Une étude sur le potentiel des tramways franciliens
Elle était passée sous nos radars mais un lecteur assidu de Tramways & Urban Transit nous a fait parvenir cette information du mois de septembre. Ile-de-France Mobilités a missionné TTK en septembre dernier pour une mission prospective concernant les tramways et trams-trains franciliens. Voici le communiqué sur le site de TTK :
« Face au constat de la forte disparité entre les technologies, spécifications techniques et modalités d’exploitation des différentes lignes de tramway et de tram-train en Île-de-France depuis la réintroduction de ce mode au milieu des années 1990, IDFM souhaite, dans le cadre de la mise en concurrence tramway projetée pour 2030, se doter d’un schéma directeur des infrastructures de tramway.
Plus concrètement, TTK produira un benchmark sur les limites du système tramway en France et dans le monde en termes de fréquence, capacité, franchissement de carrefours, vitesse commerciale, etc. En parallèle, un diagnostic des lignes existantes (et des extensions programmées) est réalisé afin de permettre à IDFM d’avoir un état des lieux précis de la situation actuelle, des points forts et des points faibles de chaque ligne en exploitation.
Dans un second temps, TTK mènera des réflexions afin d’établir des propositions pour l’avenir de chaque ligne, ainsi que sur plusieurs sujets transverses. »
Le propos est assez général, mais il faut comprendre dès l'introduction que l'hétérogénéité technique (longueur, largeur, type de roulement, alimentation, signalisation) a été identifiée comme une contrainte. TTK aura donc d'abord à produire en quelque sorte un audit de l'exploitation des lignes avec des propositions d'amélioration, dont on peut supposer qu'elles porteront principalement sur la régularité et l'adaptation du service à la fréquentation sur celles qui connaissent des problèmes importants de charge (T1, T2, T3 principalement). La suite de la mission est un peu plus ouverte et il n'est pas impossible que TTK propose des évolutions de consistance du réseau, mais le coeur de la mission portera bien sur la fiabilisation du service et les modalités techniques d'organisation des marchés relatifs à l'exploitation des lignes après appel d'offres.
Nos différents dossiers sur les tramways franciliens trouvent donc un écho, qu'il s'agisse de notre proposition de schéma directeur de développement du réseau ou de notre étude sur l'amélioration de l'exploitation. Une saine lecture pendant les fêtes !
T10 : en tunnel ou en surface à Clamart ?
Sans réelle surprise, les premières esquisses de tracé pour le prolongement de T10, actuellement en construction entre La Croix de Berny et l'entrée de Clamart proposent
- soit un tracé en tunnel depuis le Jardin Parisien, comprenant 2 stations intermédiaires sous le centre de Clamart pour atteindre la gare ;
- soit un tracé en surface mais avec dissociation des sens de circulation compte tenu de l'étroitesse des voiries, depuis la station Place du Garde.
Les hypothèses de prolongement vers Issy les Moulineaux n'ont pas été retenues : aussi faudra-t-il s'assurer que la solution retenue ne ferme pas la porte à une extension ultérieure, par exemple en reprenant le tracé de l'actuel bus 394, qui aurait l'avantage d'aligner toutes les correspondances avec le métro 12 à Corentin Celton et à Val de Seine avec le RER C et T2. Pour mémoire, transportparis proposait d'étudier une extension jusqu'à la porte de Saint Cloud...
T10 : on ne l’attendait pas aussi tôt
C'est vrai qu'avant d'en arriver à cet axe, on aurait pu s'attendre au retour du tramway sur des axes bien plus fréquentés. La première section de la ligne T10 est en travaux entre la gare de La Croix de Berny et l'entrée de Clamart. Les études vont débuter pour définir une première extension pour rejoindre la gare de Clamart mais, à transportparis, nous voyons plus loin et proposons l'envoi de cette ligne vers Issy les Moulineaux et la porte de Saint Cloud.
On sait aussi que la ligne sera exploitée à l'aide de rames Citadis identiques à celles de T9... mais on ne connaît pas encore son exploitant. En attendant, voici notre nouveau dossier, présentant cette nouvelle ligne de tramways dont la mise en service est prévue en 2023.
Tramways : quels nouveaux projets ?
Près de 30 ans après le retour du tramway en Ile de France, le bilan reste quand même léger avec 137,4 km de lignes présentant une forte hétérogénéité :
- 7 lignes de tramways classiques totalisant dont 6 opérées par la RATP et une par Keolis, soit 92,5 km d'infrastructures ;
- 2 lignes de Translohr exploitées par la RATP, soit 20,4 km d'infrastructures ;
- 2 lignes de tram-train exploitées par le groupe SNCF, soit 24,3 km d'infrastructures.
