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transportparis - Le webmagazine des transports parisiens

MI2N : un projet commun RATP-SNCF

Adapter le matériel à 2 niveaux au RER

Les VB2N avaient relancé la construction de trains à deux niveaux en région parisienne, d’abord donc dans la classique formule de la rame tractée réversible, utilisant les locomotives série 8500, 16500, 17000 et 25500 selon les secteurs d’utilisation. En 1983, les premières automotrices à deux niveaux Z2N étaient mises en service, inaugurant une série de plus de 300 rames dont la dernière fut livrée en 2003, 20 ans après l’arrivée de la première.

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Ablon - 2 février 2014 - 2 portes par face pour chaque voiture Z2N et un couloir intérieur aussi long qu'étroit. Cette architecture était strictement inenvisageable pour la RATP, expliquant ses réticences persistantes aux rames à 2 niveaux sur le RER. © transportparis

Les Z2N, certes très capacitaires, présentaient l’inconvénient de favoriser la capacité assise sur l'efficacité des échanges de voyageurs. Avec deux portes par face, les mouvements de voyageurs étaient jugés trop lents pour des axes à fort trafic. C’est la raison pour laquelle la RATP s’était toujours montrée très réservée, pour ne pas dire hostile, à la formule à deux niveaux sur le RER A, qui, dès le milieu des années 1980, connaissait une première crise de saturation.

Parallèlement, la SNCF prévoyait d’affecter 53 Z2N sur le futur RER E, dont 46 au titre de l’augmentation de capacité des trains de la banlieue Est (par rapport aux RIB) et 7 du fait du prolongement de Paris Est à Haussmann - Saint-Lazare.

La RATP souhaitait expérimenter le matériel à deux niveaux sur le RER A et la SNCF dut se résoudre à l'inadéquation des Z2N au RER. Les deux opérateurs décidèrent d’associer leurs besoins dans un marché unique, permettant d’optimiser le coût des rames, en dépit de différences techniques importantes.

Les principes du MI2N

L’architecture retenue était une automotrice de 112 m de long, composée de 5 voitures à 2 niveaux comprenant 3 portes de quasiment 2 m d’ouverture par face.

En 1991, la RATP essaya une remorque prototype intégrée dans un élément MS61. L’année suivante, le marché commun était lancé avec une tranche RATP de 17 rames et une tranche SNCF de 53 rames. Les deux entreprises s’associaient pour réduire la durée des essais, en partageant les différentes phases : à la SNCF les caisses et les équipements électriques, à la RATP le freinage et la compatibilité SACEM spécifique à la ligne A.

Le marché MI2N fut attribué au groupement GEC-Alsthom-ANF avec un matériel reprenant notamment la chaîne de traction dérivée des Z2N série 20500, mais intégrant un pilotage informatique dont la mise au point fut assez délicate.

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Première esquisse du MI2N par MBD Design avec un projet de livrée à bandes magenta pour EOLE. (document SNCF)

Version RATP : un train hautes performances

La RATP souhaitait disposer d’un matériel performant et choisit une version à 3 motrices, placées au centre de la rame, une disposition encore inédite en France. Développant 3900 kW, Les MI2N de la RATP devaient notamment pouvoir dégager une station de 225 m en 23,5 secondes et recevaient dès livraison les équipements SACEM. Leur vitesse maximale est de 120 km/h correspondant à la vitesse plafond sur le RER A, admise uniquement entre Torcy et Chessy.

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Nanterre Ville - 23 février 2019 - Les MI2N de la RATP vont à leur tour abandonner la livrée tricolore, largement amendée, matérialisant le RER à ses origines, pour le gris métallisé et les filets bleus d'Ile-de-France Mobilités... Reste à savoir sous quel délai ! Il est temps car les intérieurs sont passablement défraichis. © transportparis

Pour circuler sur le réseau SNCF, les MI2N de la RATP sont équipés du KCVB, limitant leur rayon d’action aux sections Nanterre – Cergy / Poissy. . En cas de rupture d’interconnexion, les MI2N RATP ne peuvent entrer à Paris Saint-Lazare en raison de l’absence de KVB, de leur longueur trop importante et de leur absence d’emmarchement intermédiaire empêchant les mouvements de voyageurs sur des quais de 55 cm : en effet, seules les voies 16 et 17 pouvaient être utilisées dans ces conditions, les trains arrivant par les voies du groupe V mais uniquement avec les MI84, non équipées du KVB mais antérieures à son obligation.

