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transportparis - Le webmagazine des transports parisiens

Ligne 14 : origines du premier métro automatique parisien

Le RER A, victime de son succès

Dans les années 1980, le tronçon central du RER A était victime de son succès. L'exploitation intense, alors à 24 trains par heure, de trains très fréquentés, fragilisait les MS61 connaissant de nombreuses pannes. La RATP affectait alors jusqu'à 24 MI79 du RER B, en retardant la réforme des dernières automotrices Z23200. L'arrivée des MI84 en prélude à l'interconnexion couplée à des interventions techniques sur les MS61 allait améliorer la situation, tout comme la mise en service du SACEM en 1988 avec l'interconnexion des dessertes de Cergy et de Poissy. Cependant, même avec 6 trains de plus par heure, la situation demeurait tendue et la ligne approchait le million de voyageurs journaliers.

EOLE ou METEOR ?

On allait assister à la confrontation entre la RATP et la SNCF dans les solutions pour délester notamment la section Gare de Lyon - Auber.

La SNCF proposait l’interconnexion Gare du Nord – Gare de Lyon (RER D) et le prolongement de la banlieue Est (RER E) vers une nouvelle gare située dans le quartier Saint-Lazare avant de rejoindre les lignes du groupe II vers Versailles-Rive Droite et Saint-Nom-la-Bretèche.

La RATP étudiait une nouvelle ligne de métro, METEOR (Métro Est Ouest Rapide) qui devait également desservir le nouveau quartier de Tolbiac-Masséna, où allait notamment être érigée la nouvelle bibliothèque nationale voulue par François Mitterrand. La première esquisse de tracé assurait la liaison ZAC Tolbiac - Porte Maillot par la gare de Lyon, la place de la République, les gares de l'Est, du Nord, Saint-Lazare et les Ternes (en orange dans le plan ci-dessous). La RATP cherchait clairement à couper l'herbe sous le pied aux projets de la SNCF. Cependant, la RATP abandonna ce tracé, les projets de la SNCF étant plus avancés. Elle étudiait alors un nouveau tracé (en jaune ci-dessous) par l'Hôtel de ville et la Bourse, allant en direction de la porte Dauphine, avant de lancer le projet dit METEOR 2, plus direct longeant au plus près le RER A.

projets-avortes-ligne-14

Cette nouvelle ligne de métro était envisagée dans un mélange de tradition - le gabarit historique - et de modernité, avec une exploitation automatisée, puisque Lille et son VAL avaient ouvert une voie dans laquelle Toulouse et Rennes s'engageaient, ainsi que Lyon avec une solution différente (MAGGALY).

L'Etat se retrouvait en position - inconfortable - d'arbitre entre ses deux entreprises publiques, sachant qu'il ne fallait en déjuger aucune. En octobre 1989, il décidait la réalisation simultanée du RER D, du RER E et de METEOR, selon son tracé via Châtelet et la Madeleine.

De ce fait, METEOR pouvait aussi, ultérieurement, constituer l'occasion de simplifier et d'améliorer les lignes 7 et 13 du métro en supprimant leurs fourches : la nouvelle ligne aurait repris l'antenne de Villejuif de la première et de Gennevilliers sur la seconde, après allongement des stations et conversion de l'infrastructure au roulement pneumatique et à l'exploitation automatisée.

Construction et mise en service de la ligne 14

Etablie dans un environnement souterrain déjà bien encombré, la réalisation de la ligne 14 utilisait en partie les techniques les plus modernes de construction en étant pourtant généralement établie à grande profondeur.

