Saint Lazare : décroiser les groupes IV et VI

Le succès de l'opération Ermont - Saint-Lazare

La desserte du groupe IV ressemblait à un moignon de ligne, doublant le groupe VI attaché au service de la deuxième et de la troisième couronne. Assurant le service d'Asnières à Argenteuil, il s'agissait d'un réservoir de capacité important. Les études du Contrat de Plan 1994-2000 s'intéressaient à la simplification du RER C (déjà...) avec la suppression de la branche Ermont - Argenteuil mal desservie. Deux approches étaient en lice : il fut d'abord question d'une transversale vers La Défense, dans le prolongement de la liaison venant de La Verrière, moyennant la réutilisation du raccordement de Colombes à Courbevoie. Cependant, la création des dénivellations s'avérant passablement difficiles dans un environnement urbain dense, surtout à Colombes, l'alternative d'une radiale vers Paris fut alors adoptée, en prolongement du groupe IV.

Colombes Le Stade - 10 septembre 2014 - Parmi les points durs du réseau Saint-Lazare, le tronc commun aux groupes IV et VI entre Paris et Argenteuil occasionne de fréquents retards sur le groupe IV Paris - Ermont. © transportparis

Il a ainsi fallu prolonger la section à 4 voies entre Colombes (gare du Stade) et Argenteuil, nécessitant la reconstruction du viaduc franchissant la Seine, la réalisation d'un saut-de-mouton pour placer les voies vers Ermont-Eaubonne en aval du fleuve, et remanier les installations de la gare d'Argenteuil. A Ermont, le raccordement avec le réseau Paris Nord a été supprimé en prévision de la transformation - disons plutôt la métamorphose de la gare.

La desserte Paris – Ermont-Eaubonne a été mise en service en 2006. Avec 6 trains par heure, elle offre une desserte de bon niveau pour le nord des Hauts de Seine (Asnières, Bois-Colombes et Colombes) et le coteau d’Argenteuil, d’autant qu’Argenteuil bénéficie aussi de la desserte du groupe VI, sans arrêt depuis Paris.

Ermont-Eaubonne  - 16 novembre 2010 - RIB et VB2N sur le groupe IV : une image qui appartient au passé... © transportparis

Ermont-Eaubonne - 20 mai 2017 - Même endroit, avec un matériel pimpant et assez confortable... mais surtout un environnement qui change lui aussi de façon très visible, augmentant la fréquentation de la ligne. © transportparis

La croissance du trafic sur cet axe tient évidemment à l'attrait de la connexion assez rapide vers Paris et à la possibilité de correspondance vers La Défense à Asnières. Initialement assurée en VB2N 6 caisses de 1510 places, la desserte du groupe IV (rattaché à la ligne J) dut ensuite se contenter de  RIB 7 caisses de 1283 places, certes rénovées mais d'un confort médiocre. Le Francilien a pris la relève : il ne permet que de retrouver la capacité des VB2N. mais il a accéléré - un peu - la desserte, encore qu'il y ait probablement matière à faire mieux, surtout entre Argenteuil et Ermont.

Le groupe IV n’est pas totalement autonome puisque des missions du groupe VI vers Cormeilles, Conflans et Pontoise empruntent aussi ses voies, à partir de Bois-Colombes, ce qui impose des contraintes dans la succession des 18 trains par heure enregistrés dans le sens de la pointe sur les deux groupes jusqu'en 2018... alors que les groupes V et VI sont aussi interdépendants du fait de la répartition de l'usage des voies à la gare Saint-Lazare. A la clé, un facteur d'irrégularité pour le groupe IV. Nous y revenons par la suite.

Groupe VI : une grille remaniée

Le schéma de desserte prévalant jusqu'en décembre 2019 à l’heure de pointe du matin était organisé ainsi :

• 6 Ermont omnibus d’Asnières à Ermont
• 2 Cormeilles omnibus d’Argenteuil à Cormeilles
• 3 Conflans omnibus d’Argenteuil à Cormeilles
• 3 Mantes omnibus de Conflans à Mantes dont 2 desservent en outre Argenteuil et Cormeilles
• 3 Pontoise dont un omnibus d’Argenteuil à Pontoise et un deux « sautant » Cormeilles et Herblay
• 1 Boissy l’Aillerie desservant Argenteuil, Herblay, Conflans, Pontoise et Osny
• 2 Gisors omnibus de Pontoise à Gisors dont un desservant Argenteuil, Herblay et Conflans et l’autre « sautant » Argenteuil

Le schéma de soirée était différent :

