est pas facultatif, même à 2 roues) ;
- les transports en commun, de sorte à leur assurer une circulation dans les meilleures conditions ;
- et à l’intersection des deux, les utilisateurs des autobus, surtout quand la piste cyclable se situe entre le trottoir et la voie sur laquelle évolue l’autobus.
Bref, repenser la voirie, oui, mais en évitant de raisonner aux bornes de l’intérêt d’une seule catégorie d’utilisateurs. Espérons qu’Ile de France Mobilités et la RATP auront voix au chapitre et qu’il sera tenu compte de l’analyse de la DRIEA, de la FNAUT et de l’UTP, qui avaient pointé les limites de ces aménagements.
Paris - Avenue de l'Opéra - 17 décembre 2020 - Charles Garnier avait obtenu gain de cause contre le préfet Haussmann pour ne pas masquer l'opéra par des arbres ardemment souhaités par l'homme qui remodela Paris. Espérons que les blocs de béton et autres quilles de chantier disparaitront rapidement. Sur cet axe où le trafic d'autobus est important (21, 27, 68 et 95 sur la totalité du parcours Opéra - Palais Royal, 29 et 39 sur une partie), il vaudrait mieux ne pas mélanger autobus et cyclistes. © transportparis
Malheureusement, au vu de ce qui s’est passé depuis plus de 10 ans dans la capitale sur ce sujet, on peut exprimer une prudence certaine !
30 km/h dans presque tout Paris
La vitesse sera limitée à 30 km/h sur la quasi-totalité des artères parisiennes à compter du 30 août prochain. Pourquoi pas... mais la mesure est à peu près aussi peu réfléchie que la réduction à 80 km/h de la vitesse sur les routes nationales et départementales. La mesure couperet, cela évite d'avoir à réfléchir pour envisager des mesures réellement adaptées... mais la France est friande de mesures faciles qui ne sont que rarement de bonnes solutions. Voici 3 ans, il fallait réexaminer les vitesses, ajuster et créer des zones à 70 km/h, mais cela n'avait pas le pouvoir symbolique. La Ville de Paris vient d'adopter la même stratégie que le gouvernement d'Edouard Philippe. Il aurait été beaucoup plus audible de travailler à la définition de périmètres pertinents pour généraliser les Zones 30 là où elles sont justifiées et justifiables.
A-t-on évalué l'impact sur l'exploitation des autobus, qui doivent déjà composer avec ces aménagements qu'on dit temporaires mais qui vont être pérennisés, dans une tactique qui est loin de profiter aux transports en commun. Il aurait été logique d'écarter un grand nombre d'axes de cette mesure pour ne pas affecter leur exploitation. Mais compte tenu de ce qui a été fait depuis plusieurs années, aucune surprise...
Et les tramways ? Echappant au Code de la Route, ils sont en principe affranchis de cette règle (ils sont considérés comme des voies ferrées d'intérêt local)... mais des précédents ont existé, à Grenoble par exemple.
L'idée est aussi difficile à défendre quand on n'emploie pas les bons arguments. Dire que puisque la vitesse moyenne n'est que de 14 km/h, la mesure sera sans effet n'est pas vraiment exact. Si la vitesse de pointe diminue, la vitesse moyenne chute aussi. Pas dans les mêmes proportions, certes. Il faudra quand même associer à cette mesure un reparamétrage des feux tricolores, sinon, le trafic sera un peu plus saccadé, avec multiplication des séquences de démarrage, ce qui n'est pas le meilleur moyen de réduire le bruit et la pollution.
Post-scriptum : cette étude intéressante du CEREMA sur les facteurs prépondérants des émissions de polluants liés au trafic automobile, et l'influence de la vitesse... montrant que les émissions les plus élevées ont lieu soit à basse vitesse, soit à haute vitesse
Bus parisiens : un premier bilan
L'AUT Ile de France a réalisé un premier bilan de l'évolution du réseau d'autobus dans Paris, opérée en avril 2019. Le rapport fait logiquement l'impasse sur l'évolution de la fréquentation des lignes étant donné les effets des confinements durant la crise sanitaire. En conséquence, il s'agit d'une analyse sur la géographie du réseau et ses aspects qualitatifs.
La vitesse moyenne se situe désormais sous les 9 km/h, ce qui devient particulièrement préoccupant, ramenant la performance du réseau au niveau du début des années 1960, quand le service intra-muros était encore largement assuré par des autobus TN4 et TN6 de 58 ou 67 chevaux seulement. Ils s'arrêtent - pour les besoins du service ou le respect des feux de circulation - tous les 319 m en moyenne. Il y a donc un impérieux besoin d'engager un programme d'amélioration de la vitesse commerciale des autobus afin de maîtriser le coût d'exploitation et favoriser une meilleure capacité sur les lignes principales grâce à l'accélération de la rotation des véhicules.
La réorganisation d'avril 2019 a cherché à améliorer la lisibilité du réseau, mais les évolutions apportées ont généralement eu pour effet d'accroître la part d'itinéraires dissociés entre l'aller et le retour. C'est notamment le cas de la nouvelle ligne 45 qui, hormis le parcours entre la Concorde et l'Opéra, emprunte des rues distinctes vers la Concorde et vers Aubervilliers. La nouvelle desserte République - Porte des Lilas confiée à la ligne 20 est aussi en partie dissociée.