Précisons par rapport à ce tableau que T1 va passer au gabarit 2,40 m avec rames de 32 m à la faveur des travaux de rénovation de la section Saint Denis - Noisy le Sec, en lien avec le remplacement des TFS.
En comparaison, les 1111 km du réseau historique à son apogée en 1925, ses 122 lignes, 2298 motrices, 928 remorques transportant 721 millions de voyageurs sur une année, ont été démantelés en 13 ans, soit à une moyenne de 85,46 km par an alors que le rythme moyen de (re-)construction n'est que de 4,74 km par an... soit presque quatre plus plus lentement que le rythme de construction du premier réseau, établi entre 1855 et 1925, à la vitesse de 17,1 km par an.
Petite consolation : la métropole lyonnaise dispose de 87,4 km de tramways constuits en 20 ans, soit un rythme moyen de 4,37 km par an.
Après la mise en service de T9 le 10 avril dernier, il y a tout de même plusieurs projets en cours de réalisation :
- T1 de Gennevilliers à Colombes et de Noisy le Sec au Val de Fontenay ;
- T3 de la porte d'Asnières à la porte Dauphine ;
- T10 de La Croix de Berny à Clamart ;
- T12 de Massy-Palaiseau à Evry-Courcouronnes ;
- T13 de Saint Germain en Laye à Saint Cyr l'Ecole.
En phase d'études, citons à présent :
- T1 de Colombes à Rueil-Malmaison ;
- T7 d'Athis-Mons à Juvisy ;
- T8 de Saint Denis à Paris (Rosa Parks) ;
- T10 dans Clamart jusqu'à la gare ;
- T11 d'Epinay sur Seine à Sartrouville et du Bourget à Noisy le Sec ;
- T12 de Massy-Palaiseau à Versailles-Chantiers (sur les voies actuelles de la Grande Ceinture) ;
- T13 de Saint Germain en Laye (Grande Ceinture) à Achères Ville.
La concrétisation de ces sections constitue déjà un programme conséquent, pas toujours simple, surtout pour les trams-trains portés par la SNCF. Mais au-delà ? L'approche des élections régionales devrait être en principe l'occasion de voir fleurir des idées variées... même si pour l'instant, tous les esprits sont focalisés par le Grand Paris Express.
Soyons pragmatiques et raisonnables : si on imaginait un seul nouveau par Département, quel pourrait-il être ?
- Paris : le bouclage du T3 entre le pont du Garigliano et la porte Dauphine, posant inéluctablement la question de l'exploitation avec la perspective d'un schéma en 3 arcs impliquant la création de 2 nouveaux terminus ;
- Seine et Marne : pour l'instant, pas de tramways en vue, mais des BHNS...
- Yvelines et Val d'Oise : probablement la conversion de la ligne 272 Gare d'Argenteuil - Gare de Sartrouville, faisant l'objet d'un projet de BHNS qui apparait sous-dimensionné ;
- Essonne : prolongement de T12 d'Evry-Courcouronnes à la gare de Corbeil-Essonnes ;
- Hauts de Seine : prolongement de T10 de la gare de Clamart à la porte de Saint Cloud par Issy les Moulineaux ;
- Seine Saint Denis : la conversion de la ligne 150 Porte de La Villette - Gare de Pierrefitte-Stains ;
- Val de Marne : assurément la conversion du duo TVM-393 s'imposerait haut la main.
Perspectives matériel roulant pour les tramways
Après la mise en service de T9 le 10 avril dernier, la situation des tramways en Ile de France est la suivante :
- travaux de réseaux pour les extensions de T1 vers Colombes et Noisy le Sec, ainsi que pour T3 entre la porte d'Asnières et la porte Dauphine ;
- la pose des voies a débuté dans l'hiver sur T10 ;
- l'extension de T7 d'Athis-Mons à Juvisy fait toujours l'objet d'études et de procédures administratives ;
- l'extension de T8 de Saint Denis à la gare Rosa Parks est en études ;
- l'extension de T10 dans Clamart va faire l'objet d'une première étude.
Ces opérations appellent à quelques précisions sur la stratégie de gestion du matériel roulant.
La ligne T3b de la porte d’Asnières à la porte Dauphine nécessite 9 rames supplémentaires au gabarit 44 m x 2,65 m. Elles seront obtenues en tirant une dernière fois sur le marché de 2003 prévoyant 70 rames de ce type. 63 sont déjà dans les dépôts et, avec la tolérance de 10% sur le volume initial, il est possible de commander ces rames ce qui assurera l'homogénéité du parc. Pour le tramway des Maréchaux, la question se poserait plutôt pour boucler la boucle... mais la décision est encore loin d'être prise.
