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transportparis - Le webmagazine des transports parisiens

Ligne 15, l'indispensable rocade à haut débit

Une ligne circulaire qui fait - quasiment - consensus

C'est le maillon central du Grand Paris Express, bien qu'il fasse le tour de Paris, et c'est assurément celui qui devrait avoir le plus d'effets sur le fonctionnement des réseaux existants. Sans surprise, c'est aussi la ligne qui recueille les avis les plus favorables : si nous parlons de quasi consensus, c'est qu'il reste encore dans certains recoins quelques sujets potentiellement délicats à gérer.

La ligne 15, dans son principe général, est la rocade à haut débit qui fait le tour de Paris en desservant la partie la plus dense de l'agglomération francilienne. La RATP avait proposé Métrophérique reliant les terminus des lignes existantes de métro, le STIF avait suggéré Arc Express et le Christian Blanc une double boucle : la future ligne 15 est en quelque sorte la synthèse de ces approches, mais tout de même plutôt dans le sens du STIF avec un tracé plus éloigné que celui de la RATP mais un schéma circulaire tout de même plus simple que celui esquissé aux origines de la SGP.

Au total, elle est appelée à desservir 36 stations sur un parcours de 75 km qui n'est pas totalement circulaire. La ligne 15 aura la forme d'un 6 couché avec un service de base reliant Noisy-Champs à Champigny Centre. Ainsi, les rames passeront 2 fois à Champigny Centre.

Carte-Grand-Paris-Express

On notera en particulier au nord la complémentarité entre la ligne 15 et les autres rocades, en particulier T1, T3 et T11. A l'ouest, la section Issy - La Défense pourrait avoir un effet sur T2, d'abord sur les longs trajets type Issy / Saint Cloud - La Défense. A l'est, la superposition entre la ligne 15 et le RER E a longtemps fait question : le tracé via Neuilly-Plaisance avait les faveurs du STIF dans Arc Express et s'est retrouvé intégré à un nouveau prolongement de la ligne 11... qui se retrouve désormais assez incertain. Il en résulte cette disposition finale en forme de 6 couché, résultante du non-choix entre le tracé par Val de Fontenay et celui plus à l'est par Noisy-Champs, gare inscite dans la loi manifestement mais par une confusion avec Noisy le Grand (Mont d'Est), encore que la gare de Noisy-Champs desserve le campus Descartes et l'Ecole Nationale des Ponts et Chaussées...

La ligne 15 sera entièrement souterraine, dans un ouvrage monotube de 9,30 m de diamètre extérieur. Le niveau de la voie se situera entre 15 et 55 m sous la surface du sol. Les rampes maximales seront de 4%. Le rayon de courbure minimal sera de 150 m, à comparer avec les 38 m rencontrés sur la ligne 1 à Bastille et les 30 m de la boucle du terminus de la Porte Dauphine sur la ligne 2.

La ligne 15 circulera sur une voie ferrée classique alimentée par caténaire à la tension de 1500 V continu, autorisant une vitesse maximale de 110 km/h. Métro automatique, le système d’exploitation sera capable d’assurer un intervalle de 90 secondes à terme, avec une montée en charge progressive. Le roulement sur pneumatique a  été donc - heureusement - définitivement écarté compte tenu de son coût d'investissement et de son impact sur le bruit et la consommation d'énergie.

Pour assurer un début de l’ordre de 30 000 voyageurs par heure, le matériel roulant offrira environ 1000 places, sous la forme d’une rame de 108 m de long et 2,80 m de large avec 6 voitures.

L’exploitation sera supervisée depuis un poste de commandement centralisé installé à Champigny. A terme, il supervisera les lignes 15, 16 et 17. Le site de maintenance et de remisage du matériel sera installé à Champigny, tandis que la base de maintenance des infrastructures sera érigée à Vitry sur Seine, près du technicentre SNCF des Ardoines.

Calendrier : retour à la vraie vie ?