Paris - Rue de Belleville - 11 mai 2019 - Peinture fraîche avec des réalisations récentes pour la création du contre-sens réservé aux autobus sur cette rue, retrouvant une desserte en surface avec le nouveau parcours de la ligne 20 vers la porte des Lilas. © transportparis
Paris - Place de la Madeleine - 6 avril 2021 - La ligne 45 ne fait pas vraiment le plein : s'il est difficile de juger définitivement compte tenu des restrictions de déplacement qui ont émaillé l'année 2020 et une partie du premier semestre 2021, la dissociation de son tracé sur la majorité du parcours ne facilite pas son identification. Au passage, son terminus est toujours aussi frugal avec un potelet provisoire. Depuis 2 ans... © transportparis
Les boucles pour le terminus au Panthéon des lignes 24 et 75 sont elles aussi peu lisibles. Les grands boulevards ont été mis à double sens entre Richelieu-Drouot et la place de la République mais aucune ligne ne les emprunte dans les 2 sens : le parcours des lignes 20, 32 et 39 reste fortement dissocié. Les couloirs à contre-sens envisagés n'ont pas été réalisés, comme par exemple sur le boulevard Saint Germain. A ce sujet, transportparis avait fait quelques propositions, qu'on retrouve d'ailleurs dans le rapport de l'AUT Ile de France :
- faire passer les autobus par la rue de Rivoli et la rue Saint Antoine entre la Concorde et la Bastille, les cyclistes pouvant alors récupérer le couloir d'autobus des quais de Seine ;
- même logique avec le boulevard de Sébastopol, avec report de l'itinéraire cyclable sur l'axe Saint Martin / Beaubourg / Renard ;
- évidemment sur le boulevard Saint Germain, pour réunifier les itinéraires transitant aujourd'hui par la place Saint Sulpice ;
- dans le secteur Saint Lazare avec un contre-sens pour les bus sur la rue de la Pépinière entre la cour du Havre et la place St Augustin et le report de l'itinéraire cyclable dans l'actuel couloir des autobus du boulevard Haussmann depuis la rue du Havre.
L'AUT Ile de France souligne aussi la cohabitation délicate avec les vélos : elle s'appuie sur les analyses de la DRIEA et de l'UTP. Elle met en avant la dangerosité des aménagements cyclables passant devant l'arrêt de bus et préfèrerait que les pistes cycables passent derrière les espaces d'attente. C'est un peu mieux, mais c'est la situation du boulevard Magenta ou des arrêts aménagés en îlots : l'accès ou la sortie de l'arrêt d'autobus n'est pas forcément plus sûre pour les piétons.
Paris - Quai des Grands Augustins - 26 février 2021 - Outre le fait que les voyageurs n'ont aucun confort à l'arrêt (pas d'abribus, pas de banc), et qu'il subsiste encore un potelet provisoire encore plus chiche, les utilisateurs des autobus doivent redoubler de prudence car ils doivent traverser une double piste cyclable (bien protégée, contrairement au couloir pour autobus). Une disposition qui est jugée risquée, d'autant que la signalétique pour les cyclistes n'indique en rien qu'ils doivent céder le passage aux piétons. © transportparis
Paris - Rue Tronchet - 3 janvier 2021 - Aménagement provisoire, avec une signalétique à peine meilleure pour les cyclistes. Si la rue a été mise à sens unique avec un contre-sens pour les autobus, ce type de configuration ne satisfait pas les utilisateurs des autobus, qui les considèrent trop dangereux. En outre, quand il pleut, c'est l'assurance d'être mouillé... © transportparis
Dans ce registre sur l'aménagement de la voirie, l'association juge intéressante la nouvelle configuration de la voirie sur la ligne 62 dans les 14ème et 15ème arrondissements, mais souligne les effets de bords sur les voies parallèles mais aussi sur l'avenue Leclerc. Même chose pour la fermeture au transit de la rue de Rivoli, avec des difficultés de circulations accrues sur les grands boulevards en direction de l'ouest. Conséquence l'exploitation des lignes 20 et 32 est nettement affectée, avec par exemple un pointage de 200 m effectués en 16 minutes. On serait tenté aussi d'ajouter le passage de la place de la Bastille, notamment pour les lignes arrivant du boulevard Beaumarchais (transportparis a pointé 10 minutes pour effectuer avec le 91 le parcours entre les arrêts situés au bas du boulevard et à l'entrée de la rue de Lyon).
Autre chapitre : la signalétique et l'information des voyageurs. Trop d'arrêts demeurent, après 2 ans, simplement matérialisés par un potelet provisoire. Il manque encore beaucoup d'abribus pour procurer un peu de confort et une attente en position assise. Les écrans Image sont trop souvent muets, que ce soit aux arrêts (quand ils existent) ou à bord des autobus (où ils son souvent soit muets soit bloqués sur une même information tout au long du trajet).