Paris - Boulevard Berthier - 7 février 2021 - Un Citadis 402 de la ligne T3 : le marché a été ouvert en 2003 et sera utilisé au maximum de ses possibilités pour couvrir les besoins de la dernière extension en cours vers la porte Dauphine. Pour un bouclage complet, il faudra adapter la stratégie... © transportparis
T7 et T8 sont chacune concernées par une extension, la première à Juvisy, la seconde à Paris, qui ont pour deuxième point commun d'avoir pris un sérieux retard et pour troisième d'avoir fait cause commune sur le matériel roulant avec des rames de 32 m au gabarit 2,40 m : 39 des 60 rames de ce marché ont été commandées. Cependant, la livraison de ces extensions n'aurait guère lieu avant 2025-2030 : le marché ouvert en 2009 sera-t-il toujours disponible à cette date ?
Saint Denis - Rue de la Poterie - 14 janvier 2015 - Concentrer les Citadis du marché de 2009 sur T7 ou T8 permettrait de préserver l'unicité de parc avec les futures extensions... mais que le rythme de développement du tramway en Ile de France est lent ! © transportparis
Dans l'hypothèse où il ne serait plus possible de l'utiliser, le scénario de repli pourrait être le suivant : concentrer les Citadis 302 série 700 et 800 sur une seule ligne et rééquiper la ligne déshabillée par du matériel neuf, éventuellement en utilisant le marché prévu pour T1, portant sur 120 unités au gabarit similaire, dont 37 en tranche ferme pour le renouvellement des TFS.
Gennevilliers - Avenue du Général de Gaulle - 5 novembre 2020 - Qui succédera aux TFS ? Compte tenu des positions extravagantes d'Alstom sur le dossier MI20, l'important marché de 120 rames, pour lequel il est candidat, semble un - modeste - moyen de pression à disposition d'Ile de France Mobilités. CAF est en embuscade. © transportparis
Pour T10, le grand marché prévu en commun avec T9 laisse une bonne marge de manoeuvre pour couvrir le développement de ces lignes sachant qu'à ce stade, il n'y a pas de projet concret pour étendre T9... même si les idées ne manquent pas.
En revanche, on ne voit à ce stade poindre aucun nouveau projet puisque la conversion du TVM n'est qu'une hypothèse dans la modernisation de ce BHNS. C'est peut-être parce qu'il n'y a que l'embarras du choix parmi une bonne centaine de lignes qui mériteraient d'abandonner l'autobus pour un mode de transport plus capacitaire et plus performant...
Moderniser le TVM : le tramway n'est pas exclu
Ile de France Mobilités lance une étude destinée à définir le programme de modernisation de la ligne TVM, qu'on peut considérer comme le premier bus à haut niveau de service français, mis en service en 1993 entre le marché de Rungis et la gare de Saint Maur Créteil, prolongée à La Croix de Berny en 2007. Parmi les sujets à aborder, le fonctionnement de la prorité aux carrefours et l'aménagement des stations du fait de l'important trafic et de l'appui opéré par la ligne 393 entre Thiais et la gare de Créteil Pompadour.
Créteil - Avenue de la Pompadour - 24 mars 2012 - Les aménagements en station du TVM connaissent souvent le même problème que sur T1 : les quais sont étroits et le mobilier encombrant. Sur un axe où le trafic est important, cela ne facilite pas les échanges aux arrêts, même si depuis le cliché, les Agora articulés à 3 portes ont été remplacés par des Citaro qui en comprennent 4. © transportparis
L'hypothèse d'une transformation en tramway n'est pas écartée. Compte tenu de la fréquentation, elle serait amplement justifiée et la réalisation de la ligne 15 du Grand Paris Express ne devrait pas significativement l'impacter. Elle implique de statuer sur le sort de la ligne 393 du fait de leur tronc commun, sachant qu'elle devrait être prolongée depuis Thiais Résistance en direction de l'aéroport d'Orly, via la gare du Pont de Rungis. Il ne pourra être fait abstraction des études sur l'extension à l'est du TVM en direction de Noisy le Grand, dont la réalisation est toujours bloquée par les positions peu favorables aux transports en commun de la municipalité de Saint Maur des Fossés.
Il faudra aussi s'intéresser aux ouvrages franchissant les voies rapides pour vérifier leur compatibilité avec un moyen de transport plus lourd, à l'insertion dans les secteur d'Antony et de Thiais, où les tranchées de l'A86 engendrent un fort effet de coupure, bien évidemment à la traversée du marché d'intérêt national... et la section terminal, qui n'est pas totalement en site propre à l'arrivée à Saint Maur.
Cependant, la construction de la ligne T10 ouvre la voie à quelques opportunités qu'il sera intéressant d'examiner. Dans notre schéma directeur des tramways franciliens, l'ensemble TVM + 393 figurait en bonne position dans la liste des lignes à convertir au tramway.
