Une étude sur la vitesse commerciale des bus
Présentée par la FNAUT, cette étude porte sur un sujet devenu très sensible : la vitesse commerciale des autobus. De portée nationale, transportparis en tire la substance concernant les dessertes de Paris et petite couronne, soit le périmètre actuellement exploité par la RATP.
Dans Paris, la vitesse moyenne des autobus est passée de 13,3 km/h en 2000 à 10,6 km/h en 2019 soit une baisse de 21 %. En banlieue, sur la même période, la chute est d'ampleur voisine (19 %) en passant de 18,3 à 14,9 km/h.
Ce n'est pas parce que les conducteurs ont une conduite molle ou que les véhicules sont moins performants. Il sera difficile, du moins à Paris, d'invoquer les problèmes de circulation générale puisque la Ville de Paris affiche une réduction de 50 % du trafic automobile par rapport à 1990. Examinons donc les autres arguments mis en avant.
Paris - Place Gambetta - Mai 2001 - Les SC10R ne disposaient que de 144 chevaux, contre 220 à 280 pour les véhicules modernes, profitant en outre de plus en plus des avantages de la traction électrique. Et pourtant, les Standards circulaient à une vitesse commerciale plus élevée... © transportparis
L'augmentation de la fréquentation
Ce critère doit cependant être apprécié avec nuance : pour le périmètre parisien, il est baisse d'environ 14 % sur la période 2008-2019. C'est logique : quand la vitesse commerciale diminue, une partie du trafic s'évapore, soit vers le métro, soit vers d'autres modes de transport. C'est à cette époque que le service Vélib a pris son envol.
En banlieue, le métro ne peut être invoqué et l'usage du vélo n'est pas de même nature : la fréquentation des lignes de bus de banlieue reste importante, et une partie de la baisse peut provenir des développements de quelques lignes de tramways.
Arcueil - Carrefour de la Vache Noire - 7 novembre 2021 - Les autobus articulés sont trop rares sur les lignes aujourd'hui exploitées par la RATP, notamment par manque de capacité dans les dépôts. Néanmoins, faute de tramway, il devient urgent d'agir de sorte à améliorer les conditions de transport, car des autobus bondés participent fortement à la baisse de la vitesse commerciale, et plus largement évidemment à l'attractivité du service. © transportparis
Le nombre d'arrêts
C'est cependant loin d'être une généralité, surtout sur le réseau exploité par la RATP : la densité y est déjà assez élevée, avec de nombreuses situations excessives, avec des arrêts trop rapprochés. La moyenne est d'un arrêt tous les 321 m.
Circulation et aménagement de la voirie
C'est le morceau de choix, et le plus sensible. Il sera assez difficile de plaider l'augmentation de la circulation quand les collectivités affichent des statistiques à la baisse, comme celle déjà évoquée concernant la Ville de Paris.
En revanche, il est légitime de mettre en avant la pagaille dans les livraisons, amplifiée par le développement du commerce en ligne, source d'arrêts ou stationnement prolongés mais illicites, pouvant rapidement bloquer la progression des autobus.
L'abaissement de la vitesse autorisée à 30 km/h peut avoir des effets, limités quand il s'agit de quelques sections de rues. La mesure parisienne étant postérieure à la période étudiée, elle n'est pas prise en compte. Elle aura logiquement un effet sur la vitesse commerciale, mais pas strictement proportionnel c'est évident, et ce d'autant plus qu'elle semble diversement appliquée sur les axes principaux (oserions-nous dire que c'est tant mieux ?).
Il faut donc aborder l'évolution de l'aménagement de la voirie et le développement des pistes cyclables, parfois - souvent ? - conçues dans une vision unidimensionnelle aux bornes de l'intérêt des utilisateurs de vélo, sans prendre en considération les effets sur la circulation des transports en commun et même parfois leur accès. Il n'y a cependant pas de généralité car toutes les lignes ne sont pas logées à la même enseigne. Etre exhaustif est impossible, aussi nous contenterons-nous donc quelques morceaux choisis :
Paris - Boulevard des Invalides - 29 mars 2023 - La suppression d'une soixantaine de mètres de voie réservée à l'arrêt Duroc relègue les autobus dans la circulation générale, faisant souvent perdre au moins un cycle de feux. Ajoutons que l'arrêt reporté est provisoire, avec beaucoup d'obstacles alors que l'emplacement initial, visible sur ce cliché, avait été conçu de façon fluide du fait du voisinage immédiat de l'Institut National des Jeunes Aveugles. © transportparis
Colombes - Boulevard Edgar Quinet - 9 avril 2021 - Ce devait être un aménagement temporaire. Le site a depuis été entièrement remanié et les lignes 164, 167 et 304 n'ont pas retrouvé cette utile voie réservée pour rejoindre le carrefour de l'église de Colombes, puisque une piste cyclable à double sens a été réalisée. © transportparis
Paris - Rue du Renard - 17 juillet 2023 - Sur les rues Beaubourg et du Renard, l'ancien couloir protégé a disparu dans le réaménagement dicté par la création de deux pistes cyclables latérales. L'accès aux arrêts peut s'avérer périlleux. La géométrie en zig-zag ne facilite pas la progression des autobus, surtout les articulés de la ligne 38, car le couloir a été taillé au plus juste. © transportparis
Chaville - Avenue Roger Salengro - 23 novembre 2020 - La suppression du couloir du 171 en direction du pont de Sèvres est ici parfaitement visible. Conséquence, il a fallu ajouter du temps de parcours sur cette ligne très fréquentée pour compenser la perte de facilités de circulation, notamment aux heures de pointe. © transportparis
Montreuil - Avenue Gabriel Péri - 5 novembre 2011 - Réduite à une seule voie par sens, la configuraton de cette aveneue ne facilite pas la circulation des autobus à l'approche du carrefour de la Croix de Chavaux. Qui plus est, les conditions d'attente des voyageurs sont ici très précaires. On aperçoit deux autres autobus en arrière-plan, et pourtant, la circulation n'est pas particulièrement dense lors de la prise de ce cliché. © transportparis
Bourg-la-Reine - Boulevard du Maréchal Joffre - 28 janvier 2024 - Le réaménagment de l'ancienne RN20 a malheurement oublié une voie réservée aux autobus pour faciliter l'accès à la gare du RER située à gauche du cliché. En ce dimanche, la circulation est fluide, mais il est aisé d'imaginer la situation en heure de pointe... © transportparis
L'autobus, faute de mieux...
Plus largement, cette étude prouve les limites de l'autobus en zone dense : les difficultés rencontrées tiennent pour beaucoup au maintien de ce mode de transport inadapté à des axes à trafic soutenu. Il en serait autrement avec des tramways, du moins tant qu'on n'atteint pas les 100 000 voyageurs par jour, mais des lignes actuellement à 20 000 ou 30 000 voyageurs quotidiens pourraient en accueillir probablement entre 40 000 et 60 000 avec de bonnes conditions d'exploitation. Ce n'est pas demain la veille... C'est d'autant plus regrettable que l'autobus souffre d'un deuxième handicap outre son insuffisante capacité : étant particulièrement flexible, il peut s'adapter à la plupart des évolutions d'aménagement de la voirie, y compris à ses dépens. Imaginerait-on prendre une voie de tramway en site propre pour l'affecter à un autre usage ? Ce serait reproduire une histoire sinistre dont les usagers de Paris et de ses banlieues paient encore un lourd tribut.
D'autres articles suivront, sur ces cas plus précis, avec des évolutions positives, et d'autres moins...