Paris - Place d'Italie - 12 mai 2020 - Nouvelle ligne sur le réseau, le 59 Place d'Italie - Gare de Clamart complète la desserte du 14ème arrondissement et assure une liaison entre Paris et la petite couronne. La configuration de la place se prête encore à peu près correctement à la gestion de terminus... mais pour combien de temps ? © transportparis
Sur la géographie du réseau, certaines évolutions sont considérées peu heureuses, au-delà des dissociations d'itinéraires déjà évoquées :
- l'abandon de la section Pigalle - Gare de l'Est, provoquant un report de charge sur la ligne 54 (qui n'en a pas besoin...) ;
- l'exploitation de la ligne 43 en autobus standards au point qu'il a fallu resserrer l'intervalle depuis ;
- la limitation au Palais Royal de la ligne 67 et du 85 au Châtelet qui dégradent les liaisons rive gauche - rive droite ;
- le prolongement de la ligne 91 à la gare du Nord avec une irrégularité accrue et une fréquentation bien plus faible qu'en rive gauche ;
- des gares parfois desservies dans un seul sens : la gare Saint Lazare n'est desservie par la ligne 20 qu'en direction de la porte des Lilas, et par la ligne 21 en direction du Stade Charléty
- la nouvelle ligne 71, potentiellement utile, mais lourdement handicapée par les difficultés de circulation dans le 19ème arrondissement (près de 30 minutes de La Villette à Botzaris...).
Paris - Place de la République - 17 mai 2019 - L'intention était louable : aligner 5 gares sur la même ligne. Cependant, il apparaît que le trafic est nettement moindre sur la section Gare de Lyon - Gare du Nord. Effet du RER D ? © transportparis
Paris - Rue Manin - 3 mai 2021 - Nouvelle ligne, desservant un secteur qui en a besoin... mais un résultat qui est loin d'être satisfaisant. Le trajet est épouvantablement long, entre les encombrements d'une circulation qui doit s'effectuer sur des chaussées rétrécies pour créer des aménagements cyclables plutôt que des couloirs pour les autobus, de la multiplicité des changements de cap et d'une prolifération des plateaux surélevés et autres coussins berlinois qui altèrent la vitesse des bus. Mettre des véhicules électriques à 3 portes ne suffit pas... La ligne 71 est loin d'être à la hauteur des enjeux. © transportparis
L'AUT Ile de France semble aussi très attachée à la numérotation de 1945 des lignes, mais une question mérite d'être posée : cette organisation très centrée sur les gares est-elle toujours pertinente ? Au fil du temps, plusieurs grandes diamétrales parisiennes ont été constituées et il existe un fort enjeu de couture fine entre Paris et les communes limitrophes. En outre, il conviendrait de mieux hiérarchiser les lignes, ce que la démarche Mobilien avait tenté d'amorcer, en vain.
Elle s'est aussi intéressée à la dénomination des arrêts et pointe par exemple le cas de la station de métro Duroc, où les arrêts d'autobus s'appellent « Duroc » sur le boulevard des Invalides, mais « Hôpital des Enfants Malades » sur la rue de Sèvres. On peut aussi s'interroger sur certains cas à rallonge comme « Marceau - Pierre 1er de Serbie - Place de Beryrouth », ou sur la confusion entretenue sur l'avenue de France. Il ne faut pas confondre « Bibliothèque François Mitterrand » au carrefour Avenue de France - Rue de Tolbiac et « Bibliothèque Nationale de France » au carrefour Avenue de France - Rue Raymond Aron, d'autant plus que si le terminus de la ligne 71 sur l'avenue de France porte bien la première appellation, l'arrêt juste en face (lignes 89 et 325) s'appelle « Emile Durkeim ». Dans le même secteur, l'arrêt le plus près de la gare d'Austerlitz sur les lignes 61, 89 et 215 s'appelle « Cité de la mode et du design » ! Sur le boulevard Haussmann, les arrêts en correspondance avec la station de métro « Havre-Caumartin » s'appellent soit « Havre-Caumartin », soit « Havre-Haussmann », soit « Rome-Haussmann ». C'est une double mission à laquelle il faudrait s'attacher : harmoniser l'appellation des arrêts entre lignes de bus et avec le métro d'une part, simplifier ensuite.
Enfin, et sans surprise, l'association incite la Ville de Paris à la prudence sur le projet de limitation de la vitesse à 30 km/h dans Paris en proposant d'écarter de cette mesure les grands axes où circulent les autobus.
Pour conclure, et sans réelle surprise, il y a matière à réviser la révision du réseau d'autobus parisiens : les propositions de transportparis sont toujours consultables, en attendant peut-être une nouvelle séquence de cogitations...
A la mairie de Paris, on a de l'humour !
La preuve avec cette belle référence à Raymond Devos et un sketch de 1957 : les évolutions du plan de circulation dans Paris, et dans le cas présent juste à côté de l'Hôtel de Ville, ont conduit à une petite boulette relatée par plusieurs médias (dont Le Figaro)... d'autant que les automobilistes face à cette situation n'ont guère d'autre solution que d'emprunter une voie réservée aux bus, taxis et véhicules d'intervention sur la rue de Rivoli, surveillée par une caméra de vidéoverbalisation. Si on vous dit que la Ville de Paris essaie de rétropédaler, vous allez dire qu'on en rajoute (ou que Raymond Devos déteint...).
Les embarras de Paris ne datent néanmoins pas d'hier : Raymond Devos s'en amusait donc à sa façon en 1957. Dix ans plus tard, l'ORTF faisait son poisson d'avril à bicyclette et en donnant l'exemple.
Pistes cyclables sur ex-couloirs de bus : encore...
Situation intéressante sur le boulevard des Invalides à hauteur du carrefour de la rue de Sèvres.