Choisy le Roi - Avenue Jean Jaurès - 15 janvier 2021 - Tir groupé sur le tronc commun entre le TVM et le 393. La perspective d'une solution en tramway sur cet axe amènera à envisager communément le devenir de ces deux lignes. Cela dit, il est probable qu'une solution par bus bi-articulés figurera en bonne place pour de simples questions budgétaires... au risque de passer à côté d'une véritable opportunité de maillage des tramways T7, T9 et 10 par la conversion du TVM. © transportparis
Néanmoins, il est encore prématuré de tirer des conclusions : il ne faut pas écarter un scénario moins ambitieux qui se limiterait à une amélioration de l'exploitation par bus avec le recours à véhicules bi-articulés, portant la capacité de 110 à 150 places, limitant assez nettement les investissements et sans contrainte sur la ligne 393.
T1 : la DUP jusqu'à Rueil-Malmaison
Cela fait partie des sujets qui passent parfois sous le radar (pan sur le bec !)... mais le Préfet des Hauts de Seine a bien signé en octobre dernier la Déclaration d'Utilité Publique de la section Colombes Quatre Chemins - Rueil-Malmaison de la section Ouest de T1.
Le projet devrait être décomposé en 2 phases, du fait d'une forte adhérence avec les travaux de la ligne 15 du Grand Paris Express à hauteur de la place de la Boule à Nanterre. Aussi, le tramway arrivera d'abord à la mairie de Nanterre avant d'aller à Rueil-Malmaison de sorte à ne pas interférer avec la construction de la station de métro.
L'extension comprend aussi la réalisation d'un nouveau dépôt, puisque les sites actuels du parcours sont soit de capacité insuffisante soit trop éloignés du rayon d'action puisque les rames devraient circuler entre Gennevilliers et Rueil-Malmaison. Le site de Montreuil et celui de Bobigny sont trop loin. Le site de Colombes est saturé par les besoins de T2. Le nouveau dépôt sera situé au pied du RER E, entre la Seine et l'A86, qui devra être franchie par un raccordement de service.
Nanterre - Avenue Joliot-Curie - 26 septembre 2020 - Un grand axe rectiligne : un terrain pas très compliqué pour insérer le tramway. Mais il faudra être patient ! © transportparis
Ce projet reprend essentiellement le tracé du bus 304 et amène à poser quelques questions :
- il y aura certainement maintien de l'offre bus entre la place de La Boule et le terminus de Rueil-Malmaison : la ligne 258 Rueil - La Défense et la ligne 259 Nanterre - Saint Germain en Laye ;
- le tramway est connecté au RER A et à la ligne L à Nanterre Université, mais ne donne accès qu'à la moitié de l'offre du RER A... et évite le RER E ;
- à Rueil-Malmaison, le tramway ne rejoindra pas le RER A, alors qu'il existe un flux conséquent du fait du relatif éloignement de la gare vis-à-vis de la ville.
D'où nos suggestions, dans notre schéma directeur des tramways, pour ce secteur :
- conversion de la ligne 258 au tramway : création d'une section La Défense - La Boule
- création d'une branche La Boule - Gare de Rueil-Malmaison
- création d'une liaison entre la préfecture de Nanterre et le pont de Levallois via le site Préfecture / La Folie, Charlebourg, La Garenne Colombes et Bécon les Bruyères ;
- le tout donnant naissance à une ligne La Défense - Rueil-Malmaison (château) en tronc commun avec le T1 Ouest et une ligne Pont de Levallois - Gare de Rueil-Malmaison en tronc commun sur l'avenue Joliot-Curie à Nanterre.
Ce qui amènerait à reprendre tout le carrefour de la place de La Boule pour intégrer l'ensemble des raccordements nécessaires... la conséquence d'une vision très cloisonnée des dossiers sans plan d'ensemble.
Un usage de la voirie plus efficient : et si on repensait au tramway ?
La Région Ile de France a organisé la semaine dernière sa conférence régionale pour le climat et la présidente de la RATP a fait une intervention des plus intéressantes et des plus pragmatiques sur l'encombrement de l'espace public : « La circulation à Paris est devenue invraisemblable » a-t-elle répété par deux fois. Au-delà de ce constat, Mme Guillouard a appelé à un changement de dimension dans la réflexion. « Il faut qu’on ait, à un moment donné, une vision stratégique de l’utilisation de l’espace dans les villes […] On va devoir avancer sur ces sujets si on ne veut pas avoir des conflits d’usage, une multiplication des incidents et surtout de la non-efficience. » Et on sait très bien que la non-efficience encourage le statu quo... et donc la domination de l'automobile.
