Financement des transports franciliens : le sujet de 2023 ?
Une conférence organisée à la Région, un débat télévisé sur France 3 Ile-de-France : la semaine a été dominée par l'interrogation sur le financement des transports en commun franciliens, quasiment un mois après l'augmentation sévère des tarifs devant l'impasse budgétaire actuelle, et la perspective, qui se rapproche malgré les décalages successifs du calendrier de mise en service des grands projets, notamment le Grand Paris Express. C'est assurément le sujet majeur de la gouvernance des transports franciliens.
Du côté des recettes
Actuellement, le coût annuel d'exploitation de l'ensemble des services de transports en commun franciliens est de 10,8 MM€. Les recettes d'Ile-de-Frances Mobilités proviennent d'abord du Versement Mobilités, puis des usagers et enfin des collectivités locales.
Cependant, à très court terme, le besoin de financement va augmenter de près de 40 % pour atteindre 14,1 MM€ en 2026. Lors du dernier accord Etat - Région sur le Grand Paris Express, le gouvernement a pris des engagements pour définir de nouvelles modalités de financement afin de couvrir les charges imputables à l'autorité organisatrice. Il ne s'est rien passé. Pire, avec la crise sanitaire, l'Etat a consenti un prêt, dont le remboursement a débuté, pour couvrir le manque à gagner, puisque malgré l'effondrement de la fréquentation, les charges sont restées élevées (il fallait toujours payer le personnel et entretenir le matériel et les infrastructures).
Dans ce contexte, il n'y a d'autres solutions qu'une remise à plat du financement des transports franciliens. C'est une étape nécessaire, mais pas suffisante.
On commencera par rappeler une fois de plus que la décision ô combien politique du Navigo à tarif unique a fortement réduit les recettes, d'environ 500 M€ par an. Plusieurs pistes ont été évoquées pour augmenter les recettes : une taxation sur les plus-values immobilières autour des gares du Grand Paris Express, sur la publicité en faveur de certains véhicules (les SUV par exemple), sur les livraisons de commandes par Internet et naturellement sur l'usage de la voiture. Au cours de la conférence, il semble qu'une taxe sur le commerce en ligne a rencontré un certain succès, mais le lien est plutôt indirect entre ces modalités d'achat et les transports en commun. Evidemment, il a été question de péage urbain, mais l'hypothèse d'une vignette (comme en Suisse pour l'emprunt des autoroutes) a été considérée plus simple et plus facile à mettre en oeuvre.
Néanmoins, dans un cas comme dans l'autre, la mesure pourrait raviver le mécontentement social, notamment en grande couronne, où l'offre de services publics est moindre et les besoins plus foisonnants donc plus difficiles à couvrir. Tout au plus pourrait-on suggérer une modulation du tarif d'une éventuelle vignette, fonction de la consistance des services... en s'appuyant par exemple sur les zones de tarification du Navigo, avec un système cette fois-ci dégressif ?
Montereau - 8 décembre 2018 - Pour être plus attractif, le service en grande couronne a été renforcé à partir de 2008, ce qui représente un coût élevé par rapport à un nombre de voyageurs restant bien inférieur à celui de la zone dense de l'agglomération, qui dispose d'un maillage plus important, mais qui reste lui aussi insuffisant. Le choix d'un tarif unique pour toute la Région reste une décision politique de court terme qui a bridé les capacité de l'autorité organisatrice à amplifier ses efforts. © transportparis
Noisy-le-Sec - 4 avril 2012 - Le financement de l'exploitation du RER E prolongé à Nanterre puis à Mantes semble aujourd'hui à l'abri des difficultés actuelles. L'approche égalitaire sur la tarification, au lieu d'une démarche fondée sur les différences sociologiques des utilisateurs du réseau, a abouti à quelques contresens. Le développement de liaisons de rocade, à commencer par la ligne 15, imposera inéluctablement une remise à plat de l'organisation tarifaire. Une contribution supplémentaire des voyageurs, avec une approche fine des différentes catégories d'utilisateurs, n'est pas illogique, mais elle doit être aussi assortie d'une trajectoire d'amélioration du service. © transportparis
Il a été évidemment question d'une réduction de la TVA de 10 à 5,5 % sur les transports publics. On sait à quel point tout ministère des Finances de quelque couleur politique que ce soit y est irrémédiablement hostile. Et pourtant, si on devait renforcer le lien entre fiscalité et impact environnemental, la mesure serait forcément légitime.
