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transportparis - Le webmagazine des transports parisiens

RER B : la ligne de Sceaux époque chemin de fer

Si officiellement, la ligne B du RER est née sur les plans le 9 décembre 1977, la ligne de Sceaux constitue un des meilleurs exemples d’exploitation d’une ligne de chemin de fer de banlieue pendant près de 40 ans. Constituant un terrain d’application des méthodes d’exploitation de la CMP puis de la RATP, elle fut aux origines du projet de RER, dès 1929, l’un des maillons essentiels du dispositif envisagé et qui ne fut mis en œuvre qu’un demi-siècle plus tard. Du chemin de fer Arnoux à RER B Nord +, le RER B relate près de 150 ans d’histoire des transports parisiens.

Le chemin de fer Arnoux

Aux origines du chemin de fer en France, après les lignes à vocation minière autour de Saint Etienne, la ligne de Saint Germain en Laye était la première destinée au transport des voyageurs. Un an après son ouverture en 1837, l’ingénieur Arnoux plancha sur un dispositif d’articulation des essieux à large écartement (1,751 m) rendant les roues indépendantes pour améliorer l’insertion en courbe des trains. Un essai grandeur nature eut lieu dès 1839 dans un enclos de Saint Mandé.

Afin d’expérimenter son système, l’Etat lui accorda, après plusieurs tentatives sur différentes liaisons, dont Paris – Saint Maur, une concession de 50 ans pour l’exploitation d’une ligne reliant la barrière d’Enfer à la commune de Sceaux. Intégralement financée par la compagnie Arnoux, la construction coûta 3 millions de francs, mais sous-estimant les acquisitions foncières et une forte spéculation autour du chemin de fer. Fondée le 21 février 1845, la compagnie du chemin de fer de Paris à Sceaux inaugura la ligne le 7 juin 1846, exploitée avec 4 locomotives de type 111.

Sceaux-Arnoux

Gravure de la gare primitive de Sceaux du chemin de fer Arnoux avec sa raquette de 25 m de rayon. La perspective et la proportionnalité sont encore perfectibles : on ne sait pas encore parfaitement représenter la nouveauté qu'est le chemin de fer...

Le choix de l’itinéraire fut d’abord dicté par le souci de mettre en avant sa technique, notamment pour escalader la colline de Sceaux : aussi le tracé regorgeait-il de courbes serrées, jusqu’à 85 m de rayon en ligne et 30 m en gare de Bourg la Reine, en rampe de 11,5 ‰ entre Bourg-la-Reine et Sceaux, une valeur importante pour l’époque compte tenu des performances modestes des locomotives.

L’embarcadère fut implanté à la barrière d’Enfer où un monumental bâtiment, toujours en place, accueillait les voyageurs. De forme semi-circulaire, il donnait accès à la raquette du terminus, les trains circulant sur une boucle de 25 m de rayon, évitant les manœuvres de locomotive afin de rendre l’exploitation rationnelle. Le service était assuré toutes les 2 heures avec un renfort les dimanches et fêtes.

Sceaux-BVdenfert

Construite en 1846, la gare de Sceaux, située place Denfert-Rochereau, est toujours présente dans le paysage parisien et est même classée à l'inventaire des monuments historiques. Sa forme rappelle la conception du terminus original de la ligne.

Néanmoins, le faible trafic de la ligne entraîna rapidement un fort déficit des comptes d’exploitation, tandis que l’instabilité des terrains entre Sceaux et Fontenay aux Roses imposa la consolidation des carrières souterraines. Les actions chutèrent de près de 40% au cours du seul automne 1847. La compagnie accumula une dette équivalente à celle du capital, et fut mise pendant 2 ans sous séquestre de l’Etat. Arnoux fit pression pour développer sa compagnie en réclamant une concession pour une antenne vers Orsay ou Longjumeau afin de rembourser le soutien de l’Etat. Les études et les premiers travaux furent interrompus par la Révolution de 1848. En 1849, l’Etat décida par précaution de concevoir le tracé entre Sceaux et Palaiseau pour une infrastructure normalisée avec de larges rayons de courbe – pour l’époque – afin de parer à d’éventuelles difficultés de la compagnie Arnoux. En revanche, de Palaiseau à Orsay, les préceptes d’Arnoux furent reconduits. Le prolongement à Orsay fut inauguré le 28 juillet 1854.