Paris - Avenue de Saint Ouen - 23 juillet 2020 - Dans le cas présent, pas sûr que cet aménagement soit tactique... à moins d'assumer la gêne aux transports en commun. Certes, c'était déjà difficile mais il y avait au moins un sens où les autobus avaient une voie réservée. On notera d'ailleurs que même pour les vélos, l'améngement est tout de même mal réalisé, comme le prouve cette bordure de béton posée en travers. © transportparis
L'augmentation de 70% de l'usage du vélo en région parisienne, notamment à Paris et en première couronne, est un chiffre de prime abord impressionnant... mais il faut savoir d'où on part, c'est-à-dire d'assez bas même si le développement de Vélib' avait déjà impulsé le mouvement. Cela dit, la fulgurance du mouvement est pour partie à l'origine de la situation actuelle, qui génère de nombreuses crispations et poussées agressives (le comble pour un mode de transport dit « doux »). Il apparaît plus que jamais nécessaire de penser collectif dans une nouvelle poussée individualiste exacerbée par la crise sanitaire, faisant ressurgir les mêmes comportements que l'on reprochait précédemment aux automobilistes. On peut aussi noter l'amorce d'un mouvement qui commence à mettre en avant les excès et le besoin de cette efficience évoquée par Mme Guillouard. Il est intéressant de lire les réactions à l'article publiée par Olivier Razemon, chroniqueur du Monde, sur son blog L'interconnexion n'est pas assurée à ce sujet : le propos développé semble parfois enjoliver la situation et les commentaires pointent des problèmes de cohabitation, donc la nécessité de changer de dimension et de passer à une vision d'ensemble dans l'organisation de l'espace public. Son titre peut d'ailleurs inquiéter : pas plus qu'à la voiture, la ville ne doit pas s'adapter au vélo... mais à la diversité des besoins et des usages en intégrant quelques fondamentaux : le primat du piéton, des modes de transport propres et économes en espace, la rationalisation de la circulation, la préservation des fonctions économiques indispensables à la vie des quartiers.
La déclaration de la RATP va dans ce sens d'une réflexion la plus large possible, n'oubliant ni les transports en commun, ni les livraisons, bref, qui intègre la vie économique d'une mégapole. On note tout de même des évolutions qui vont plutôt dans le bon sens, mais par saccades pas toujours coordonnées. Par exemple, le couloir pour les autobus de la rue Auber, dans le sens Haussmann - Opéra, a été élargi, ce qui offre un meilleur confort pour les autobus qui peuvent plus commodément dépasser les cyclistes (si ceux-ci roulent en file). En revanche, sur la rue du Havre, la double piste cyclable a pris une voie de circulation et les autobus sont encore un peu plus mêlés à la circulation générale, tandis qu'ils ont déserté la rue d'Amsterdam entre la place de Clichy et la gare Saint Lazare (empruntant dans les 2 sens l'itinéraire par la place de l'Europe).
Paris - Rue Auber - 6 septembre 2020 - Une seule voie de circulation générale sur la rue Auber et le couloir descendant nettement élargi, ce qui permet aux autobus de doubler aisément les cyclistes : c'est mieux. En attendant, le fabricant de ces quilles jaunes est heureux car son chiffre d'affaires doit être lui aussi en forte hausse... © transportparis
La RATP aura aussi probablement quelques dossiers à prendre en charge : s'il est vrai que les conducteurs d'autobus doivent parfois faire preuve d'un calme olympien dans la circulation, la régulation de l'exploitation a bien régressé au cours des dernières années, principalement pour des raisons d'économie. Autre domaine où la régie a un impérieux besoin d'amélioration : l'information des voyageurs, avec un nombre ahurissant d'écrans aux arrêts et dans les véhicules qui sont en panne, non installés ou illisibles (la première génération SIEL).
Mais il faudra probablement aller beaucoup plus loin : il serait déjà intéressant d'indiquer le coût des mesures de cet « urbanisme tactique » car si la Ville de Paris annonce vouloir pérenniser les aménagements réalisés depuis 6 mois, il est évident que cela ne pourra pas rester dans cet état temporaire à coups de peinture jaune, de quilles en plastique fluorescent et de blocs de béton.
Paris - Rue Tronchet - 6 septembre 2020 - Un couloir d'autobus en moins ! la piste cyclable à double sens entre le boulevard Haussmann et la place de la Madeleine a entrainé la disparition du couloir réservé aux autobus dans le sens sud-nord. © transportparis
Il n'est d'ailleurs pas tout à fait normal que ce soit l'opérateur de transports en commun qui, le premier, appelle à un peu de cohérence : cet épisode prouve une nouvelle fois que l'organisation territoriale de l'agglomération parisienne n'est pas efficiente, pour reprendre le terme de la présidente de la RATP, car bien trop morcelée. C'est particulièrement le cas dans le domaine des transports.