Et les coûts de production ?
Cependant, il ne faudrait pas être hémiplégique dans cette réflexion et se contenter d'agir sur les recettes pour résorber le déficit. L'action sur les charges est tout autant indispensable, ce qui amène à examiner les modalités d'amélioration de la productivité de l'euro dépensé. Avant même d'envisager les effets de l'ouverture à la concurrence, c'est-à-dire principalement la possibilité de choisir son exploitant plutôt que de composer avec un monopole de droit, il y a un élement encore plus important puisqu'il concernera tout opérateur indépendamment de la façon dont il est désigné. L'amélioration des conditions d'exploitation est essentielle. S'il est un domaine où les actions sont les moins difficiles à mettre en oeuvre, du moins en principe, c'est bien celui-ci. Un maître-mot : la vitesse commerciale.
Plus elle augmente, moins il faut de moyens pour produire un service. A l'inverse, si elle chute, soit il faut des moyens - donc des coûts - supplémentaires, soit il faut diminuer le service. C'est plutôt ce qui se passe, en particulier sur les réseaux de bus. Rien que dans Paris, en 15 ans, alors que la Ville de Paris met en avant une réduction du trafic sur son territoire, la vitesse commerciale des bus a chuté de 30 %. La situation est un peu différente en grande couronne mais il existe assurément un réservoir de performance pour rendre plus efficaces à tous points de vue les services d'autobus.
Paris - Rue de Rivoli - 11 février 2022 - Cyclistes qui rient, autobus qui pleurent. Situation courante sur cette artère, et pourtant, tous les véhicules présent dans l'unique voie de circulation ont bien le droit d'y être : utilitaires d'entreprises de travaux, livraisons, taxis, VTC et autobus. Il faut désormais compter une bonne vingtaine de minutes pour que les autobus de la ligne 72 effectuent le trajet Hôtel de Ville - Concorde. Les conséquences de cette congestion se propagent jusqu'à Saint-Cloud. © transportparis
Melun - Place Saint-Jean - 24 février 2018 - En grande couronne, les flux de déplacements sont beaucoup plus diffus et nécessitent un développement sans cesse croissant des lignes d'autobus et d'autocars. La lisibilité et l'efficacité de ces services sont encore largement perfectibles mais il faut des moyens ! © transportparis
Le Vésinet - Route de Montesson - 22 septembre 2019 - L'amélioration de la circulation des autobus ne passe pas nécessairement uniquement par des voies réservées, où elles ne sont pas toujours possibles ni justifiées : en revanche, la gestion des carrefours est un levier intéressant mais qui nécessite une coordination des gestionnaires de voirie (communes, intercommunalités, Départements). © transportparis
L'amélioration de l'exploitation des réseaux de bus est un levier activable à court terme, mais suppose un accord politique, redorant le blason quelque peu abimé des transports en commun, afin de leur procurer des facilités de circulation : voies réservées (vraiment), priorité aux carrefours, mais aussi simplification des itinéraires, rationalisation du nombre d'arrêts, aménagement des véhicules... Un peu plus complexe, et de moindre portée par le nombre limité de lignes, il faut aussi agir sur l'exploitation des tramways, comme le suggère ce dossier de transportparis.
Saint-Denis - Porte de Paris - 11 novembre 2022 - L'exploitation des tramways recèle d'importants réservoirs de performance permettant de faire plus d'offre sans forcément dépenser beaucoup mais il va falloir convaincre la Préfecture de Région, un opérateur souvent très frileux et des usagers de la voirie au comportement parfois dangereux. © transportparis
Quant au métro, au RER et aux lignes Transilien, les marges de manoeuvre sont plus difficiles car les conditions d'exploitation sont différentes avec un lien fort entre l'infrastructure et l'exploitation.
Entreprises, usagers, collectivités : quelles contributions ?
Sans surprise, les entreprises sont assez réticentes à voir le Versement Mobilités augmenter. Néanmoins, elles ont tout intérêt à participer au financement d'un bon service de transports en commun puisque c'est aussi le moyen de maîtriser leurs dépenses : que représente le coût des parkings pour les salariés ? Du côté des collectivités, la modulation est rendue difficile par l'encadrement sans cesse plus sévère de leurs dépenses par l'Etat, mais on pourrait considérer qu'elles peuvent aussi agir pour limiter les dépenses puisqu'elles sont généralement en charge de la voirie.