Les aménagements débordent sur le boulevard des Invalides et ont entrainé le report de l'arrêt Duroc pour les lignes 82, 86 et 92 (pour les directions Luxembourg, Saint Mandé et Porte d'Orléans). Alors que les voyageurs pouvaient profiter d'une correspondance immédiate avec le métro, l'arrêt a été reporté d'une cinquantaine de mètres en amont de l'avenue Daniel Lesueur dans une configuration provisoire (mais on sait qu'à Paris, cela peut durer...). Les voyageurs perdent en commodité puisqu'il faut traverser la rue Duroc afin d'accéder à un arrêt sommairement aménagé, repéré par un simple potelet provisoire : fini le banc, l'abri et les informations élémentaires (temps d'attente, plan de quartier, plan de lignes). Signalons aussi que cet arrêt dessert l'Institut National des Jeunes Aveugles et que ces modifications à l'aune du seul intérêt des cyclistes constituent une difficulté supplémentaires pour les aveugles. L'arrêt des lignes 28, 70 et 89 sur la rue de Sèvres implique déjà pour les voyageurs de franchir la piste cyclable (assurément très facile pour un non-voyant) et on peut supposer qu'un aménagement identique est imaginé à court terme sur le boulevard des Invalides.
Paris - Boulevard des Invalides - 4 avril 2021 - Encore un couloir de bus et des usagers des transports en commun pénalisés par des aménagements conçus pour le seul intérêt du transport individuel à vélo. L'arrêt provisoire doit être particulièrement incommode pour les non-voyants entre les arbres, les potelets, le candélabre d'éclairage et un revêtement à la va-vite, en rien comparable avec la situation de l'arrêt initial... © Th. Assa
Sur la rue de Sèvres, une piste cyclable à double sens a été aménagée sur l'une des deux voies de circulation générale du sens nord-sud, avec un contresens pour les autobus (ainsi que les taxis et les véhicules d'intervention) dans le sens sud-nord. Heureusement, le couloir à contresens a été préservé (il est aussi très utilisé par les taxis et les véhicules sanitaires).
Paris - Rue de Sèvres - 6 avril 2021 - Le couloir à contresens a été préservé mais sa largeur a été réduite au minimum. Notez le vélo dessiné au sol... alors qu'à gauche du cliché, on voit la piste cyclable à double sens (toujours aussi esthétique...). Les quilles à hauteur de l'arrêt doivent être assurément très commodes pour les aveugles nombreux dans le secteur du fait du voisinage d'un institut spécialisé. La liaison entre le trottoir et l'autobus (ou l'inverse) doit être assurément très pratique pour un voyageur non-voyant. © transportparis
Pourquoi un tel aménagement ? La piste cyclable de la rue de Sèvres se prolonge sur le boulevard des Invalides. Pour éviter le franchissement du carrefour, elle bifurque à 90 degrés dans l'ancien couloir d'autobus pour ensuite traverser en diagonale la chaussée afin de rejoindre la contre-allée est du boulevard des Invalides. Assurément un aménagement qui nuit au service des transports en commun... et dont on peut être circonspect sur l'attrait pour les cyclistes. On ajoutera évidemment la cortège de blocs de béton, recouverts d'affiches diverses et de tags, de feux provisoires raccordés par des fils suspendus, contribuant assurément à l'embellissement de la perspective sur le dôme des Invalides !
Paris - Boulevard des Invalides - 6 juin 2020 - Cet Urbanway hybride de la ligne 82 quitte le couloir en question. Le carrefour n'avait pas encore été doté de ses aménagements cyclables temporaires et de sa cohorte de blocs de béton, quilles de plastique et feux provisoires.
Pour les autobus, il en résulte :
- sur la rue de Sèvres, une circulation plus difficile dans le sens nord-sud pour le trio 28, 70, 89 puisqu'une voie de circulation a disparu, sans compter un dimensionnement au plus juste des voies de circulation, imposant aux autobus une allure très prudente quand ils se croisent (on espère que la RATP a fait un stock de rétroviseurs dans ses dépôts) ;
- sur le boulevard des Invalides, la suppression du couloir pour les autobus sur une cinquantaine de mètres en amont d'un carrefour assez fréquenté est une absurdité sans nom puisque c'est précisément à l'approche des intersections que ces aménagements profitent le plus aux transports en commun pour remonter la file de trafic. Les lignes 82, 86 et 92 sont reportées dans le trafic général, créant une difficulté ponctuelle mais réelle. Il faut aussi ajouter que les arrêts Duroc et Oudinot, déjà assez proches l'un de l'autre, sont désormais espacés de 170 mètres seulement, ce qui altère encore un peu plus l'évolution des bus.
Bref, encore une fois, un retour à la raison s'impose. Les services de l'Etat, dans un premier bilan sur la période mai-octobre 2020, tout en pointant des améliorations réelles, nuancent leur conclusion en appelant à trouver d'autres solutions que la suppression de couloirs de bus au profit des vélos, rejoignant ainsi la position de l'UTP. Une amorce d'inflexion ?
Un usage de la voirie plus efficient : et si on repensait au tramway ?
La Région Ile de France a organisé la semaine dernière sa conférence régionale pour le climat et la présidente de la RATP a fait une intervention des plus intéressantes et des plus pragmatiques sur l'encombrement de l'espace public : « La circulation à Paris est devenue invraisemblable » a-t-elle répété par deux fois. Au-delà de ce constat, Mme Guillouard a appelé à un changement de dimension dans la réflexion. « Il faut qu’on ait, à un moment donné, une vision stratégique de l’utilisation de l’espace dans les villes […] On va devoir avancer sur ces sujets si on ne veut pas avoir des conflits d’usage, une multiplication des incidents et surtout de la non-efficience. » Et on sait très bien que la non-efficience encourage le statu quo... et donc la domination de l'automobile.