Néanmoins, l'enjeu reste de taille : la réduction de la pollution, des nuisances, l'amélioration de la qualité de vie, la notion de densité durable contre la tentation d'un étalement urbain encore plus important qu'aujourd'hui, dont on sait qu'il condamne à un usage plus important de la voiture. Plus que jamais, les transports en commun apparaissent comme un facteur de cohésion et le facteur déclencheur d'une réorganisation de grande ampleur de l'espace public.
Il faudra donc aller au-delà de petites mesures, comme la réorganisation des lignes d'autobus de Paris et de quelques communes limitrophes, qui n'a pas fondementalement changé la perception de l'offre de transport. La rupture peut avoir un nom : le tramway ! C'est autour de nouvelles lignes que pourrait vraiment être réorganisé l'espace public, accordant une place de choix aux transports en commun, les plus à même d'optimiser le ratio espace occupé / voyageur transporté, au profit des piétons, puis des vélos, sans pour autant négliger le besoin d'espaces de circulation et de stationnement commodes pour les entreprises, les commerces et les véhicules d'intervention.
Paris - Boulevard Masséna - 15 décembre 2012 - Le tramway des Maréchaux incarne une autre conception de l'espace public en essayant de concilier les différents usages et les différentes activités. Les transports en commun asseoient leur position centrale mais le vélo n'a pas été oublié avec la réalisation de pistes cyclables, tout en dégageant de vastes trottoirs, une capacité suffisante de la chaussée et un cadre de vie plus agréable que ce qu'il était auparavant. A reproduire non plus seulement sur cette rocade mais aussi dans Paris (et évidemment sur nombre d'axes de petite et moyenne couronne)... © transportparis
On entend déjà les critiques : c'est cher, c'est long à réaliser... mais Paris ne s'est pas faite en un jour, et il faut bien commencer. Or en la matière, mise à part la rocade des Maréchaux, le sujet est au point mort et il a fallu de contenter d'un toilettage du réseau d'autobus en 2019.
Certes, ce n'est pas la réponse universelle mais elle pourrait assurément apporter un peu plus de méthode dans l'évolution de la voirie. Soyons ouverts : comme justement Paris (et surtout son ancien réseau de tramways) ne se (re-)fera pas en un jour, on pourrait peut-être commencer par de vraies lignes de BHNS en site propre ou avec un maximum de voies vraiment réservées, avec des autobus articulés ?
PS : reportage à TF1 20 heures le 27 septembre 2020 à Paris et Toulouse.
Plus c’est long et plus c’est … efficace !
Nous entrons à Paris comme ailleurs en France, dans cette période agitée que l’on nomme « électorale » en vue des prochaines élections municipales. Les candidats y vont de leurs idées et nous entendons de tout. Libre à chacun évidemment d’exprimer son programme, nous sommes en démocratie et c’est le propre de nos pays libres. Mais il nous arrive d’entendre certaines assertions pour le moins curieuses et, soyons-en certains, qui vont à l’encontre de l’intérêt collectif ou, à tout le moins, montrent une forme de méconnaissance qui frise le passéisme borné.
Il y a quelques jours, un des candidats aux élections parisiennes évoquant le sujet des encombrements dans la capitale se piqua de trouver un des fautifs (nous disons bien « un des fautifs », il y en avait d’autres). Attaquant la municipalité actuelle qui ne lui semble pas faire le nécessaire, voilà que ce candidat énonce que les « autobus à soufflet » sont parmi les responsables de ces encombrements ; que lorsque ces autobus qui lui paraissent trop longs, stoppent à un carrefour, ils engendrent des embouteillages et que ce monsieur serait favorable à des autobus plus petits avec plus de fréquence. Cette envolée naïve a eu pour effet une bronca assez sèche de la part des associations d’usagers et des usagers eux-mêmes. Ledit candidat a tenté de se rattraper comme il pouvait en affirmant qu’il ne supprimerait pas les « autobus à soufflet » et qu’il était favorable sur les avenues larges. Mais le mal était fait.