Enfin, l'usager : en proportion, leur participation tend à diminuer dans nombre de villes, et l'Ile-de-France n'échappe pas à ce constat. Mais on a bien vu que l'augmentation des tarifs est une mesure impopulaire dans le contexte actuel, entre inflation et crise de production du service. La comparaison avec Lyon est intéressante en dépit de la différence de taille du bassin de vie et d'organisation de la gestion des réseaux : les recettes voyageurs représentent la moitié des recettes du SYTRAL, par une politique d'augmentation régulière de la grille tarifaire et sa modulation selon les revenus des voyageurs. Il est donc probable qu'un aggiornamiento tarifaire devra s'imposer, probablement assez rapidement quand sera mise en service la ligne 15 du Grand Paris Express... et quand l'offre aura non seulement retrouvé son niveau nominal mais aura aussi gagné en qualité. Vaste programme !
Tarification plafonnée pour les tickets... mais après ?
Nouvelle évolution dans la tarification des transports franciliens. Désormais, quel que soit le parcours, le prix du billet à l'unité n'excèdera pas 5 €, ou 40 € pour un carnet de 10 tickets. Cette mesure ne concerne évidemment que les voyageurs n'ayant pas d'abonnement Navigo hebdomadaire, mensuel ou annuel (qui sont à tarif unique).
Elle vise évidemment les trajets de grande couronne et uniquement pour les longs parcours, notamment vers Paris : la réduction peut approcher les 50% puisque certains trajets origine-destination pouvaient jusqu'à présent coûter plus de 10 € pour un aller-simple.
Ile de France Mobilités espère par ce biais regagner encore des voyageurs, enregistrant encore entre 20 et 25% d'écart de fréquentation par rapport à 2019. La mesure est présentée sous l'angle d'une plus grande justice sociale... dont on cherche tout de même la consistance étant donné que le passage de l'abonnement mensuel au tarif unique constituait déjà un avantage considérable pour les habitants de grande couronne, qui, loin de là, ne sont pas que des ménages à faibles revenus (du moins pas nécessairement plus que dans le centre de la métropole).
Nanteuil-Saâcy - 20 avril 2011 - Après le Navigo à tarif unique, qui coûte environ 500 M€ par an à l'autorité organisatrice, le plafonnement du prix des tickets vient encore concerner les habitants de grande couronne mais la mesure vise essentiellement les déplacements de longue distance. Quel sera le coût pour la collectivité de cette mesure et son efficacité réelle ? © transportparis
Cette mesure prend même le contrepied des signaux d'alerte sur le financement à terme de l'exploitation des transports en commun franciliens et notamment devant le milliard d'euros annuel lié à la mise en service du Grand Paris Express. Le rapport de la Cour des Comptes présenté mi-février ne fait que confirmer cette inquiétude persistante depuis l'émergence du projet, et qui demeure encore aujourd'hui sans réponse. La poussière va toujours sur le tapis dont la bosse est de plus en plus prononcée. La situation est rendue plus critique avec le prêt remboursable consenti par l'Etat pour gérer le manque de recettes durant la crise sanitaire de 2020-2021.
Parmi les pistes avancées : une hausse de la contribution des collectivités locales, des entreprises et des voyageurs, dans des proportions restant à déterminer, voire l'affectation d'une part de la fiscalité sur les caburants, et pourquoi pas une vignette obligatoire pour les automobilistes franciliens. Un lissage des investissements est également préconisé, mais on peine à voir comment il pourrait être mis en oeuvre : l'AUT Ile de France rappelle que la faible utilité collective des lignes 17 et 18 serait une source d'économies, mais il y aura quand même des dépenses frustratoires compte tenu des coups partis.
En revanche, le rapport apparaît à rebours de l'histoire en préconisant une réduction durable de l'offre, qui ne ferait que profiter aux modes de transport individuels et par conséquent pour large partie à l'usage de l'automobile. Il faut au contraire développer les dessertes et on pourra sérieusement reprocher à la Cour des Comptes de ne pas mettre en exergue d'abord le besoin d'améliorer la productivité de l'exploitation, en particulier sur les réseaux de surface avec un plan d'augmentation de la vitesse commerciale : aménagements de voirie favorables aux bus, priorité aux carrefours, rationalisation des itinéraires, réexamen du nombre et de la position des arrêts...