Entre 1989 et 1993, les travaux préalables pour les puits et galeries de reconnaissances ainsi que la préparation du site d'engagement du tunnelier, baptisé Sandrine, marquèrent le début de ce chantier. Les déblais du chantier transitaient par la Seine. Engagé à l'été 1993 près du port de l'Arsenal, le tunnelier arrivait 2 ans plus tard boulevard Haussmann. La section sud-est de la ligne était quant à elle réalisée selon des méthodes bien plus classiques. Il fallait d'abord passer entre les tunnels existants du RER A et du RER D et se loger dans une réserve foncière inutilisée au pied du nouveau siège de la RATP. Les travaux du tunnel Châtelet - Gare de Lyon du RER D et de METEOR furent synchronisés Le passage sous la Seine adoptait la solution des caissons immergés.

Pour tester les automatismes sans attendre la réalisation des ouvrages, la RATP occupa une partie de la Petite Ceinture vers l'ancienne gare de la place de Rungis, aménagée en zone d'essais.

La ligne 14 a été mise en service le 15 octobre 1998 sur un parcours de 7 km entre la Bibliothèque François Mitterrand et Madeleine, au lendemain de son inauguration par le président de la République, Jacques Chirac. La ligne dessert 7 stations : Cour Saint-Emilion, Bercy, Gare de Lyon, Châtelet, Pyramides et Madeleine. Ainsi, 15 ans après Lille, 6 ans après Lyon et Toulouse, Paris avait son premier métro automatique, avec des rames MP89 de 6 voitures, similaires à celles alors mises en service sur la ligne 1 pour remplacer les MP59. Express, ce métro l'était réellement avec une vitesse commerciale de 40 km/h, des pointes à 80 km/h permises par l'interstation moyen de 1242 m. Châtelet - Gare de Lyon constituait alors l'intervalle le plus long entre 2 stations : 2784 m.

Elle était prolongée de 650 m à Saint-Lazare le 16 décembre 2003, lui donnant déjà une toute autre envergure avec un net effet sur sa fréquentation... et délestant la ligne 12 qui, dans l'intervalle, devait récupérer ses voyageurs entre Madeleine et Saint-Lazare.

Ensuite, afin d'améliorer la desserte du quartier de Tolbiac peu maillé par le métro, la ligne 14 atteignait la station Olympiades le 26 juin 2007 : construite dès l'origine du projet, cette section de 764 m avait d'abord été aménagée pour la maintenance du matériel roulant. Sa transformation pour son usage nominal était accompagnée d'un court prolongement technique des ouvrages jusqu'à une future station Maison Blanche d'abord utilisée pour cette même fonction technique.

Architecture des stations

Les stations n'ont pas grand chose à voir avec celles du réseau historique avec une longueur de 120 m, contre 105 m pour celles réalisées dans les années 1930 (sans usage régulier cependant) : elles devaient pouvoir accueillir des trains de 8 voitures. Dans un premier temps, la nouvelle ligne serait exploitée par des trains de 6 voitures.

L'exploitation automatisée a été accompagnée de l'installation sur les quais de façades destinées à empêcher toute perturbation liée à des chutes de voyageurs ou des intrusions malveillantes sur les voies. Cette solution autorise aussi une entrée plus rapide en station.

La rupture avec les stations historiques est franche, même si les accès aux stations et les couloirs de correspondance peuvent eux se révéler insuffisamment dimensionnés. On retient notamment la vaste station cathédrale Bibliothèque François Mitterrand, conçue avec un accès au RER C (dont la gare Masséna a été remplacée par cette nouvelle correspondance très empruntée). A la gare de Lyon, station à quai central, une serre végétale a été aménagée au pied du siège de la RATP. Il faut aussi remarquer le puits de verre de la station Madeleine, notamment pour l'accès à la ligne 12.

Enfin, à Saint-Lazare, le puits de lumière depuis la lentille située sur la cour de Rome est remarquable sur le plan technique, mais s'est rapidement révélé problématique pour la gestion des flux : reposant sur les anciens accès à la station de la ligne 3, depuis la gare et la voirie, qui étaient de dimensions bien plus réduites, la circulation des voyageurs n'est pas aisée du fait de flux à angles aigus dans la remontée des voyageurs vers la surface. En outre, jusqu'au réaménagement de la gare, l'accès à la station était sale et exigu : beaucoup de voyageurs préféraient sortir de la gare pour utiliser l'accès par la lentille dont, malheureusement l'ouverture est située non pas côté gare mais côté carrefour. Serait-ce un vestige de la confrontation RATP-SNCF entre EOLE et METEOR ?