« Autobus à soufflet », image naïve de ce qui est, chacun l’aura compris, l’autobus articulé. Voilà ce malheureux véhicule accusé d’être parmi les fauteurs de trouble de la circulation parisienne. Ce ne serait pas si bête à entendre qu’il nous faudrait en rire tant l’argument est spécieux. Allons, Monsieur le Candidat, serions-nous revenus à la belle époque des années 1965-67 où la Préfecture de Police affolée par l’arrivée d’autobus de onze mètres (SC10 et PCMR) craignait une augmentation des encombrements et imposait de fait la mise en service d’autobus à gabarit réduit de neuf mètres (PGR) qui étaient censés se faufiler dans lesdits encombrements (on n’a jamais compris comment ils se faufilaient du reste) ? Serions-nous revenus en 1928-30 lorsque les journaux acquis aux idées du lobby automobile, hurlaient avec une minorité que les tramways bloquaient les carrefours de leur barrière à roulettes ? Et pour faire bonne figure, Monsieur le Candidat propose de généraliser la voiture électrique partout. Allons-y de bon cœur, la solution est toute trouvée : moins de véhicules thermiques individuels et plus de véhicules individuels électriques ! Mais où les mettre ? Il n’y a pas de réponse. Sans doute, la réduction du nombre « d’autobus à soufflet » sera la solution …
Paris - Boulevard de Port-Royal - 9 février 2014 - Très contestés car parfois perfectibles, les aménagements du site propre de la ligne 91 entre la place du 18 juin 1940 et le quai de la Rapée ont permis aux autobus de s'extraire en partie du trafic automobile. Restent les taxis et les vélos... © transporturbain
Mais enfin, revenons dans le monde présent et bien réel que Monsieur le Candidat ne semble pas connaître. Les transports parisiens traversent actuellement une période passablement mauvaise avec une municipalité qui s’ingénie à complexifier leur exploitation, voire à supprimer des couloirs qui leur étaient réservés. Les réaménagements urbains plus ou moins heureux, loin de réduire la circulation automobile, vont jusqu’à créer des encombrements là où il n’y en avait pas ou plus. De fait, les autobus se retrouvent englués dans ces débordements et la vitesse commerciale en pâtit, les usagers devant prendre leur mal en patience dans des conditions de plus en plus difficiles. Pensons aussi aux machinistes qui y perdent des heures et leur calme.
Sur un parc de près de six milles voitures, le nombre d’autobus articulés représentent à peine 5% de ce parc, nombre nettement insuffisant pour un réseau comme celui de la capitale dont la capacité de transport est trop réduite. Il devrait à tout le moins y avoir un millier de voitures articulées et plus de la moitié des lignes dite « intra muros » devrait en être équipées, ceci en attendant mieux car il sera obligatoire – nous n’en sommes plus à une éventualité – de remplacer les autobus par des tramways sur les dix ou douze grosses lignes de l’intérieur de Paris à commencer par la circulaire intérieure (« Tramway des Gares ») et la grande artère nord-sud le 38.
Ah évidemment, il ne s’agit plus de petits autobus de dix-huit mètres de long mais bien de motrices de quarante mètres ou plus … Eh ! oui Monsieur le Candidat, des véhicules de cette longueur, il y en a partout en Europe et, au risque de vous surprendre, qui passent dans des rues dont vous n’imaginez pas l’étroitesse.
Mais revenons à ce fauteur supposé d’encombrement : « l’autobus à soufflet ». Est-il venu à l’idée de Monsieur le Candidat que lorsqu’un autobus se trouve immobilisé à un endroit ou à un autre, il y a plusieurs raisons possibles ?
- Il est à un arrêt pour charger et décharger les voyageurs et l’autobus est prioritaire ;
- Il est bloqué par un feu de circulation, parfois mal à propos, non régulé sur le feu précédent, obligeant le machiniste à stopper son véhicule au beau milieu d’un carrefour … Encombré par des automobiles individuelles ;
- Il est bloqué … par un encombrement.
Mais quel est cet encombrement ? Une horde de véhicules individuels prenant une place considérable de voirie et envahissant une longueur de chaussée qui, avec un seul autobus articulé serait réduit des deux-tiers car – Eh ! oui, Monsieur le Candidat – « un autobus à soufflet » peut transporter environ cent-vingt personnes et prend de fait moins de place que les automobiles.
Alors quoi ? Devrons-nous entendre encore ces incongruités d’un autre âge qui ont fait les beaux jours du tout-automobile que nous payons très cher aujourd’hui au point d’étouffer notre capitale ? L’auteur ne le pense pas.