Au cours des essais du MI2N, l’équilibrage du freinage entre les motrices et les remorques fit apparaître des insuffisances, la sollicitation des essieux des motrices étant trop fortes, ce qui ne permettait pas de garantir les performances requises et l'intégrité du train. Outre le renforcement du freinage sur les remorques extrêmes pour soulager les motrices, le diamètre des roues fut porté de 92 à 96,5 cm de diamètre.

L’aménagement intérieur des 17 premiers éléments maximisait la capacité assise avec des salles à 5 places de front. Dès la deuxième tranche, la RATP revenait à une disposition à 4 places de front, et installait la ventilation réfrigérée, ce qui permettait de maintenir fermées les impostes des fenêtres : mal conçues en salle haute, un dispositif coulissant fut aménagé sur l’ensemble des rames pour assurer une aération naturelle (en cas de défaillance de la réfrigération sur les rames RATP). Sur la troisième tranche, la RATP installait les premiers systèmes d’annonces sonores et visuelles (plans lumineux dynamiques).

Les MI2N RATP optimisent les flux de voyageurs dans l’architecture à 2 niveaux et 3 portes par face puisque chaque porte donnant accès à tous les espaces. Ce n’est pas le cas des rames de la SNCF, dont les portes centrales ne donnent accès qu’aux salles basses pour augmenter la capacité assise.

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Neuilly Plaisance -  24 mars 2012 - Les MI2N ont été rapidement concentrés sur les missions Cergy / Poissy - Marne-la-Vallée, les plus chargées du RER A. Néanmoins, l'architecture à deux niveaux présente ses limites : entre le respect de la fréquence dans le tronçon central et la capacité assise pour les extrêmités de ligne, la pédagogie à l'égard de l'usager n'est pas chose aisée ! © transportparis

Destinées à desservir des quais d’au moins 92 cm de haut et le plus souvent de 1,15 m, les MI2N RATP sont dépourvus d’emmarchement intermédiaires, contrairement aux rames de la SNCF.

La première rame fut livrée à la RATP en juin 1997 et la 43ème en 2005. Ce parc bénéficia d’une remise à niveau des aménagements intérieurs et de la livrée extérieure parallèlement à l’arrivée des MI09, au moyen d’un repelliculage complet et d’une reprise du fonctionnement des portes pour en accélérer la cinématique, notamment à l’ouverture.

Le MI2N SNCF

Les MI2N destinées au RER E sont également composées de 5 voitures, mais la voiture centrale est une remorque et non une motrice, afin de pouvoir être retirée sans dégrader les performances (au contraire) afin de circuler sur le réseau Saint-Lazare n’admettant pas des compositions UM2 de 224 m. Ainsi, la puissance des MI2N de la SNCF n’est que de 3200 kW (8 moteurs) contre 3900 kW (12 moteurs) pour les éléments de la RATP. En revanche, la vitesse maximale des éléments destinés au RER E est de 140 km/h comme les Z2N de la SNCF : situation paradoxale que le matériel le moins puissant soit le plus rapide, qui se traduisait par des performances en accélération inférieures par la combinaison d’une moindre puissance et d’un rapport de réduction plus grand.

Si les rames de la RATP étaient équipées du SACEM et du KCVB pour circuler sur le RER A, les rames de la SNCF ont été munies du KVB.

Contrairement à la RATP, la SNCF n’a pas retenu la ventilation réfrigérée et a privilégié une capacité maximale avec un aménagement à 5 places de front, sauf en première classe, puisque les MI2N sont les derniers matériels de banlieue encore conçus avec deux classes. En outre, les salles hautes n’ont pas d’accès depuis les portes centrales, ce qui permet de gagner une vingtaine de places par élément.

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Emerainville  -  17 mars 2015 - Concentrées sur le RER E, les MI2N de la SNCF sont aptes à 140 km/h mais leur montée en vitesse est moins rapide du fait d'une moindre puissance. © transportparis

Conçues pour la desserte de quais de 1,15 m sur le RER A, les MI2N de la SNCF disposent d’un emmarchement escamotable à 90 cm pour desservir des quais bas. A l’origine, toutes les gares du RER E n’avaient pas vocation à disposer de quais de 92 cm et seules les gares de Haussmann et Magenta avaient intégré des quais à 1,15 m, permis par l’absence d’autres circulations ferroviaires dans ces gares. En revanche, dans les autres gares du RER E, l’accès aux trains nécessitait le franchissement d’une marche de 28 cm compte tenu de la limitation à 92 cm de la hauteur des quais pour compatibilité avec les autres circulations ferroviaires. Il fallait en outre pouvoir gérer les mouvements de voyageurs en cas de report du service à Paris Est, conservant des quais de 55 cm.