Paris - Avenue de Saint Ouen - 23 juillet 2020 - Dans le cas présent, pas sûr que cet aménagement soit tactique... à moins d'assumer la gêne aux transports en commun. Certes, c'était déjà difficile mais il y avait au moins un sens où les autobus avaient une voie réservée. On notera d'ailleurs que même pour les vélos, l'améngement est tout de même mal réalisé, comme le prouve cette bordure de béton posée en travers. © transportparis
L'augmentation de 70% de l'usage du vélo en région parisienne, notamment à Paris et en première couronne, est un chiffre de prime abord impressionnant... mais il faut savoir d'où on part, c'est-à-dire d'assez bas même si le développement de Vélib' avait déjà impulsé le mouvement. Cela dit, la fulgurance du mouvement est pour partie à l'origine de la situation actuelle, qui génère de nombreuses crispations et poussées agressives (le comble pour un mode de transport dit « doux »). Il apparaît plus que jamais nécessaire de penser collectif dans une nouvelle poussée individualiste exacerbée par la crise sanitaire, faisant ressurgir les mêmes comportements que l'on reprochait précédemment aux automobilistes. On peut aussi noter l'amorce d'un mouvement qui commence à mettre en avant les excès et le besoin de cette efficience évoquée par Mme Guillouard. Il est intéressant de lire les réactions à l'article publiée par Olivier Razemon, chroniqueur du Monde, sur son blog L'interconnexion n'est pas assurée à ce sujet : le propos développé semble parfois enjoliver la situation et les commentaires pointent des problèmes de cohabitation, donc la nécessité de changer de dimension et de passer à une vision d'ensemble dans l'organisation de l'espace public. Son titre peut d'ailleurs inquiéter : pas plus qu'à la voiture, la ville ne doit pas s'adapter au vélo... mais à la diversité des besoins et des usages en intégrant quelques fondamentaux : le primat du piéton, des modes de transport propres et économes en espace, la rationalisation de la circulation, la préservation des fonctions économiques indispensables à la vie des quartiers.
La déclaration de la RATP va dans ce sens d'une réflexion la plus large possible, n'oubliant ni les transports en commun, ni les livraisons, bref, qui intègre la vie économique d'une mégapole. On note tout de même des évolutions qui vont plutôt dans le bon sens, mais par saccades pas toujours coordonnées. Par exemple, le couloir pour les autobus de la rue Auber, dans le sens Haussmann - Opéra, a été élargi, ce qui offre un meilleur confort pour les autobus qui peuvent plus commodément dépasser les cyclistes (si ceux-ci roulent en file). En revanche, sur la rue du Havre, la double piste cyclable a pris une voie de circulation et les autobus sont encore un peu plus mêlés à la circulation générale, tandis qu'ils ont déserté la rue d'Amsterdam entre la place de Clichy et la gare Saint Lazare (empruntant dans les 2 sens l'itinéraire par la place de l'Europe).
Paris - Rue Auber - 6 septembre 2020 - Une seule voie de circulation générale sur la rue Auber et le couloir descendant nettement élargi, ce qui permet aux autobus de doubler aisément les cyclistes : c'est mieux. En attendant, le fabricant de ces quilles jaunes est heureux car son chiffre d'affaires doit être lui aussi en forte hausse... © transportparis
La RATP aura aussi probablement quelques dossiers à prendre en charge : s'il est vrai que les conducteurs d'autobus doivent parfois faire preuve d'un calme olympien dans la circulation, la régulation de l'exploitation a bien régressé au cours des dernières années, principalement pour des raisons d'économie. Autre domaine où la régie a un impérieux besoin d'amélioration : l'information des voyageurs, avec un nombre ahurissant d'écrans aux arrêts et dans les véhicules qui sont en panne, non installés ou illisibles (la première génération SIEL).
Mais il faudra probablement aller beaucoup plus loin : il serait déjà intéressant d'indiquer le coût des mesures de cet « urbanisme tactique » car si la Ville de Paris annonce vouloir pérenniser les aménagements réalisés depuis 6 mois, il est évident que cela ne pourra pas rester dans cet état temporaire à coups de peinture jaune, de quilles en plastique fluorescent et de blocs de béton.
Paris - Rue Tronchet - 6 septembre 2020 - Un couloir d'autobus en moins ! la piste cyclable à double sens entre le boulevard Haussmann et la place de la Madeleine a entrainé la disparition du couloir réservé aux autobus dans le sens sud-nord. © transportparis
Il n'est d'ailleurs pas tout à fait normal que ce soit l'opérateur de transports en commun qui, le premier, appelle à un peu de cohérence : cet épisode prouve une nouvelle fois que l'organisation territoriale de l'agglomération parisienne n'est pas efficiente, pour reprendre le terme de la présidente de la RATP, car bien trop morcelée. C'est particulièrement le cas dans le domaine des transports.
Néanmoins, l'enjeu reste de taille : la réduction de la pollution, des nuisances, l'amélioration de la qualité de vie, la notion de densité durable contre la tentation d'un étalement urbain encore plus important qu'aujourd'hui, dont on sait qu'il condamne à un usage plus important de la voiture. Plus que jamais, les transports en commun apparaissent comme un facteur de cohésion et le facteur déclencheur d'une réorganisation de grande ampleur de l'espace public.