En revanche, le recours assez fréquent à l'éclairage indirect pose quelques problèmes de luminosité et d'entretien du fait de l'accumulation de poussières : les architectes ne prennent pas assez en considération les modalités d'entretien des équipements qu'ils conçoivent... Il a d'ailleurs parfois fallu rectifier le tir : à la station Pyramides, des néons de chantier ont été installés pour compenser une luminosité initiale insuffisante.

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Paris - Station Bibliothèque François Mitterrand - 5 janvier 2024 - La plus monumentale des stations de la première section de la ligne 14 comprend une immense salle d'échanges façon cathédrale. Les quelques tentatives de commerce n'ont guère eu de succès et le volume peut apparaître un peu vide, même en heures de pointe. Sur le premier cliché, on peut aussi apercevoir l'écart d'éclairage entre la partie RATP et la partie SNCF en haut des escaliers. © transportparis

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Paris - Station Châtelet - 5 janvier 2024 - Le volume des stations n'a évidemment plus rien à voir avec les stations historiques. Depuis l'arrivée des MP14, la totalité des 120 m de longueur des quais est occupée. Toutefois, pour renforcer la luminosité des stations, des blocs supplémentaires un peu rudimentaires ont été ajoutés dans la plupart des stations. © transportparis

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Paris - Station Madeleine - 5 janvier 2024 - Un peu moins de volume pour la station Madeleine, néanmoins suffisamment spacieuse. La station a été le terminus de la ligne entre 1998 et 2003, dans l'attente de l'ouverture de la station Saint-Lazare, nécessitant un dimensionnement des correspondances adaptée à la montée en puissance de la fréquentation de la ligne. © transportparis

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Paris - Station Madeleine - 9 décembre 2023 - Le puits de correspondance vers la ligne 12 comprend 3 niveaux intermédiaires dans un espace relativement restreint mais assez fluide et bénéficiant d'un éclairage particulièrement travaillé, combinant un puits vertical et des parois en verre éclairées par l'intérieur.  © transportparis

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Paris - Station Saint-Lazare - L'accès côté rue de Rome a été complètement remanié, notamment pour agrandir l'accès de faible capacité à la gare. La bulle de verre sur le parvis a l'inconvénient de tourner le dos aux accès principaux à la gare. L'espace est vaste, mais l'affluence est élevée. Il fallut aussi repenser le sens de fonctionnement des escaliers mécaniques, pour éviter les croisements de flux. Il y a 5 niveaux de la salle des recettes et les quais de la ligne 14. (cliché X)

A son tour victime de son succès

Très rapide avec une vitesse moyenne approchant les 40 km/h, très fréquente avec un intervalle pouvant descendre à 85 secondes, la ligne 14 s'est rapidement taillée une réputation de fiabilité et d'efficacité. L'accès direct à Saint-Lazare marqua véritablement le décollage de sa fréquentation, ainsi que le développement des quartiers de Bercy et de Tolbiac : si elle ne transportait que 250 000 voyageurs au début de l'année 2003, plus de 450 000 voyageurs l'empruntaient en moyenne chaque jour en 2007. A son tour, la ligne était saturée, entre Gare de Lyon et Châtelet, avec 35 000 voyageurs par heure et par sens en pointe du matin. Elle ne pouvait plus jouer correctement son rôle de délestage du RER A.

Aux 18 trains initialement commandées furent ajoutées 3 rames pour resserrer l'intervalle.

Suite du dossier : le prolongement à Saint-Ouen

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