Une écotaxe francilienne
Un rapport établi par 9 parlementaires franciliens propose la mise en oeuvre d'une écotaxe sur le trafic des poids lourds en Ile de France. De prime abord, un sujet polémique, probablement condamné à rester sagement dans un placard, car entre la campagne des élections régionales de juin et l'imminence des débuts de la campagne de l'élection présidentielle, il y a trop de mauvais souvenirs (en rouge d'abord et en jaune ensuite) pour s'y plonger tête baissée. Elle serait d'une part destinée à réduire les flux de transit par l'Ile de France et d'autre part à procurer des ressources afin d'investir sur la modernisation des réseaux ferroviaires et routiers. Il n'est pas inutile en effet de prendre en considération objectivement les besoins des voies rapides d'Ile de France, dont beaucoup sont dans un état dégradé.
Cette proposition est assortie d'un rappel quant à l'utilisation des autoroutes franciliennes pour développer des services d'autocars express, notamment en grande couronne, au besoin en aménageant ces axes pour faciliter leur circulation à la traversée des secteurs régulièrement encombrés (comme récemment réalisé sur la RN118 du côté de Vélizy). Cependant, elle suppose des aménagements parfois conséquents pour créer des arrêts intermédiaires dans des conditions correctes : un simple arrêt de bus sur une autoroute n'entre pas dans ce champ et il faudrait plutôt s'inspirer de la gare réalisée sur l'A10 à Briis sous Forges.
Autre suggestion de ces élus... mais attention, tenez-vous au pinceau, on enlève l'escabeau : la réduction des tarifs des titres de transport pour les habitants de la grande couronne. Mais n'ont-ils pas été les premiers bénéficiaires du Navigo au tarif unique, ce qui n'est pas sans poser quelques questions (outre l'équité sociale) quant aux capacités de financement d'amélioration des services, en particulier en grande couronne ?
La question du coût à la charge des voyageurs va probablement être l'un des sujets de la prochaine campagne des élections régionales (et les transports en général vont certainement occuper une place de choix) mais alors qu'il y a tant d'inconnues (et plus encore depuis un an) sur les capacités de financement tant des projets que des services, est-il raisonnable d'en faire la pierre angulaire d'une politique des transports ?
Ceci dit, ces élus franciliens ne sont pas seuls, car une partie de leurs collègues alsaciens expriment le même souhait pour des raisons assez similaires. Seront-ils entendus ? Les précédents incitent à la plus grande prudence... et sur le fond, la régionalisation de l'écotaxe n'est pas forcément une mesure simple : faudra-t-il une vignette par Région ?
De nouveaux Navigo pour éliminer progressivement les tickets
Dans le domaine tarifaire, le conseil d’administration d’Ile de France Mobilités du 11 juillet dernier a amorcé la concrétisation de l’objectif de disparition du ticket classique au format Edmonson, délivré à 550 millions d’exemplaires par an. Deux nouveaux produits vont apparaître en 2019 et pourront être ensuite reportés sur smartphones.
Le Navigo Liberté+, sur le support d’une carte Navigo, est présenté comme le premier pas vers une tarification à l’usage réel. Dans un premier temps, son champ d’application est délimité au périmètre actuel du ticket T+ : les trajets en bus, en tramway, en métro et au RER dans Paris. Il sera donc possible de faire des correspondances qui nécessitent aujourd’hui un second ticket (correspondance bus-métro par exemple). Ile de France Mobilités prévoit ensuite de généraliser cette variante de tarification à l’usage et non plus au forfait.
Le Navigo Easy vise la clientèle occasionnelle. Egalement sur carte Navigo, il sera possible d’y charger des tickets à l’unité, en carnet, les titres spéciaux Roissybus, Orlybus, des forfaits journaliers, des forfaits Jeune… Cette piste est un peu moins claire car on ne voit pas bien la différence avec le Navigo Découverte actuel dans son principe, même si les modalités sont plus larges en intégrant les actuels tarifs sur support papier.
