T3 : une comparaison avec la ceinture de Budapest
Les lignes 4 et 6 du réseau de tramways de Budapest présentent bien des analogies avec le Tramway des Maréchaux parisiens, d'abord par l'importance du nombre de voyageurs qui les empruntent, mais aussi par leur fonction de rocade quasi-complète autour du centre historique. Aussi, transportparis vous propose une comparaison abordant l'ensemble des dimensions de la conception et et de l'exploitation de ces lignes, même s'il existe évidemment une différence fondamentale : la ligne parisienne est de conception récente, puisque la première section a ouvert fin 2006, alors que la ceinture de Budapest fait partie d'un réseau de conception ancienne, évidemment modernisé.
Paris - Boulevard Kellerman - 2 février 2014 - Contrairement à ce que peuvent penser certains, T3 est non seulement beaucoup plus performant que les autobus qu'il a remplacés (vitesse moyenne de 18 km/h contre 12 km/h) mais, compte tenu de l'importance de son trafic et de certaines particularités d'exploitation, ce résultat est plutôt honorable. Pour faire mieux, on pourrait par exemple supprimer ces feux qui ne protègent que des traversées piétonnes, ou a minima ne les activer que sur commande des piétons, de sorte à fluidifier la circulation - et la vitesse - des tramways entre deux stations. © transportparis
Budapest - Széll-Kálmán-tér - 9 juin 2019 - La performance de l'exploitation tient à de nombreux facteurs, parmi lesquels la capacité des terminus, essentielle sur des lignes à forte fréquence pour assurer une bonne régularité. Si à Újbuda-központ, le terminus sud de la ligne 4, et à Móricz Zsigmond körtér, celui de la ligne 6, la configuration est totalement identique à celle du pont du Garigliano (2 voies avec croisée d'avant-gare), celui de Széll-Kálmán-tér, ici illustré, comprend 2 voies à quai et 3 voies en arrière-gare et gère des arrivées / départs toutes les 120 secondes. © A. Knoerr
Il en ressort que si la ligne parisienne est loin de démériter, ne serait-ce que parce qu'elle égale la vitesse commerciale d'un peu plus de 18 km/h, assez élevée compte tenu du niveau d'affluence, il y a indéniablement matière à progresser encore, en agissant sur différents leviers relevant de certains points d'aménagement et d'amélioration d'équipements et de règles d'exploitation. Le quotidien d'un conducteur parisien apparaît plus difficile, peut-être même parfois frustrant, que celui de son homologue hongrois, en dépit d'une conception moderne en site propre intégral nettement dissocié de la circulation générale, qui pourrait en principe procurer des performances plus élevées.
A Paris, il sera plus difficile d'agir à court terme sur le matériel roulant, mais les doubles portes en extrémité de rames font cruellement défaut, et l'allergie du Citadis aux courbes restent un point faible qui se répercute non seulement sur l'exploitation mais aussi sur la maintenance du matériel et de la voie... ainsi que sur les oreilles des voyageurs et riverains.
Ce nouveau dossier vient donc prolonger celui sur les modalités d'amélioration de l'exploitation des tramways franciliens.
Une étude sur le potentiel des tramways franciliens
Elle était passée sous nos radars mais un lecteur assidu de Tramways & Urban Transit nous a fait parvenir cette information du mois de septembre. Ile-de-France Mobilités a missionné TTK en septembre dernier pour une mission prospective concernant les tramways et trams-trains franciliens. Voici le communiqué sur le site de TTK :
« Face au constat de la forte disparité entre les technologies, spécifications techniques et modalités d’exploitation des différentes lignes de tramway et de tram-train en Île-de-France depuis la réintroduction de ce mode au milieu des années 1990, IDFM souhaite, dans le cadre de la mise en concurrence tramway projetée pour 2030, se doter d’un schéma directeur des infrastructures de tramway.
Plus concrètement, TTK produira un benchmark sur les limites du système tramway en France et dans le monde en termes de fréquence, capacité, franchissement de carrefours, vitesse commerciale, etc. En parallèle, un diagnostic des lignes existantes (et des extensions programmées) est réalisé afin de permettre à IDFM d’avoir un état des lieux précis de la situation actuelle, des points forts et des points faibles de chaque ligne en exploitation.