Il faudra donc aller au-delà de petites mesures, comme la réorganisation des lignes d'autobus de Paris et de quelques communes limitrophes, qui n'a pas fondementalement changé la perception de l'offre de transport. La rupture peut avoir un nom : le tramway ! C'est autour de nouvelles lignes que pourrait vraiment être réorganisé l'espace public, accordant une place de choix aux transports en commun, les plus à même d'optimiser le ratio espace occupé / voyageur transporté, au profit des piétons, puis des vélos, sans pour autant négliger le besoin d'espaces de circulation et de stationnement commodes pour les entreprises, les commerces et les véhicules d'intervention.
Paris - Boulevard Masséna - 15 décembre 2012 - Le tramway des Maréchaux incarne une autre conception de l'espace public en essayant de concilier les différents usages et les différentes activités. Les transports en commun asseoient leur position centrale mais le vélo n'a pas été oublié avec la réalisation de pistes cyclables, tout en dégageant de vastes trottoirs, une capacité suffisante de la chaussée et un cadre de vie plus agréable que ce qu'il était auparavant. A reproduire non plus seulement sur cette rocade mais aussi dans Paris (et évidemment sur nombre d'axes de petite et moyenne couronne)... © transportparis
On entend déjà les critiques : c'est cher, c'est long à réaliser... mais Paris ne s'est pas faite en un jour, et il faut bien commencer. Or en la matière, mise à part la rocade des Maréchaux, le sujet est au point mort et il a fallu de contenter d'un toilettage du réseau d'autobus en 2019.
Certes, ce n'est pas la réponse universelle mais elle pourrait assurément apporter un peu plus de méthode dans l'évolution de la voirie. Soyons ouverts : comme justement Paris (et surtout son ancien réseau de tramways) ne se (re-)fera pas en un jour, on pourrait peut-être commencer par de vraies lignes de BHNS en site propre ou avec un maximum de voies vraiment réservées, avec des autobus articulés ?
PS : reportage à TF1 20 heures le 27 septembre 2020 à Paris et Toulouse.
Des pistes cyclables en plus... mais sans négliger les autobus !
Au début, quand Mme Rachida Dati avait expliqué, au cours de la campagne des élections municipales, que « certains riverains se retrouvaient un beau matin, sans avoir été prévenus, avec une piste cyclable sous leurs fenêtres », on s’est d’abord demandé si elle ne nous faisait pas une scène pagnolesque. Il n’en est rien. Oui, à Paris, on peut créer une piste cyclable en une nuit.
Paris - Rue Lafayette - 5 juillet 2020 - Entre le boulevard Haussmann et la rue de Châteaudun, une nouvelle piste temporaire à double sens a été aménagée à une vitesse laissant songeur. Evidemment, un peu de peinture, des quilles et des blocs de béton... ce n'est pas bien compliqué. Une des deux voies de circulation est quand même réservée aux autobus, mais on peut se douter qu'elle va être régulièrement obstruée pour les livraisons : comment desservir les commerces situés côté piste cyclable ? © Th. Assa
Ingrédients : quelques pots de peinture orange, des quilles jaunes réfléchissantes et même quelques gros blocs de béton façon séparateur provisoire sur l’autoroute. L’architecte des Bâtiments de France doit sombrer dans la dépression nerveuse…
Paris - Rue de Rivoli - 16 mai 2020 - On dirait un jeu de quilles... et en plus il y a des blocs de béton ! Le volet esthétique, si souvent mis en avant à Paris, en a pris un coup ! Pourvu que ce soit vraiment temporaire... car sur cette section entre le Châtelet et la rue du Louvre, le trafic automobile a été maintenu et de fait, le couloir des autobus a été sacrifié. Au final, cet aménagement augmente l'espace occupé par les modes individuels puisqu'il mord en partie sur les facilités - relatives - accordées aux transports en commun. © transportparis
Viser la voiture mais l'autobus victime assurée
Cette rapidité d’exécution, avec pour seule information une page sur le site Internet de la ville de Paris et une courte note aux riverains par boîte aux lettres, tranche radicalement avec les actions en faveur des transports en commun. Combien de temps, combien de palabres faut-il pour obtenir un couloir pour les autobus ? Et une fois obtenu, l’expérience montre que rien n’est jamais acquis. On pourra citer le cas du contresens de la rue Lafayette, remplacé par une piste cyclable, reléguant les autobus rue de Maubeuge dans un couloir qui n’est pas respecté puisque matérialisé par une simple bande de peinture. Ajoutons que le retour à la dissociation des itinéraires ne fut pas une décision heureuse pour les usagers des lignes 26, 32 et 43. Idem pour la déplorable suppression d’une partie des couloirs protégés le long des quais de la rive gauche, couloirs réutilisés… pour les cyclistes et reconstitués sans protection, avec donc une moindre efficacité.
Paris - Quai des Grands Augustins - 25 août 2019 - Le couloir bus protégé a été récupéré par les vélos et les bus se retrouvent dans le trafic général : le marquage n'a pas encore été réalisé, mais la séparation ne tient plus qu'à une bande peinte. © transportparis
Certes, de nouveaux couloirs ont été créés à l’occasion du nouveau réseau d’autobus parisien en 2019, mais la plupart sont peu ou pas protégés donc d’une efficacité limitée. On est loin de l'avancée du début des années 2000, avec un réel développement d'aménagements globalement profitables aux transports en commun (hormis quelques exceptions un peu loupées comme boulevard Magenta ou boulevard Saint Marcel...)