Nous aimerions beaucoup, toute étiquette politique mise à part, que nos candidats prennent conscience du retard accumulé et de l’effort nécessaire pour améliorer les transports urbains dans la ville ; de mettre au point un véritable plan de développement d’un réseau de tramways cohérents au sens large ; d’un plan de priorité des transports sur la circulation générale et, par-dessus tout, de cesser de considérer que le transport urbain est un mal nécessaire pour des captifs. Ce discours est suranné et sans fondement. A raisonner au plan individuel au détriment de la collectivité, Monsieur le Candidat va contre l’individu même. Il serait bon que les transports en marche ne sous-entendent pas … A pieds …
Prague - Karmelitská - 30 janvier 2016- Prague est une des plus belles capitales d’Europe ! 30 mètres de long dans les petites rues prestigieuses de la cité, le centre n’est pas asphyxié, loin s’en faut puisque c’est le tramway qui est le principal véhicule. La circulation automobile est maîtrisée au nécessaire. Paris ne serait-elle pas au même niveau que la capitale de la République tchèque ? © Th. Assa
Vienne - Skodagasse - 17 mai 2017 - Vienne, capitale impériale, capitale de l’Autriche. Une des plus visitées du monde à l’égal de Paris. Les motrices modernes longues de près de trente-cinq mètres assurent un service efficace et là aussi dans les petites rues du centre. La circulation automobile est contrôlée afin de ne pas envahir les quartiers historiques à la voirie étroite pour le plus grand confort des habitants dont la qualité de vie est améliorée. Les candidats aux élections municipales parisiennes seraient-ils aveugles pour ne pas savoir que leurs idées sont dépassées ? © Th. Assa
T1 Ouest : enquête publique pour le tronçon Nanterre - Rueil
Jusqu'au 18 octobre, se déroule l'enquête publique relative à la réalisation du tramway entre Colombes Quatre Chemins et le chateau de La Malmaison à Rueil-Malmaison.
Ce sera le dernier maillon de cette grande rocade de 33 km, qui sera exploitée en 3 arcs. Dans les prochaines semaines, la courte section de 900 m du T1 entre Gennevilliers Les Courtilles et Asnières Quatre Routes sera mise en service. Ensuite, elle sera intégrée dans une nouvelle ligne rejoignant T2 au carrefour des Quatre Chemins à Colombes (place Victor Basch). Enfin, le reste du tracé de la ligne 304 sera converti en tramway jusque place de La Boule à Nanterre, et avec une extension jusque dans le centre de Rueil-Malmaison.
Au total, 7,5 km et 15 stations supplémentaires, intégrant des correspondances à Nanterre Université avec la branche Saint Germain en Laye du RER A et la ligne Transilien L (axe Paris - Cergy). Place de La Boule, le tramway sera aussi connecté à la ligne 15 du Grand Paris Express. Le coût prévisionnel est de 380 M€ hors matériel roulant mais en incluant l'atelier de maintenance prévu à Nanterre le long de l'A86.
La mise en service est annoncée en 2027 de Colombes à la mairie de Nanterre et en 2030 jusqu'au château de La Malmaison.
Nanterre Université - 9 décembre 2017 - L'ouvrage franchissant les voies de la gare de Nanterre Université est déjà conçu en prévision de l'arrivée du tramway. Pour l'instant, il est emprunté par des autobus, notamment la ligne 304, principale concernée par ce nouveau maillon de la grande rocade amorcée en 1992. © transportparis
Nanterre - Boulevard des Provinces françaises - 24 février 2019 - Les transformations de Nanterre, autour de la gare de l'université, qui a elle-même changé d'envergue, sont impressionnants. Les Terrasses de l'Arche sont quasiment achevées. © transportparis
Nanterre - Place de la Boule - 24 février 2019 - Si le 304 fait terminus ici, le tramway ira jusqu'au château de La Malmaison. Le corridor de l'ancienne nationale 13 est également en pleine transformation à la limite de Nanterre et de Rueil-Malmaison, où on attend le tram avec une certaine impatience. © trnasportparis
Le projet n'appelle pas de remarque de fond particulière, d'autant qu'il devrait contribuer à donner un caractère plus accueillant aux axes empruntés, aujourd'hui pas très adaptés pour les piétons et les cyclistes. La place de La Boule sera complètement transformée, en même temps que l'arrivée du métro. Les trémies routières y seront néanmoins maintenues contrairement à l'avenue Clémenceau à Rueil-Malmaison où la dénivellation du carrefour sera comblée.
On aimerait en savoir plus sur l'organisation de l'exploitation et notamment sur le terminus de la ligne à l'autre extrémité du parcours : s'il semble évident pour transportparis que les rames feront demi-tour aux Courtilles, ce n'est pas forcément le cas pour tous les riverains.
En revanche, il est dommage de ne pas envisager une courte antenne de moins d'un kilomètre à ce projet, afin de procurer un accès à la gare de Nanterre Préfecture, pour donner une correspondance avec les branches de Cergy et Poissy du RER A, et à Nanterre La Folie pour rejoindre le RER E. Un court tronçon qui serait bien utile en cas d'incident d'exploitation sur le RER A, et un moyen de plus de lisser sa fréquentation en maximisant les combinaisons complémentaires.
Cette antenne pourrait amorcer d'autres réalisations, évoquées dans le schéma directeur des tramways franciliens de transportparis.