Dans un second temps, TTK mènera des réflexions afin d’établir des propositions pour l’avenir de chaque ligne, ainsi que sur plusieurs sujets transverses. »
Le propos est assez général, mais il faut comprendre dès l'introduction que l'hétérogénéité technique (longueur, largeur, type de roulement, alimentation, signalisation) a été identifiée comme une contrainte. TTK aura donc d'abord à produire en quelque sorte un audit de l'exploitation des lignes avec des propositions d'amélioration, dont on peut supposer qu'elles porteront principalement sur la régularité et l'adaptation du service à la fréquentation sur celles qui connaissent des problèmes importants de charge (T1, T2, T3 principalement). La suite de la mission est un peu plus ouverte et il n'est pas impossible que TTK propose des évolutions de consistance du réseau, mais le coeur de la mission portera bien sur la fiabilisation du service et les modalités techniques d'organisation des marchés relatifs à l'exploitation des lignes après appel d'offres.
Nos différents dossiers sur les tramways franciliens trouvent donc un écho, qu'il s'agisse de notre proposition de schéma directeur de développement du réseau ou de notre étude sur l'amélioration de l'exploitation. Une saine lecture pendant les fêtes !
TVM, 393 et T1 : des améliorations en vue
Dans les nouveautés du dernier conseil d'Ile de France Mobilités, la modernisation du système de priorité aux carrefours sur les lignes TVM et 393 entre la porte de Thiais et Créteil-Pompadour sera engagée, avec une liaison radio, pour un montant de 400 000 €. Si nécessaire soit-elle, cette décision marquerait-t-elle l'ouverture d'une période d'actions sur les lignes en site propre d'Ile de France, et en particulier sur les tramways ? Sur l'ensemble des lignes ferrées, des réglages de carrefours sont nécessaires pour améliorer l'exploitation de lignes à fort trafic. Nous l'évoquons régulièrement à transportparis (notre dernier article sur le sujet et sur la dernière extension), convaincus du faible coût de ces paramétrages et de leur impact significatif sur le service (respect de l'intervalle, capacité)... mais avec un doute sur la capacité à fédérer l'ensemble des gestionnaires de voirie (ah le millefeuille administratif) autout de telles actions. Après tout, cela ne fait que 7 ans que ce sujet est sur la table.
Sur la ligne T1, démarre enfin le programme de réaménagement de 19 stations entre Saint Denis et Bobigny, c'est à dire la totalité sauf celle de La Courneuve 8 mai 1945, déjà traitée. Il s'agit à la fois de réaménager les quais pour dégager un maximum d'espace et préparer l'arrivée du matériel qui succédera aux TFS. Ces travaux seront réalisés par tranches successives, en maintenant l'exploitation mais en fermant les stations en travaux, avec report des voyageurs sur les stations encadrantes.
Le fonctionnement des carrefours sera-t-il amélioré pour procurer la priorité aux tramways sur cette ligne à l'occasion de ses 30 ans en 2022 ? Serions-nous idéalistes ?
Ceci dit, un récent trajet sur T7 nous a plutôt agréablement surpris avec un fonctionnement presque optimal : une lueur d'espoir ?
T1 à Asnières : encore des feux mal réglés (quelle surprise !)
900 m de prolongement, 5 carrefours... et toujours la même misère quant à la prise en compte des tramways pour leur franchissement. La courte extension de T1 mise en service le 16 octobre dernier n'échappe pas à la triste règle francilienne qui veut que l'exploitation soit chaotique en n'accordant pas une priorité absolu et systématique aux transports en commun, surtout quand ils sont en site propre. Démonstration en images.
Asnières - Avenue de la Redoute - 8 novembre 2019 - Tramway en approche même pas détecté (losange orange), vert pour la circulation automobile, et on aperçoit même une rame en sens inverse qui, elle va franchir le carrefour. Ce n'est pas de l'exploitation de transports en commun, c'est le cabaret de l'absurde ! © transportparis
Même jour, même endroit quelques minutes plus tard : notez que le signal visible (sens Asnières - Noisy le Sec) est ouvert pour le tram, mais avec l'annonce de sa prochaine fermeture... alors que pourtant, le carrefour avait été mis au rouge pour la rame de sens contraire vers Asnières. La rame 116 va donc devoir patienter ! © transportparis
Et ça continue, encore et encore... © transportparis
Ouvrez, ouvrez le feu du tramway... Choisissez entre Francis Cabrel et Pierre Perret ! © transportparis
Tramways parisiens : succès inégal et exploitation souvent chaotique
L'AUT Ile de France dresse le bilan de l'exploitation des lignes de tramways en Ile de France, intégrant les premiers mois d'exploitation du T11. La situation est très contrastée avec 3 lignes dans une situation très critique du point de vue de la saturation. Du côté de la production, toutes les lignes de la RATP atteignent l'objectif d'au moins 97% de réalisation. La situation de T4, entre l'incendie du poste d'un poste d'aiguillage et les travaux à rallonge de l'antenne de Montfermeil, est difficilement mesurable... mais on sait que le taux de suppression y est élevé, entre mouvements sociaux et problèmes sur le matériel.