Le Paris-Orléans s’empare de la ligne de Sceaux

En 1857, la ligne passa dans les mains du Paris-Orléans qui voyait dans la ligne de Sceaux un moyen d’obtenir une nouvelle liaison vers Tours via Châteaudun et Vendôme, à laquelle il dut rapidement renoncer du fait du profil de l’itinéraire étudié. Le PO se rallia à l’idée d’un tracé via Brétigny. En revanche, le PO remporta la concession d’une extension dans la vallée de Chevreuse et à Limours, mis en service le 26 août 1867, après avoir procédé à la mise à double voie de la section Paris – Bourg la Reine en 1863. Le PO réalisa plusieurs gares aux marchandises, mises à disposition du trafic, notamment maraîcher, à partir du 4 septembre 1871. La gare d’interconnexion de Massy Palaiseau ouvrit en 1883, en connexion avec la Grande Ceinture.

En 1885, le PO décida la mise à voie normale de la ligne, abandonnant le système Arnoux, trop contraignant et surtout incompatible avec les autres lignes de chemin de fer (un sujet récurrent dans l’histoire – même contemporaine – des transports parisiens).

Sans interrompre le trafic, le PO engagea les travaux, auxquels il ajouta la mise à double voie entre Bourg la Reine et Orsay, la création des haltes de Gentilly, Laplace et Bures sur Yvette, des gares aux marchandises d’Arcueil et de Boullay les Troux ainsi que l’agrandissement de plusieurs gares. La rectification des courbes s’opéra de façon relativement aisée sur l’axe principal, suaf à Bourg la Reine et Palaiseau, où de nouveaux tracés durent être établis et le radier du tunnel de Bourg la Reine abaissé. Un nouveau tracé entre Bourg la Reine et Sceaux fut entièrement établi.

Sceaux-BVbourg-la-reine

La gare de Bourg la Reine à la fin du 19ème siècle, avec à gauche la bifurcation de Robinson après les travaux de mise à voie normale réalisés par le Paris-Orléans. A quai en direction de Massy et Limours, une composition typique avec des voitures sur essieux à portières latérales et vigie. Bourg la Reine était alors une paisible bourgade au sud de Paris...

Le basculement des deux systèmes s’effectua dans la nuit du 21 au 22 mai 1891 sur la branche de Limours, en seulement 9 heures de travail titanesques pour reprendre notamment tous les aiguillages et introduire le nouveau matériel. Les sections à double voie avaient été réalisées voie par voie par anticipation durant environ 2 mois. Sur la branche de Sceaux, l’opération fut évidemment facilitée par l’abandon du tracé originel entre Bourg la Reine et Sceaux au profit d’une section nouvelle à destination de Robinson, quartier aux limites de Sceaux et du Plessis-Robinson, mise en service en mai 1893.

Sceaux-robinson

La gare de Robinson, créée lors de la réalisation du nouveau tracé, avec sa remise à locomotives au premier plan et sa halle aux marchandises à gauche, en face du bâtiment des voyageurs. La ligne de Sceaux était encore une ligne de chemin de fer où le trafic de marchandises et de produits maraîchers était important.

Le 1er avril 1895, afin de capter une clientèle plus nombreuse, le PO mettait en service un prolongement parisien souterrain de la place Denfert-Rochereau vers une nouvelle gare à hauteur du Jardin du Luxembourg. Situé sous le boulevard Saint Michel, le parcours intégra une gare intermédiaire boulevard de Port Royal, en partie aérienne, pour l’évacuation des fumées. Le nouveau terminus comprenait 2 voies à quai et une arrière-gare conçue en prévision d’une future jonction avec la ligne d’Orléans, dont le prolongement à la gare d’Orsay était mis en service en 1900 à l’occasion de l’Exposition Universelle. Sur celle-ci, l’amorce du raccordement existe toujours, sous la forme d’un tunnel parallèle aux voies aujourd’hui empruntées par le RER C, et utilisé pour stationner des rames et des trains de travaux. La jonction, qui aurait amplifié le rôle de la gare d’Orsay et rompu l’isolement de la ligne de Sceaux, ne fut jamais réalisé.