• 6 Ermont omnibus d’Asnières à Ermont
• 3 Cormeilles omnibus d’Argenteuil à Cormeilles
• 3 Mantes omnibus de Conflans à Mantes avec arrêt à Argenteuil
• 3 Pontoise omnibus d’Argenteuil à Pontoise
• 1 Boissy l’Aillerie desservant Herblay, Conflans, Pontoise et Osny
• 2 Gisors dont desservant Herblay, Conflans et toutes les gares de Pontoise à Gisors et une mission accélérée ne desservant que Us, Chars et Chaumont-en-Vexin

Pontoise - 14 juin 2020 - Cette rame VB2N quitte Pontoise pour Paris Saint-Lazare via Conflans-Sainte-Honorine : deux ans plus tard, les Franciliens avaient pris la relève mais avec des performances encore modestes. © transportparis

Conflans-Sainte-Honorine - 21 octobre 2012 - Franchissant l'Oise, cette composition RIB à 7 voitures emmenée par une BB17000 n'est plus de première fraicheur et le confort pour un trajet complet de plus de 100 minutes était devenu passablement précaire. Les VB2N ont assuré l'intérim avant que les Franciliens ne s'emparent de la relation. © transportparis

En outre, il faut composer avec le fret venant de Mantes par la rive droite et rejoignant la Grande Ceinture au Val d’Argenteuil. Au total, 12 à 14 trains par heure circulent entre Argenteuil et Conflans, section en limite de capacité.

En décembre 2017, une nouvelle desserte a été mise en oeuvre sur le groupe VI, limitant le trafic maximal à 12 trains par heure dans le sens de la pointe, soit 2 de moins que dans le précédent schéma. Elle a d'abord eu pour objectif de mettre un peu d'ordre avec seulement 4 missions se répétant toutes les 20 minutes :

• une mission Conflans quasiment omnibus jusqu'à Argenteuil : elle ne dessert pas La Frette - Montigny ;
• une mission Pontoise omnibus de Pontoise à Argenteuil ;
• une mission Mantes la Jolie omnibus de Mantes à Conflans puis semi-directe, ne desservant que Cormeilles et Argenteuil ;
• une mission Gisors ou Boissy-l'Aillerie, directe de Pontoise à Conflans puis avec arrêt à Herblay et au Val d'Argenteuil et Argenteuil.

En contrepointe, le groupe VI est désormais organisée autour de 9 trains par heure, avec 3 missions aux 20 minutes :

• la mission Mantes inchangée par rapport à la pointe ;
• la mission Conflans également ;
• la mission Pontoise et au-delà ne dessert pas Cormeilles.

En soirée, la branche Mantes-la-Jolie est nettement mieux desservie avec le prolongement systématiques des trains terminant à Conflans . Même chose le week-end avec également le prolongement des missions Cormeilles à Conflans.

Conflans-Sainte-Honorine - 7 octobre 2017 - Filant vers Mantes la Jolie, cette rame VB2N vient de franchir la bifurcation de Conflans entre la branche Mantes et la branche Pontoise. La desserte entre Conflans et Mantesa été renforcée car en soirée, elle était assurée au moyen de navettes en correspondance sur les trains de Pontoise... mais surtout avec des autocars. © transportparis

Groupe VI : un maillon de l'itinéraire bis entre Le Havre et l'Ile de France

Le groupe VI est plutôt du genre polyvalent puisqu'il est naturellement un itinéraire alternatif au groupe V quand celui-ci est intercepté pour travaux. Cependant, pour les liaisons vers la Normandie, c'est une perte de temps de près d'une demi-heure, qui dépend notamment du bon vouloir de la SNCF (activité Transilien) et du STIF sur un surstationnement des trains de la ligne J à Argenteuil pour favoriser le passage de trains sans arrêt. Un sujet appelé à durer puisque les travaux EOLE se poursuivent jusqu'en 2025 et qu'il y aura ensuite ceux de LNPN.

Mais le groupe VI est aussi un itinéraire pour le fret : c'était déjà le cas, du fait de meilleures conditions de raccordement à la Grande Ceinture du côté du Val d'Argenteuil.