Paris - Rue de Belleville - 11 mai 2019 - Un couloir à contresens de la circulation générale a été créé à l'occasion de la réorganisation du réseau d'autobus du printemps 2019, pour la réorientation de la ligne 20 vers la porte des Lilas, sur un itinéraire qui n'était auparavant pas desservi. © transportparis
La réassociation des itinéraires des bus sur le boulevard de Sébastopol, ou sur la totalité du boulevard Saint Germain, a toujours été refusée, mais, dans le cas du premier, la double piste cyclable qui occupe le même espace n’a fait l’objet d’aucune discussion. Le réaménagement de la rue de Rivoli n'a pas vraiment mis les transports en commun au chapitre des priorités. D'après l'OMNIL, le réseau d'autobus exploité par la RATP transporte quand même 3,5 millions de voyageurs par jour de semaine dont les deux tiers pour les seules lignes parisiennes ! Dans Paris, on note quand même une baisse de près de 10% de l'usage de l'autobus depuis 2011. La dégradation des conditions de circulations n'y certainement pas étrangère...
Paris - Boulevard de Sébastopol - 14 avril 2019 - Le couloir pour autobus vers la gare de l'Est n'est plus protégé : une simple bande peinte le matérialise. A gauche, la nouvelle piste cyclable, occupant la largeur d'un couloir de bus, qui serait pourtant bien utile, simplifiant les parcours des lignes et donc l'usage du réseau. Cette configuration a été refusée pour les autobus mais automatiquement admise pour les vélos. © transportparis
Les utilisateurs des autobus souffrent aussi de la baisse de la vitesse commerciale, qui est devenue perceptible lorsque les vélos ont été admis dans les couloirs pour autobus. L’élargissement de ceux-ci à 4,50 m ne semble pas suffisant pour assurer une circulation fluide des autobus et la sécurité pour les cyclistes, d’autant que l’autobus a logiquement besoin de se placer le long du trottoir aux arrêts. Or les cyclistes ne laissent pas systématiquement passer l’autobus, ralentissant celui-ci.
Le coup d’accélérateur donné aux pistes cyclables, en particulier à Paris, pose une question d’équilibre par rapport aux autres usages de l’espace public car il se fait au détriment d’autres modes de déplacement qu’il faut préserver et encourager : la marche et les transports en commun. Prendre une voie de circulation automobile pour créer une piste cyclable, c'est malgré tout conserver cette bande pour un usage individuel, certes décarboné. Il faut donc avoir une approche plus globale des comportements et des choix modaux.
Paris - Boulevard Vincent Auriol - 23 avril 2019 - Illustration d'un raisonnement qui néglige les transports en commun. La ligne 325 effectue son terminus en plein milieu d'une voirie déjà passablement encombrée, gênant les autres lignes en passage. Ubuesque ! Les vélos ont un itinéraire dissocié, les usagers des autobus doivent le couper. Heureusement, ici, au moins, ce flux est accompagné par le relèvement de la piste cyclable à hauteur du trottoir, mais les vélos ne s'arrêtent pas quand les voyageurs montent et descendent de l'autobus. L'usager des transports en commun serait-il une variable d'ajustement d'autres intérêts ? © transportparis
Traverser une piste cyclable
La marche ? On avait déjà l’exemple du boulevard Magenta, avec les pistes sur le trottoir et des conflits récurrents entre piétons (traversant la chaussée) et les cyclistes se considérant pour un grand nombre dispensés de tout respect des règles du code de la route. Le « vert piétons » n’est pas l’assurance d’une traversée sans risque et il faut redoubler de prudence sur les pistes « temporaires », sans refuge intermédiaire. Absurdité du système : le piéton qui avait déjà maille à partir avec des automobilistes indisciplinés doit maintenant, prendre des risques supplémentaires avec ces mêmes automobilistes transformés en cycliste et agissant de la même façon sur les trottoirs !
Paris - Boulevard Magenta - 8 juillet 2020 - Le trottoir est quand même assez large : la piste cyclable sur les trottoirs du boulevard Magenta a été récemment repeinte en vert pour la rendre plus visible. La mention Priorité Piétons est ainsi plus visible mais on notera en arrière-plan que l'espace d'attente pour les usagers des autobus est assez réduit, d'où des conflits d'usage de l'espace récurrent entre cyclistes et voyageurs. © transportparis
Les usagers des autobus sont aussi face à une situation nouvelle peu confortable : le flux de voyageurs est coupé par la piste cyclable. Cette situation tend à se généraliser avec les nouveaux aménagements « en dur » où les arrêts de bus se retrouvent en ilot. Les cyclistes oublient fréquemment que le dépassement par la droite d’un autobus effectuant un arrêt est interdit ! Elle est décuplée par les aménagements cyclables « temporaires ». Les usagers doivent de plus en plus faire littéralement obstacle de leur corps afin de forcer les cyclistes à s’arrêter, ce qui ne va pas sans violences verbales de la part de ces derniers qui refusent trop souvent de respecter le piéton.
Paris - Avenue des Champs-Elysées - 21 mai 2020 - Exemple d'arrêt en ilot. L'usager des autobus doit donc couper la piste cyclable, mais rien d'indique aux cyclistes qu'ils doivent céder la priorité aux piétons. © transportparis
Les évolutions actuelles de la voirie, les nouveaux plans de circulation, le maintien d’une forme d’anarchie dans la gestion des livraisons contribuent à pénaliser chaque jour un peu plus le fonctionnement des lignes d’autobus.
