RER B : un audit avant les remèdes ?
Dans la première décennie de ce siècle, le RER A était sous les feux de la rampe, car son exploitation pâtissait d'un trafic en hausse continue. Le renouvellement du matériel roulant avec l'arrivée des MI09, la mise en place du pilotage automatique sur SACEM dans le tronçon central, l'évolution du plan de transport et un relatif tassement de la fréquentation du fait d'une dose accrue de télétravail parmi une partie des voyageurs et une incitation au décalage des horaires de travail ont quand même porté leurs fruits.
C'est plus difficile sur le RER B, où les effets de l'opération RER B Nord+ ont été pour le moins limités : si la ponctualité avait finalement réussi à atteindre 90 % , le bénéfice fut de courte durée et l'année 2022 s'est terminée avec un résultat plafonnant autour de 85 %.
La fréquentation de la ligne continue d'augmenter et tangente véritablement le million de voyageurs quotidiens, mais avec au mieux 20 trains par heure et par sens, d'une capacité de 1680 places. Les MI79 ont largement passé le seuil des 40 ans. Les MI84, à peine plus jeunes, sont d'autant plus défraîchis que leur rénovation n'en finit pas de prendre du retard : les rames sortent au compte-gouttes et il devient difficile d'esquisser une hypothèse sur la fin de ce processus dont il faudra bien un jour admettre qu'il a été engagé beaucoup trop tardivement, plus encore que pour les MI79. En attendant, il est toujours possible de voyager dans l'ambiance du milieu des années 1980 sur des sièges usés jusqu'à la corde...
Bourg-la-Reine - 16 février 2023 - Les années passent et la livrée tricolore du RER fait de la résistance du fait de l'extrême lenteur du programme de rénovation - structurellement bien trop tardif - des MI84. Cette situation participe à l'image très dégradé de la ligne B, dont la capacité est de moins en moins adapté à l'augmentation du trafic. © transportparis
Il faut aussi ajouter à ce rapide et sombre portrait que les travaux sur la section nord donnent l'impression de ne jamais se terminer, comme en attestent les affiches collées sur les fenêtres des portes du matériel (et dont la lisibilité reste somme toute relative), et de ne pas avoir beaucoup d'effets au quotidien sur la fiabilité du service.
Un audit, un de plus serait-on tenté de dire, près de 10 ans après celui sur l'exploitation francilienne : c'est la demande d'Ile-de-France Mobillités adressée à un ancien directeur général de la RATP (Yves Ramette) et à deux ingénieries ferroviaires (Rail Concept et Setec). L'objectif est de trouver des solutions pour redresser la situation et gagner un point de régularité par an et revenir à 90 % en 2027.
Dans ce contexte, évidemment, il faudra miser sur la fiabilité et l'amélioration des échanges de voyageurs en station avec le nouveau matériel MI20, mais il ne pourra à lui seul être le remède miracle. Le déploiement de NExTEO concentre bien des attentions : le projet semble remis sur les rails après la sortie de piste infligée par l'ancien président de SNCF Réseau... avant que lui-même ne soit expédié sur une voie de garage. Néanmoins, il reste encore à confirmer la capacité réelle atteignable : il faudrait au moins garantir les 32 trains existants et si possible viser 36 trains. Rappelons quand même que le schéma de signalisation entre Châtelet - Les Halles et Gare du Nord autorise un retour à voie libre en un peu plus de 85 secondes soit une capacité théorique de 40 trains. Sur ce cas précis, le triptyque NExTEO - RERng (pour le RER D) - MI20 (pour le RER B) sera donc essentiel... mais non suffisant.
Il faudra probablement réexaminer certains principes d'exploitaiton, notamment sur cette section : la spécialisation des voies à Gare du Nord est une mesure dont la rigidité peut faire question dès lors que 2 trains du RER B passent entre chaque train du RER D (20 d'un côté, 12 de l'autre). Réceptionner des trains du RER B sur la voie affectée au RER D pourrait éviter d'arrêter un train dans le tunnel : l'arrêt en pleine voie n'est-il pas une mesure à bannir par principe en zone (hyper-)dense ?
Le RER B est tout particulièrement sensible aux malaises voyageurs, dont les sources sont probablement multiples et pas uniquement le fait de la charge importante des trains, et aux bagages oubliés... mais surtout à la méthode de traitement de ces situations.
RER D : notre dossier actualisé
Suite des mises à jour nécessaires des dossiers de transportparis : c'est au tour du RER D ! Toujours la proie d'une exploitation tendue malgré des évolutions significatives dans la conception de la desserte, la diagonale nord - sud-est fonde désormais ses espoirs techniques sur le duo RERng + NExTEO... dont l'échéance semble contrariée par le report des échéances de livraison des rames et le niveau de performance du système d'exploitation. La ligne a été en grande partie restructurée, mais les effets annoncés ne transparaissent pas des statistiques générales, tant parce qu'elles ont du mal à produire leurs effets, ou qu'ils sont contrariés par des phénomènes extérieurs difficilement imputables à l'exploitant.