Il ressort notamment une vitesse commerciale insuffisante, liée à la forte charge des rames et à une exploitation chaotique du fait d'un médiocre fonctionnement de la priorité aux carrefours... voire de l'absence pure et simple d'une telle facilité élémentaire de circulation (cas de T1).
Pour la lgne T7, dont la fréquentation reste très faible, ce résultat confirme la nécessité d'achever la ligne avec l'extension d'Athis-Mons à Juvisy qui procurera une correspondance efficace pour accéder aux zones d'emplois autour de l'aéroport d'Orly depuis les territoires desservis par les RER C et RER D. Le décollage de T8 semble également lié à son extension de Saint Denis à la gare Rosa Parks pour rejoindre le RER B (à La Plaine Stade de France), le métro 12 (station Front Populaire) et le RER E (à Rosa Parks donc). A l'inverse, pour la ligne T2, la situation devrait amener à accélérer les études pour revoir l'exploitation de la ligne en 2 arcs superposés.
Conclusion : la première des mesures, et on en parle à transportparis depuis plus de 6 ans, serait d'accélérer les tramways pour les rendre évidemment plus rapides donc plus attractifs. Une vitesse accrue limiterait les comportements erratiques tels que traverser la voie devant une rame à l'approche. Ainsi, il faut supprimer la limitation de vitesse à 30 km/h sur les carrefours en voie libre ainsi que l'entrée à 25 km/h en station. Il faut également éliminer les feux ne protégeant que des passages piétons car ils ont une forte propension à ralentir les rames, voir à leur imposer un arrêt complet en entrée de station (quand cette configuration absurde se présente). De même, les automobilistes et cyclistes seront peut-être un peu plus prudents en constatant la vitesse accrue des tramways : de notre expérience de rails trotters sur plusieurs réseaux européens, c'est indubitable ! Plus les tramways roulent vite, plus les autres usagers de la voirie font attention.
Paray Vieille Poste - Rue Hélène Boucher - 25 juin 2016 - Sur la ligne T7, le trafic reste très maigre car lié à la section nord dans la continuité du métro. La fréquentation dans la zone d'Orly-Rungis semble tributaire du prolongement à Juvisy pour faciliter l'accès à ces emplois depuis le sud de l'Essonnes via les deux lignes de RER. Mais il va falloir être patient... © E. Fouvreaux
Surtout, il faut reprendre de façon générale l'ensemble de la gestion des carrefours pour assurer une priorité systématique et absolue, ce qui passe par une reprogrammation qui devra intégrer une prise en compte un peu plus anticipée des rames pour leur éviter de multiples ralentissements voire arrêts complets sur des carrefours pas encore ouverts. Evidemment, il faudra imposer - quitte à bousculer des principes déconnectés de l'exploitation - l'ouverture systématique des signaux dans les deux sens dès la première détection, pour que 2 rames approchant d'un même carrefour puissent passer dans la même séquence.
Paris - Boulevard Berthier - 24 novembre 2018 - Exemple de mauvaise conception de la signalisation aux carrefours : alors que cette rame franchit une intersection, le signal en sens opposé n'est pas ouvert. Le vert gratuit ne coûte rien et fluidifie considérablement la circulation des tramways sans impacter le temps d'occupation du carrefour pour la circulation automobile. © transportparis
De son côté, la RATP devra revoir certaines vitesses, en particulier sur T1 (le passage à 10 km/h sous l'A86 à Villeneuve la Garenne), T7 et T8 (où l'on peut compter 3 informations différentes en 50 mètres).
Villetaneuse - Avenue de la République - 8 juillet 2018 - Trois indications de vitesse différentes en 30 mètres : une situation ridicule, peu valorisante pour les conducteurs, et une ligne T8 qui se traine à 16 km/h de moyenne. Le bénéfice par rapport à l'autobus est maigre : un investissement élévé dont on ne tire pas assez partie par la lenteur des rames, ce qui se répercute sur les coûts d'exploitation payés par Ile de France Mobilités. © transportparis
Pourquoi une telle insistance de notre part ? Tout simplement parce qu'un plan permettant d'augmenter sur 3 ans la vitesse commerciale des tramways de 30% procurerait non seulement une meilleure qualité de service à un coût moindre pour Ile de France Mobilités : moins de rames pour assurer le même service et une réduction susbtantielle de la consommation d'énergie par un allongement des périodes de marche sur l'erre.
Bref, il nous semble que dans son rôle de garant de l'efficacité de l'euro dépensé, Ile de France Mobilités devrait demander un audit sur l'exploitation des tramways dans l'objectif d'améliorer rapidement leur fonctionnement à moindre coût...
A lire également, notre schéma directeur des tramways parisiens.