Le Navigo passe à 75,20 €
Nouvelle augmentation du pass Navigo qui passe le 1er août prochain à 75,20 € pour le tarif toutes zones, soit une hausse de 5,20 € en 2 ans. Le principe du tarif unique est maintenu mais son niveau évolue tous les ans, au-delà de l'inflation. L'année dernière, il s'agissait pour la présidente du STIF et de la Région de sauver le principe. Cette fois-ci, c'est pour financer le plan de renouvellement du matériel roulant et les programmes d'amélioration de la régularité.
Les réactions politiques ne se sont pas fait attendre. Dans la majorité régionale, c'est un soutien en insistant sur le fait que la tarification en Ile de France reste - et de très loin - la moins chère des grandes capitales européennes. Dans l'opposition, le discours est évidemment différent : pour les uns, c'est le prélude à un tarif unique à 85 €, valeur qui a souvent été présentée officieusement par le STIF comme le point d'équilibre budgétaire ; pour les autres, la mesure est d'autant plus inexplicable que 176 M€ de crédits d'investissements n'ont pas été consommés en 2016.
Enfin, l'annonce d'une hausse des tarifs, alors que le mercure dépasse les 35 degrés en Ile de France avec une alerte pollution, ne manque pas de piquant...
Navigo : la sortie de crise ?
A compter du premier août, le pass Navigo augmentera de 3 €. La Région a obtenu de l'Etat un accord sur les modalités de financement du tarif unique qui avait défrayé la chronique et enflammé les débats (jusque dans nos colonnes). Ainsi, les entreprises seront aussi mises à contribution avec une hausse du Versement Transport, et surtout une harmonisation des taux entre les Départements. L'Etat octroie à la Région une part supplémentaire de la TICPE, mettant donc les usagers des transports routiers à contribution par le biais de cette taxe sur les produits énergétiques.
Fin de la crise ? Au moins pour un an...
Navigo à 70€ : l'impasse ?
Mesure politique, démagogique et économiquement fragile, le tarif unique du Navigo à 70 € ne trouvait sa justification que dans l'accord électoral entre socialistes et écologiques lors des élections régionales de 2010. Mise en application au dernier moment" la première année de la mesure ne permet pas de conclure favorablement puisqu'il n'y a pas eu véritablement de report modal, tout au plus des modifications d'achat d'usagers passant du carnet de tickets à l'abonnement. Fort heureusement d'ailleurs car le réseau est bien incapable d'encaisser une hausse du trafic surtout sur les liaisons de grande banlieue cadencées à la demi-heure.
Pour 2016, ce n'est que grâce à une série de bricolages budgétaires que l'Etat a pu honorer ses engagements vis à vis de la Région mais à ce jour, rien ne dit que l'Etat transfèrera de nouvelles recettes à la Région pour compenser une partie des 360 M€ de déficit annuel généré par le Navigo à 70 €.
En organisant une table ronde sur le devenir de cette tarification lundi dernier, le STIF a clairement mis sur la table la fragilité de la politique tarifaire actuelle. Si Valérie Pécresse n'avait pas souhaité la remettre en cause durant sa campagne (pour maximiser les chances de remporter la Région), la voici acculée à prendre position : et clairement, faute de pouvoir restaurer l'ancien système zonal, l'augmentation tarifaire risque d'être indigeste si de nouvelles ressources ne sont pas affectées de façon pérenne : hors de question pour le STIF de rogner sur les investissements.
Quant aux effets d'une lutte renforcée contre la fraude, le point d'accord avec la RATP et la SNCF semble être assez éloigné des objectifs annoncés pendant la campagne électorale. L'équation budgétaire devient bel et bien un exercice de haute voltige...
La fin du ticket de métro ?