Vigneux sur Seine - 28 juin 2019 - Le RER D, toujours aussi souvent dans la chronique des difficultés quotidiennes dans les transports franciliens, en dépit d'une série d'actions pour essayer de redresser la barre. Le repositionnement sur la zone dense ne suffit pas et il faudra une nouvelle série d'investissements mais aussi de nouvelles transformations dans la façon d'exploiter cette ligne. © transportparis
Cette actualisation est aussi l'occasion d'aborder l'un des sujets les plus récurrents des transports franciliens, à savoir la suppression du tronc commun avec le RER B.
L'alternat existe Gare du Nord...
... Je l'ai rencontré !
Trois fois de suite en une semaine : la période estivale serait-elle propice aux expériences ?
Premier cas
Surstationnement d'un RER B à Châtelet les Halles suite à l'utilisation du signal d'alarme. Le train concerné est à destination de Mitry-Claye, suivie d'une mission terminus Gare du Nord. Plutôt que de lui imposer un stationnement dans la rampe Saint Michel - Les Halles, ce train a été dévié sur la voie 4, habituellement utilisée par le RER D. Bonne initiative du régulateur, puisque le besoin prioritaire était de faire descendre des voyageurs de ce train venant du sud : ceux à destination du nord pouvaient embarquer à bord de la mission Mitry surstationnant. Premier bon point !
Deuxième cas
Deux RER D arrivant à au bloc à Gare du Nord, suite à quelques aléas dans le nord parisien. Puisque le premier RER B se situe à 5 minutes, le régulateur utilise judicieusement la voie 42, habituellement affectée au RER B, pour y recevoir le premier RER D, évitant ainsi de ralentir le second. Outre cette bonne mesure, le conducteur du premier RER D bénéficiant de la voie libre a pu filer à bonne allure dans le tunnel vers Châtelet les Halles. Deuxième bon point !
Troisième cas
Illustration en image : 3 RER B annoncés sur la voie 44, habituellement affectée au RER D, alors que le trafic semble s'écouler de façon presque normale sur les 2 lignes.
3 trains sur les 6 à venir en 20 minutes du RER B sur la voie 44. Etonnant... © J.J. Socrate
Difficile d'avoir les deux écrans sur le même cliché, mais on notera quand même que la succession des 4 premiers trains B-D-D-B en 16 minutes est asez régulière... Cependant, les 3 dernières missions devront probablement être réarbitrées car le KFOS et le ZACO risquent de se gêner au moment où a été prise cette photo.
NExTEO sur RER B et D : doit mieux faire !
788,1 M€ aux conditions économiques actuelles, 907 M€ à horizon de mise en service complète : c'est le coût annoncé pour le déploiement de NExTEO, le système de pilotage automatique et de régulation du trafic, sur les RER B et RER D. Et il y a de quoi tousser un peu... même s'il faut noter que ce coût intègre le renouvellement des postes d'aiguillage qu'il aurait de toute façon fallu traiter.
Certes, le bilan économique serait largement positif, par deux méthodes différentes d'évaluation, celles d'Ile de France Mobilités et celles de l'Etat. Certes, le gain de capacité sera de 20% sur le tronçon Châtelet - Gare du Nord commun aux deux lignes, et même de 45% sur la zone équipée du RER D. Certes, le gain de régularité devrait osciller autour de 4 points sur les deux lignes.
Mais les études d'avant-projet aboutissent à un résultat assez sidérant : NExTEO n'arriverait pas à assurer le plan de transport nominal des deux lignes, soit 20 trains par heure et par sens sur le RER B et 12 trains sur le RER D, sur la section commune Châtelet - Gare du Nord. Pourtant, il est bien indiqué un gain de capacité de 20% dans le paragaphe précédent...
Aujourd'hui, l'exploitation arrive à engager en moyenne 29 trains par sens à l'heure de pointe, soit 3 trains de perdus par heure. Demain avec NExTEO, 2 trains de plus seraient absorbées.
Or, il faut le rappeler et insister fortement sur ce point, le cantonnement actuel du tunnel commun a été conçu pour un intervalle de 85 secondes compatibles avec 40 trains par heure et par sens. Alors comment peut-on en arriver là, avec une régulation du trafic plus poussée encore, l'automatisation du pilotage des trains entre les gares, l'amélioration des performances procurées par l'arrivée de nouveaux matériels roulants, notamment sur le RER D où les Z2N sont en retrait des MI79 ?