Difficile évidemment d'envisager une mise en service en un seul bloc d'une telle ligne de 75 km. Le phasage retenu privilégie la section sud, qui présente le plus fort potentiel de trafic et qui avait fait déjà l'objet d'un fort portage politique du dossier au temps d'Orbival. Il était initialement prévu de la mettre en service dès 2018 sur la section Pont de Sèvres - Noisy-Champs, d'une longueur de 33 km, et de la poursuivre ensuite par l'ouest avec une étape à Nanterre en 2024, une section isolée entre Pleyel et Rosny Bois Perier en 2025, la jonction Nanterre - Pleyel en 2027 et le bouclage final en 2030.

Ce programme a été modifié dans l'accord de 2018, confirmant la réalisation dans un deuxième temps de la section Pont de Sèvres - Pleyel - Champigny à horizon 2030. Cependant, l'échéance d'ouverture de la première section a commencé par revenir à des échéances plus réalistes : 2020 ne l'était pas. 2024 l'était un peu plus mais finalement, la ligne 15 devrait ouvrir au sud en 2025... dans le meilleur des cas.

Pont de Sèvres - Noisy-Champs : une rocade sud très attendue

C'est peu dire que le Val de Marne a été un acteur décisif pour ce projet et pour s'assurer la première place dans la hiérarchisation du Grand Paris Express, avec la mobilisation autour d'Orbival.

La première section de la ligne 15, longue de 33 km et 16 stations entre le Pont de Sèvres et la gare du RER A de Noisy-Champs, représente un investissement de 5,3 MM€ (estimation 2016) pour des travaux qui ont débuté en 2015. Il s'agit d'un élément central du projet pour l'Ile de France, avec cette rocade de première couronne au sud de Paris, mais aussi pour les propres besoins du Val de Marne, souffrant d'un réseau structurant purement radial.

Le financement provient d’abord de la fiscalité mise en place au titre du Grand Paris, et des nouvelles recettes envisagées à compter de 2020 par l’Etat, qui finance en propre 1 MM€ par le biais d’une garantie sur l’emprunt de la SGP. La Région et les Départements sont appelés pour un montant cumulé de 225 MM€. Enfin, la SGP compte sur les redevances foncières. Le remboursement intégral des emprunts devrait être effectif 40 ans après la fin du projet. Du moins est-ce le schéma établi avant l'apparition de nouveaux surcoûts.

C’est entre Villejuif et Bagneux que la ligne 15 connaîtra son pic de charge dans sa configuration Pont de Sèvres – Noisy-Champs avec environ 12 000 voyageurs par heure. En revanche, dans la perspective de l’achèvement de la boucle, le flux dimensionnant atteindrait 30 000 voyageurs entre Villejuif et Pont de Sèvres.

Le RER A devrait être allégé de 10% de sa charge sur la branche de Marne la Vallée, et de l’ordre de 5% sur le tronçon central, en créant une rocade entre l’est et le sud de l’agglomération parisienne. Les modèles utilisés pour la simulation du trafic parviennent à identifier un report de 5 à 10 % de charge en provenance de la ligne 6. Si la ligne 15 devrait soulager les lignes radiales dans la partie centrale, elle devrait au contraire générer un effet de recharge en amont des correspondances.

Le temps de parcours entre les deux terminus serait de 35 minutes, avec une vitesse moyenne de 56,5 km/h. Il faut aujourd’hui environ une heure (par la combinaison Métro 9 + RER A) pour effectuer le trajet en transports en commun. Les gains sont également très nets quand il s'agit de trajets plus courts.

ligne15

La première section de la ligne 15 du métro (document SGP)

Pas moins de 8 tunneliers ont été simultanément engagés pour construire l’ouvrage, ce qui en soit apparaît comme un véritable défi compte tenu de la rareté de ces engins. La SGP a d'abord eu recours aux entreprises spécialisées en Allemagne, avant d'aller chercher également des productions chinoises. Ces tunneliers ont tous été baptisés d'un prénom féminin, dans la tradition du métier :