Des pistes temporaires qui doivent le rester... pour repenser vraiment l'espace public
Cette situation n’est pas tenable car elle va provoquer un report du trafic vers le métro, qui n’en a pas nécessairement besoin, et un retour vers des modes de transports individuels, à commencer par la voiture ! Le vélo n’est pas la solution universelle et l’expérience de plus de 30 années plutôt favorables aux transports publics a prouvé qu’un mode collectif avait un effet d’entrainement bénéfique tant pour l'usage du vélo (les tramways et BHNS étant assez souvent accompagnés d’aménagements cyclables) que pour les piétons (trottoirs plus larges, réaménagement des carrefours). L’inverse - qu’un mode individuel bénéficie aux transports collectifs - reste encore à démontrer.
La situation parisienne est évidemment facilitée par la présence marginale des tramways : l’autobus est un mode « poreux » qu’on peut aisément dévier, reléguer dans la circulation… au gré des influences diverses.
Elle pose aussi une question sur la vie des quartiers : la dynamique des commerces est d’abord le fait de l’agrément pour les piétons et de la facilité d’accès en transports en commun. Le stationnement en surface n’est pas un élément déterminant (c’est souvent la voiture du commerçant qui est garée devant sa boutique) mais en revanche, les questions logistiques sont encore aujourd’hui insuffisamment considérées : les livraisons sont anarchiques, squattent l’espace public sans vergogne (couloir de bus, voie de circulation, piste cyclable, trottoir s’il le faut).
Paris - Place Saint Michel - 25 juin 2020 - Une synthèse ! La circulation est intense (voir les autres clichés pris le même jour), la nouvelle piste cyclable en bordure de trottoir, avec ses élégantes tourelles jaune fluorescent sont une merveille d'élégance. Une avancée en bitume a été réalisée pour l'accès à l'arrêt d'autobus mais on remarque que l'espace laissée aux usagers est bien faible par rapport à l'importance du trafic des lignes qui s'y arrêtent. Et bien entendu, les livraisons se font dans la plus grande anarchie faute d'une organisation de la voirie adaptée aux différents besoins. © Th. Assa
On peut aussi mettre en avant que les encombrements accrus par l’aménagement souvent sans logique d’ensemble : on pense à un réseau cyclable formant un ensemble continu... mais on aimerait que les lignes d'autobus (en attendant mieux), soient traitées de la même matnière. Cette carence pose aussi des problèmes aux véhicules d’intervention d’urgence : police, pompiers, ambulances ! Il a été constaté récemment une nouveauté : les véhicules d’urgence, pompiers en particulier, devant raser les trottoirs en « cassant » les tourelles de plastique marquant les « couloirs » des bicyclettes : un comble !
Conclusion : cette vision unidimensionnelle profitant uniquement aux cyclistes ne saurait constituer une politique équilibrée de l’aménagement urbain. La réduction du trafic automobile par une restriction « punitive » des voiries a des effets lourds sur les transports en commun et sur les riverains (le trafic étant à peu près constant… mais avec encore plus de congestion).
Or c'est sur eux que repose un report modal vertueux pour la collectivité, au travers d’améliorations significatives (voies réservées, révision du fonctionnement des carrefours, tramway sur les grands axes y compris intramuros) qui auront un effet bénéfique pour les piétons et les cyclistes. Ajoutons aussi que l’intérêt pour les cyclistes à circuler sur des artères engorgées – parfois artificiellement – d’automobiles n’est certainement pas une solution attractive (le bruit, les odeurs, la pollution).
Ce n’est malheureusement pas le chemin pris aujourd’hui par la Ville de Paris, qui ferait bien de s’inspirer d’autres capitales où l’usage du vélo est plus ancien, plus développé mais beaucoup plus harmonieux et moins intrusif à l’égard du service public de transport en commun. Ile de France Mobillités est dans une position difficile, puisque la Ville de Paris en est membre (pour 32%). En revanche, la RATP pourrait avoir plus d'influence car dans ces conditions, la réalisation du service commandé devient de plus en plus difficile.
Alors à quand des opérations « sauvons nos autobus », « touche pas à mon couloir »... et plus simplement un véritable plan de performance destiné à augmenter de 30% la vitesse commerciale des autobus, afin de retrouver un niveau minimal d'efficacité et donc d'attactivité ?
Paris - Pont Saint Michel - 25 juin 2020 - Trafic complèement bloqué dans l'île de la Cité. Il y a un demi-siècle, la Préfecture avait encouragé l'usage d'autobus à gabarit réduit pour qu'ils se faufilent mieux dans la circulation. Bilan : une période sombre pour le réseau de surface avec des bus malgré tout bloqués et un inconfort pour les voyageurs à bord des Berliet PGR d'une quarantaine de places et des plus bruyants ! Notez sur ce cliché les deux autobus articulés, si chers à un éphémère candidat à la mairie de Paris... © Th. Assa
Paris - Place Gabriel Péri - 8 juillet 2020 - En milieu de matinée, la rue de Rome bloquée, la rue de la Pépinière itou... tout va bien ! Si ce n'est le parc automobile et les autobus bien de notre époque, cette photo aurait pû être prise en 1970, avec un état du trafic tout à fait comparable ! © Th. Assa