Sceaux-luxembourg

Les voies étant en souterrain , la gare du Luxembourg était quasiment invisible : l'entrée s'effectuait à l'angle du boulevard Saint Michel et de la rue Gay Lussac. Cette disposition ne disparut qu'en 1977 quand la ligne de Sceaux devint le RER B : des accès classiques type Métro furent installés sur les trottoirs.

En revanche, le PO généralisa la double voie sur l’intégralité du parcours afin d’améliorer les conditions d’exploitation et surtout densifier le service compte tenu de l’urbanisation.

Sceaux-saint-remy

Saint Rémy les Chevreuse, avec un train emmené par une locomotive 040T probablement en direction de Limours, dans un environnement particulièrement champêtre.

Portée par le PO, l’électrification de la ligne, dont le caractère urbain s’affirmait au fur et à mesure des constructions autour de la ligne, fut envisagée dès les années 1910, en tirant les enseignements des trains électriques de la compagnie entre Paris et Juvisy. Malheureusement, l’Etat favorisait son propre réseau et le projet de ligne Paris – Massy – Gallardon – Chartres dont la réalisation fut interrompue.

La première guerre mondiale marquait un coup d’arrêt aux réflexions sur l’avenir de la ligne de Sceaux qui revenait au centre des études à la fin des années 1920 avec le « Métro Régional » proposé par Langevin, ministre des Travaux Publics de l’époque. Il proposait de connecter la ligne de Sceaux aux chemins de fer du Nord par une traversée souterraine de Paris et de moderniser l’ensemble en recourant à des trains électriques modernes, à l’instar de la banlieue Ouest, au départ de la gare Saint Lazare, avec les automotrices Standard, ou de la Stadtbahn de Berlin qui était électrifiée en 1928.

Le Département de la Seine lança au cours des années 1920 un vaste programme de suppressions des passages à niveau, constituant des obstacles de plus en plus contraignants dans les villes traversées, marquées par une forte croissance démographique et le développement de la circulation automobile. Les plus lourds concernaient Paris (boulevard Jourdan) et Gentilly, avec le comblement du fossé des fortifications, le percement d’un tunnel, l’abaissement du plan de voies et le remplacement de la gare de Sceaux-Ceinture par celle de la nouvelle Cité Universitaire. A Antony, le passage à niveau de La Croix de Berny nécessita un passage routier inférieur, et une tranchée fut réalisée pour supprimer celui de la gare.

Sceaux-limours

La gare de Limours, et le matériel PO aux accès particulièrement malcommodes...

Si l’électrification de Paris à Massy était décidée par l’Etat en 1929, le PO refusa de l’engager compte tenu des coûts d’investissements et de la maigre rentabilité de la ligne. A l’issue de plusieurs années de tractations juridiques, administratives et financières, marquées en outre par la crise économique impactant la santé des compagnies ferroviaires aboutissant à la nationalisation des chemins de fer en 1937, la ligne de Sceaux devenait une voie ferrée d’intérêt local transférée à la CMP pour la section Paris – Massy / Robinson. Le PO puis la SNCF exécutèrent les travaux de modernisation de la ligne qui comprend notamment :

  • l’électrification en 1500 V continu,
  • la suppression de nouveaux passages à niveaux,
  • la rénovation des gares avec l’allongement, le rehaussement et la couverture des quais, ainsi que la généralisation des passages souterrains et passerelles pour le franchissement des voies,
  • l’édification d’un nouveau bâtiment voyageurs à Massy Palaiseau,
  • un nouveau terminus intermédiaire de Laplace,
  • la réalisation d’une bifurcation en saut-de-mouton à Bourg la Reine.

La CMP installa à Montrouge un nouveau dépôt chargé de l’entretien et du remisage des nouvelles automotrices commandées pour le service de la ligne de Sceaux.

Suite du dossier

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