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Paris Est - 7 décembre 2010 - Les MI2N fréquentent la gare de l'Est en cas d'interruption du trafic dans le tunnel vers Haussmann. L'emmarchement mobile améliore un peu les conditions d'accès mais passer d'un quai alors à 550 mm (ils ont été depuis rehaussés à 920 mm) à une plateforme à 1150 mm avec une seule marche intermédiaire n'est quand même pas facile. © transportparis

La première tranche de 53 rames était destinée à la desserte du RER E entre Haussmann - Saint-Lazare, Chelles, Villiers-sur-Marne et Le Plant - Champigny. La livraison des rames débutait à l’été 1997 comme pour les éléments RATP. La SNCF engageait ses rames sur les missions Paris Est – Chelles puis, à compter de juin 1998 sur Paris Saint-Lazare – Maisons-Laffitte en composition réduite à 4 caisses, par retrait de la remorque centrale, afin de pouvoir valider le matériel en UM2, tout en tenant compte des contraintes de longueur de quais sur cette ligne.

Avec la mise en service du RER E, du fait de l’abandon de la branche du Plant - Champigny, le parc des MI2N, concentré sur cette seule desserte en version 5 caisses, restait en sureffectif. Aussi, la SNCF détacha 6 rames sur Saint-Lazare afin d’assurer en US les missions vers Nanterre Université à partir de l’été 2001. Cette situation prit fin avec le prolongement du RER E à Tournan.

Une option de 50 rames était prévue dans le marché pour les besoins de la SNCF, afin de couvrir les besoins du prolongement à Versailles et Saint-Nom-la-Bretèche du RER E, mais qui ne fut jamais concrétisé.

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Quel avenir pour les MI2N ?

Sur le RER E, les MI2N sont devenus insuffisamment nombreux pour assurer le service depuis l’ouverture de la gare Rosa Parks, nécessitant 6 éléments supplémentaires du fait de l’allongement du temps de parcours. L’apport a été assuré par du Francilien, matériel pourtant inadapté au RER par une capacité insuffisante (1844 places contre 2582 sur le MI2N) et un nombre de porte trop faible (16 portes sur 224 m contre 30 sur le MI2N).

Le prolongement à Mantes-la-Jolie nécessite un matériel bien plus performant pour plusieurs raisons :

  • proposer un temps de pacours au moins équivalent à celui du RER A entre Val de Fontenay et La Défense pour les missions directes jusqu'à Rosa Parks : un objectif théorique puisque la politique d'arrêt a entre temps évolué pour répondre à l'affluence et à l'arrivée de nouvelles lignes dont il fallait assurer les correspondances ;
  • pouvoir être équipé du système d'exploitation automatisé NExTEO ;
  • dégager le plus rapidement possible la gare de La Défense située sous le CNIT et au pied d'une rampe de 37 ‰ pour rejoindre la gare de La Folie ;
  • gêner le moins possible les trains Paris - Normandie entre Nanterre et Mantes-la-Jolie.

Ainsi allait naître le RERng, mis en service en novembre 2023.

Aussi, le devenir des MI2N SNCF s'est fortement assombri, d'autant qu'elles n'ont pas été rénovées. Il fut question de les transférer sur les groupes II et III de Saint Lazare, mais il aurait fallu non seulement leur retirer leur remorque centrale pour être compatible avec les longueurs de quais, mais aussi que le calendrier de livraison des RERng (et donc du projet EOLE) soient compatibles avec l'échéance de retrait des Z6400. Ce ne fut pas le cas.

Le réemploi sur d'autres lignes se heurtait invariablement aux contraintes de longueurs et/ou de hauteurs de quais, voire de ratio assis / debout. Conclusion : les MI2N SNCF ne seront pas rénovés et seront donc réformés.

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Paris Rosa Parks - 14 novembre 2023 - Allure passablement défraîchie pour la rame MI2N n°34 (22567/8) du RER E. Seules les opérations de sécurité ont été réalisées en attendant leur retrait du service. © transportparis

Côté RATP, le processus de rénovation des 43 rames a été engagé en 2017, mais 6 ans plus tard, la mise en service des premiers trains rénovés se faisait toujours attendre, confirmant que l'intérêt économique d'une telle opération suppose une chaîne industrielle efficace. Après les déboires rencontrés sur les MI79 et MI84, la rénovation des MI2N ne se déroule pas sous les meilleures auspices...

Voir notre dossier MI09

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