C'est par cette formule très résumée, que nous reprenons, que nombre de journaux ont traduit les déclarations de Valérie Pécresse sur la dématérialisation des titres de transport. Il s'agit de simplifier la gestion des Navigo en adossant chaque abonnement sur un compte client permettant de suspendre, renouveler, modifier son abonnement depuis un Smartphone, mais aussi de faire de cet objet devenu "incontournable" la clé d'entrée aux réseaux de transport en remplaçant le pass Navigo. Pour ceux qui ne sont pas équipés, les cartes bancaires devraient pouvoir devenir le support d'un porte-monnaie transport électronique, qui serait le préliminaire à la généralisation d'un autre dispositif auquel le STIF pense depuis plusieurs années : le paiement différé sur la base non plus d'un système forfaitaire mais d'un ajustement du tarif appliqué en fonction de la consommation réelle dans le temps, par exemple entre un carnet de 10 tickets et un abonnement hebdomadaire. Le souhait de la Région est également de faire du Navigo dématérialisé, le Smart Navigo selon l'appellation du moment, le moyen de paiement d'Autolib, Vélib, de plateformes de covoiturage et pourquoi pas des taxis et aux parkings
Autre enjeu, la gestion de données et la communication en temps réel de la situation du trafic ou encore la proposition d'itinéraires différenciés selon les conditions de circulation issues de calculs prédictifs. S'appuyant sur des expérimentations scandinaves, le STIF souhaiterait faire de vianavigo un outil de référence pour la recherche d"itinéraires et surtout l'ajustement du parcours selon l'heure et l'état du trafic. L'objectif est évidemment par ce biais d'inciter une partie des déplacements à évoluer dans leur positionnement horaire ou leur itinéraire de sorte à gérer les flux par rapport aux capacités disponibles.
Un tel programme est évalué à 400 M€ étalés sur 6 ans, mais reste conditionné à l'accord avec l'Etat quant au dispositif de financement du Navigo à 70 €, faute de quoi ces équilibres seraient remis en cause.
Une écotaxe pour financer le Navigo ?
C'était une intention de la candidate Valérie Pécresse. Cela devient un projet : alors que l'Etat s'est engagé uniquement sur l'année 2016, le STIF va devoir trouver des ressources pérennes pour financer le déficit de 500 M€ par an causé par l'adoption du Navigo au tarif unique. La présidente du Conseil Régional suggère donc d'utiliser les portiques installés pour la défunte écotaxe afin de générer des recettes supplementaires. La taxation ne concernerait que les véhicules en transit, ce qui sera probablement le plus difficile à évaluer, l'immatriculation d'un poids lourd ne pouvant être un critère suffisant (souvenons-nous des flottes de voitures de société ou de location immatriculées dans la Marne où la vignette était la moins chère de France...).
De quoi probablement animer les débats sur le plan national, l'Etat ayant cédé aux lobbies de toutes parts dans cette affaire ; peut-être le dernier levier à activer avant l'augmentation brutale du Navigo... Ou avant de geler des projets pour dégager plus de financements régionaux pour l'exploitation des services...
Heureusement, le démontage des portiques est plus lent que l'abandon de l'écotaxe !
Financement complexe pour le Navigo à 70 €
500 M€ par an en année pleine : c'est le coût du Navigo à tarif unique mis en place par la précédente majorité régionale. Une mesure hautement discutable car essentiellement politique, sinon politicienne, et éloignée des réalités techniques et économiques : "L'intendance suivra" selon la formule consacrée. Sauf que l'intendance avait bien du mal à suivre.
La nouvelle majorité régionale n'a pas souhaité remettre en cause le tarif unique, une orientation assurément trop risquée. Il fallait donc trouver les modalités de financer le déficit généré par une mesure non réfléchie. Le Conseil du STIF du 17 février a donc validé les orientations :
- suppression de la gratuité pour les étrangers en situation irrégulière : 120 000 bénéficiaires et 40 à 50 M€ en année pleine
- augmentation du Versement Transport : 200 M€
- politique de lutte contre la fraude : 150 M€
- neutralisation d'un contentieux fiscal avec la RATP : 100 M€
Bref, le STIF espère des rentrées fiscales soumises à arbitrage parlementaire et une rentrée de recettes par une sévérité accrue des contrôles, alors que le taux de recouvrement des amendes reste très faible, ainsi que l'a récemment souligné la Cour des Comptes. Mieux, le STIF met à contribution un de ses opérateurs pour financer une mesure tarifaire imposée à ce dernier. Assez ubuesque et surtout absolument pas pérenne. Le STIF s'appuie sur un engagement du Premier Ministre pour espérer disposer de ressources pérennes en 2017 afin de financer les 500 M€ annuels liés au tarif unique, avec un transfert de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).
Pour le coup, les propositions de la CGT apparaissent un peu plus sensées : retour d'une TVA à 5,5% sur les transports publics et écotaxe sur le trafic poids lourds en Ile de France.