  • Steffie-Orbival, lancé en septembre 2018, a creusé 4,9 km entre Noisy-Champs et le site de la gare Bry-Villiers-Champigny. Le tunnelier est ressorti à l'été 2020 et sera réutilisé sur d'autres sections du réseau ;
  • Ellen, lancé en février 2019 entre Bagneux et la gare Issy-Vanves-Clamart (4,3 km) devrait finir cette section à l'été 2020 ;
  • Amandine, lancé en avril 2019 entre Arcueil et Villejuif (3,4 km) avec un achèvement à l'automne 2020 ;
  • Aby, lancé en juillet 2019 sur Vitry - Villejuif (4,3 km) avec une issue également à l'automne 2020 ;
  • Marina, lancé aussi en juillet 2019 sur Vitry - Créteil (2,8 km) avec une issue aussi prévue fin 2020 ;
  • Camille, lancé en octobre 2019 sur Créteil - Champigny (4,2 km), avec un débouché en avril 2021 ;
  • Aïcha, lancé en janvier 2020 entre le site de la gare Bry-Villiers-Champigny et Champigny (3 km), à livrer début 2021 ;
  • Laurence, lancé en février 2020 sur les 4 km entre Issy-Vanves-Clamart et Sèvres (puisque l'arrière-gare du terminus du Pont de Sèvres sera sous la Seine, avec une émergence du tunnelier à hauteur de la station Musée de Sèvres), à livrer également au premier semestre 2021.

Intermodalité : quelques incertitudes persistantes

Sur cette première section, toutes les stations seront en correspondance avec des lignes existantes ou réalisées de façon quasiment simultanée (cas de ligne 14 à Orly, en correspondance à l'Institut Gustave Roussy).

Toutes : c'est un objectif, mais sa concrétisation reste cependant conditionnée au financement de l'épineux cas de la gare de Bry-Villiers-Champigny. La ligne 15 serait en correspondance avec le RER E mais aussi la ligne Transilien P au moyen d'une gare nouvelle, située à 1100 m de la gare de Villiers sur Marne... sous laquelle passe pourtant la ligne 15.

trace-15-villiers_1

La nouvelle gare est estimée à 330 M€, car elle nécessite la création d'une voie supplémentaire entre son emplacement et l'actuelle gare de Villiers sur Marne, au-delà du projet de triplement prévu dans le cadre du prolongement à Roissy en Brie de la mission Villiers sur Marne du RER E. Le financement de cette gare n'est pas assuré ce qui rend par conséquent virtuelle cette connexion.

Toujours sur la section sud, le terminus - provisoire - du pont de Sèvres est critiqué pour son éloignement par rapport au terminus de la ligne 9 afin d'éviter le complexe du carrefour en rive gauche et les fondations des immeubles riverains.

Autre point sensible d'ores et déjà identifié au-delà de la section sud : La Défense. Le projet prévoyait initialement la desserte du quartier d'affaires en réutilisant la réserve situé sous le parking  des Quatre Temps, prévue à l'origine pour le prolongement de la ligne 1 du métro. Il est apparu finalement très difficile d'intégrer la ligne 15 dans cet espace et d'organiser le chantier en maintenant ouvert au public le centre commercial. La SGP annonçait un retard de 17 ans pour la réalisation de cette station et s'est donc mis à la recherche d'une solution alternative, en dehors du périmètre prévu par la loi créant le réseau. Le principal risque est évidemment de dégrader la qualité des correspondances et donc l'attractivité de la ligne. Finalement, un autre emplacement a été trouvé, au sud-ouest, sur l'axe de l'ex-RN13, à l'intersection avec le boulevard circulaire.

Au nord, le pôle d'échanges de Saint Denis Pleyel fait également question puisque les lignes de métro (13, 14, 16 et 17) sont situées à l'ouest du vaste plateau ferroviaire alors que la gare du RER D se situe à l'est de celui-ci.

Il faut aussi évoquer l'intermodalité de la ligne 15 avec... elle-même, puisqu'elle a fait débat : compte tenu de la dérive des coûts du projet, la SGP avait proposé d'éliminer le raccordement de Champigny entre la boucle et la bretelle de Noisy-Champs. Opposition des élus locaux du Val de Marne et de Seine Saint Denis, mécontentement également de l'autorité organisatrice. La SGP dut battre en retraite, d'autant plus qu'elle avait déjà engagé des travavaux pour cette connexion évaluée à 200 M€.