Conflans Sainte Honorine - 2 juillet 2016 - Franchissant l'ouvrage qui a succédé au pont Eiffel détruit en 1940-1944, la 27172 Akiem emmène un convoi de citernes en direction de Mantes la Jolie. Un rôle moins connu... mais qui mobilise depuis plusieurs années, laissant tout loisir au transport routier de demeurer majoritaire dans la vallée de la Seine. (cliché X)

Cette vocation est appelée à être renforcée avec l'électrification de Serqueux - Gisors, dernier maillon d'un itinéraire altenatif entre Le Havre et l'Ile de France en évitant la vallée de la Seine et sa complexe programmation de travaux. De la sorte, les trains venant du Havre n'ont plus besoin de daire le détour jusqu'à Amiens. Ce projet de 250 M€ en Normandie se heurte à une frilosité certaine en Ile-de-France, où le passage théorique de 25 trains par jour ne suscite pas vraiment l'enthousiasme... puisqu'ils passeraient pour moitié la nuit.

Bois-Colombes : un futur rendez-vous important

La future correspondance à Bois-Colombes avec la ligne 15 du Grand Paris Express, le groupe IV risque d'être passablement sollicité du fait de l'attrait de ce métro autour de la proche banlieue, avec des gains de temps potentiellement importants pour rejoindre le nord et l'est de l'agglomération parisienne. L'arrêt de trains du groupe VI est en revanche plus difficile puisque seules les voies du groupe IV desservent les quais de la gare de Bois-Colombes, située en tranchée. Et reporter certains trains de l'un sur l'autre irait plutôt à rebours d'autres projets.

Libéré des trains de la ligne J, le groupe V dévolu au trafic normand pourrait éventuellement faire l'objet d'une étude en vue de créer une gare sur le raccordement de Bois-Colombes qui serait en correspondance avec la ligne 15 afin de proposer à la Normandie un accès à La Défense par correspondance... mais aussi à d'autres pôles attractifs, comme par exemple La-Plaine-Saint-Denis. Il semble possible d'insérer 2 quais de 270 m de long de part et d'autre du pont de la rue des Bourguignons, moyennant un remaniement des voies de remisage en amont de Bois-Colombes.

Une question similaire peut se poser à propos de la gare de Pont Cardinet, avec l'arrivée de la ligne 14 en 2020 : un arrêt du groupe IV pourrait être étudié, même si la correspondance impose un transit par la voirie pour accéder à une station profonde et n'est donc finalement pas si intéressante par rapport à la gare Saint-Lazare...

Paris Pont Cardinet - 21 mars 2008 - Clin d'oeil aux RIB qui ont circulé sur la banlieue Saint-Lazare en formation 7 caisses pendant près de 40 ans... et aux transformations du quartier des Batignolles, passablement transformé depuis ce cliché déjà d'une autre époque, pris depuis le quai du groupe IV inutilisé. © transportparis

Décroiser les groupes : une mesure à anticiper avant LNPN... et avant la réalisation de la ligne 15

La gestion des différents groupes à Paris Saint-Lazare fonctionne actuellement comme expliqué dans ce schéma :

La nécessité de décroiser les flux entre les groupes V et VI saute aux yeux. Les voyageurs du groupe IV le savent aussi compte tenu des fréquents surstationnements à Bois-Colombes pour riper une mission sur ces voies afin d'atteindre les voies 9 à 12 en gare. Dès lors, il faut trouver le bon endroit pour implanter l'ouvrage permettant de reclasser les trains. La réponse se situe du côté de Clichy, dans la zone des remisages du matériel nordmand... et dans une planification des travaux qui ménage les circulations, le tout dans un calendrier déjà passablement tendu par les travaux du RER E. La fenêtre de tir se situe assurément après eux, avant ceux de LNPN entre Nanterre et Mantes-la-Jolie... et peut-être avant les chantiers du Grand Paris Express dans la zone de Bois-Colombes, pour la station de la ligne 15.

Estimé à entre 130 et 200 M€, cet ouvrage pourrait griller la priorité aux opérations LNPN en visant une réalisation avant 2030... ce qui impose un sérieux coup d'accélérateur, quitte à différer d'autres opérations. Cependant, il est évident que son effet sur l'exploitation justifie de le placer parmi les chantiers prioritaires sur le réseau Saint-Lazare.

Cette opération de reclassement des trains devrait aussi amener à revoir la répartition entre les groupes IV et VI et notamment la possibilité de renforcer la desserte entre Paris et Argenteuil par le groupe IV, en utilisant la voie de terminus intermédiaire existant à Argenteuil. Se poserait alors une nouvelle fois la question de la mise en place de NExTEO, mais avec des contraintes plus sévères du fait des pratiques de report des circulations pour cause de maintenance entre Paris et Asnières...

Asnières - 13 avril 2015 - Entre 2012 et 2022, les Franciliens ont été déployées sur la quasi-totalité des dessertes des lignes J et L, à l'exception de l'axe Paris - Mantes via Poissy, en attendant le prolongement du RER E. © transportparis

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