Au chapitre de l'intermodalité, il est difficile de ne pas évoquer la question sensible entre la SGP, la SNCF et la RATP portant sur l'aménagement des correspondances et leur financement. L'arrivée de la ligne 15 va augmenter la fréquentation des gares et stations connectées... mais le sujet a été esquivé dans la maquette financière de la SGP. A charge du STIF (rebaptisé entre temps Ile de France Mobilités) de s'en occuper. Avec quels moyens ? Mystère ! La SGP ne financerait que 30% des aménagements, mais le reste ? La Région a accepté de verser 100 M€ de plus mais le compte n'y est pas. Résultat, la Région demande à la SGP au caractère grandiose de l'architecture des gares du Grand Paris Express, dont l'addition promet d'être salée... sans compter les coûts de maintenance des bâtiments de conception parfois tourmentée.

Le Grand Paris parle effectivement de gare et non de station : les ouvrages ressembleront plus aux gares du RER qu’aux stations du Métro, exception faite de la ligne 14. Adoptant le principe de la « boîte » à plusieurs niveaux, elles se rapprocheront dans leur conception du modèle ferroviaire avec une forte trace dans l’aménagement urbain.

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Exemple d'emplacement d'une station de la ligne 15 : ici à Bagneux en correspondance avec le prochain prolongement de la ligne 4. (document SGP)

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Les stations de la ligne 15, ici à Bagneux, présentent une disposition assez comparable à celle d'une station de RER. Les circulations verticales seront toutes mécanisées compte tenu de la profondeur de certaines stations.Mais où est la correspondance avec la ligne 4 ? (document SGP)

Fruits de plusieurs architectes, les gares sont voulues non pas comme de seuls lieux de correspondances, mais comme des centralités urbaines accueillant d'autres fonctions que celles liées aux déplacements. Une conception inspirée du Japon, où de longue date, les opérateurs des réseaux suburbains ont développé toute une économie autour des gares, faisant des réseaux de transport le lien entre différents pôles économiques créés et alimentés par eux-mêmes. Cette démarche est, dans son esprit, assez volontariste dans l'objectif de déconcentrer le coeur d'agglomération et de générer ou renforcer des centralités périphériques. Reste à voir le coût...

Sur les maquettes, on remarque donc systématiquement de nombreuses constructions d'immeubles destinés à accueillir commerces, services, entreprises et logements. Reste évidemment à savoir si ceux-ci connaîtront le succès attendu par la SGP compte tenu d'un développement voulu rapide.

D'un point de vue plus restreint au domaine des transports, on notera l'audace de certains projets, comme à Noisy-Champs, à l'Institut Gustave Roussy ou à Vitry, que nous illustrons ci-dessous, et la profondeur de la station de Saint Maur - Créteil, annoncée à plus de 50 m sous la chaussée, ce qui ne sera pas sans effet sur la correspondance avec le RER A. Dans cette gare, on aura aussi remarqué un certain clin d'oeil au métro, plus exactement au Nord-Sud, avec le vaste escalier hélicoïdal... fort heureusement accompagne de batteries d'ascenseurs.

Mais encore une fois, ces conceptions pourraient aussi influer sur la dérive des coûts du projet...

Noisy Champs 3

Maquette de la gare de Noisy-Champs dont on aperçoit l'immense coupole hélicoïdale qui devrait constituer le repère urbain voulu par la SGP (en espérant qu'il résiste à l'épreuve du temps, qu'il soit maintenable et qu'il abrite de la pluie...) et la coupe des aménagements souterrains : les quais seront ici au niveau -3. © transportparis

Saint Maur Créteil 2

Maquette de la gare de Saint-Maur - Créteil, établie à grande profondeur dans un espace qui plus est relativement contraint. On devine à droite la gare du RER A et à l'extrême droite de la maquette la rue où fait actuellement terminus le TVM. © transportparis

Vitry 2

L'émergence de la gare de Vitry sera aménagée à proximité immédiate du tramway T9 dans un environnement verdoyant : le voyageur sera invité à entrer progressivement sous terre. © transportparis

Villejuif IGR

Autre symbole fort parmi les stations de la ligne 15, Villejuif Institut Gustave Roussy : elle accueillera la correspondance avec la ligne 14 prolongée depuis Olympiades. Etablie à proximité d'un important complexe hospitalier, elle aura elle aussi droit à une coupole, de forme moins complexe qu'à Noisy-Champs toutefois. Le puits de lumière assurera l'éclairage sur 4 des 5 niveaux de la station. © transportparis

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