Châtelet les Halles vers Gare du Nord - quai du RER B - 26 mai 2019 - Beaucoup de choses sur le quai, alors décomposons : d'abord le miroir qui permet au conducteur de surveiller directement les échanges de voyageurs. Quand le bordure blanche réapparaît, c'est le moment d'activer la sonnerie de fermeture des portes. Un équipement très Métro. Ensuite, le signal de sortie de station qui présente ici Voie Libre. A l'extrême gauche les écrans de rétrovision, qui complètent la visibilité du train procurée par le miroir. Flanqué à droite du premier écran, un triangle bleu clignotant. Il indique au conducteur le moment pour engager la séquence de fermeture des portes, de sorte à pouvoir démarrer sur Avertissement (signal au jaune) tout en le rassurant sur le fait qu'il aura Voie Libre au signal suivant, à la convergence avec la voie du RER D. Mais comme vous pouvez le constater sur cette photo, le conducteur a attendu d'avoir le signal à Voie Libre pour partir. Et après on s'étonne que le tunnel ne débite pas assez... © transportparis
Pourtant, le périmètre de déploiement est plus large qu'on ne l'aurait pensé initialement :
- 2026 : Saint Denis / La Plaine - Villeneuve Saint Georges
- 2027 : Châtelet - Bourg la Reine
- 2028 : branche de Robinson + La Plaine - Sevran Beaudottes / Sevran-Livry
- 2029 : Bourg la Reine - Saint Rémy les Chevreuse
Ainsi, seules les deux branches au nord du RER B ne seront pas équipées. L'intégralité du périmètre RATP sera couvert, conséquence du besoin de rénover les équipements de signalisation datant de la conversion de la ligne de Sceaux au RER.
Il faut espérer que la suite des études aboutira à de meilleures conclusions, faute de quoi l'incapacité de NExTEO au très haut débit ferroviaire plombera son avenir et donnera du grain à moudre aux partisans d'un nouvel itinéraire pour le RER D, dont le coût serait au moins deux fois plus élevé et l'horizon potentiel de réalisation considérablement éloigné.
La transformation de l'exploitation doit encore franchir un nouveau palier...
Châtelet - Gare du Nord : un automatisme plutôt qu'un tunnel
Interrogé dans Villes, Rail et Transports, Stéphane Beaudet, le vice-président aux transports de la Région indique que les études sur un nouveau tunnel entre Châtelet et Gare du Nord, séparant les flux des RER B et D, doivent être abandonnées, au profit de l'automatisation des tronçons centraux de ces deux lignes.
Jusqu'à présent, RATP et SNCF étudiaient leurs solutions pour leurs propres réseaux, mais étant donné le partage de ce même tunnel, la Région a demandé aux deux opérateurs de cesser cette divergence et de plancher ensemble sur un seul et même système d'exploitation pour ces deux lignes. Une évidence qui n'allait pas forcément de soi quand on connaît les différences culturelles abyssales entre les deux protagonistes du transport ferroviaire en Ile de France.
La RATP utilise SACEM sur le RER A depuis 1989, mais l'outil commence sérieusement à dater sur le plan technologique et son renouvellement ne manquera pas d'être engagé dans la décennie 2020. De son côté, la SNCF met en avant NExTEO, première application en France de la technologie CBTC sur une ligne ferroviaire.
Pour la Région, un objectif de 36 trains par heure serait déjà un progrès considérable. Or il convient tout de même de rappeler que le découpage de la signalisation latérale existante est en principe compatible avec 40 trains par heure et par sens. Par conséquent, l'objectif de l'automatisation sera assurément d'aboutir à une capacité réelle de 40 trains, ce qui, compte tenu des 5 voies à quai à Châtelet Les Halles et des 4 voies de la gare du Nord, semble possible d'autant plus que la vitesse du tunnel plafonne à 90 km/h.
La mise en place d'une conduite automatisée suppose d'abord de définir le bon périmètre d'implantation : Châtelet - Gare du Nord ne l'est pas et il conviendrait d'intégrer au périmètre d'action du CBTC les bifurcations d'Aulnay sous Bois et de Bourg la Reine sur la ligne B et assurément celle de Villeneuve Saint Georges sur la ligne D. Au nord de celle-ci, il semble envisageable de limiter le champ d'action à Saint Denis, de sorte à avoir une capacité d'action en amont de la gare du Nord.
Par rapport à NExTEO, tel que prévu sur EOLE, il faudrait intégrer un outil de gestion des temps de stationnement allant jusqu'à déclencher automatiquement la séquence de fermeture des portes, que le conducteur pourrait, en cas de besoin, annuler. De la sorte, la maîtrise des temps d'arrêt en gare serait améliorée. Mais cela suppose préalablement d'avoir éliminé les Z2N du RER D, car non seulement y installer un pilotage automatique y serait bien trop onéreux (non prévu dans une conception aujourd'hui trentenaire) mais il ne résoudrait en rien le problème d'insuffisance du nombre de portes. RERng sur la ligne D et "MIng" sur la ligne B formeront un couple autrement plus efficace.
Il faudra aussi abolir la spécialisation des voies entre les deux lignes en gare du Nord et rétablir un véritable alternat pour fluidifier l'exploitation du tunnel, et mettre d'accord les deux opérateurs sur les principes d'exploitation de ces deux lignes, ce qui ne sera pas le moindre des défis pour atteindre l'objectif !
En attendant ces "lendemains qui chantent ", un meilleur usage de l'IVAD, le voyant bleu en tête de quai indiquant au conducteur l'instant optimal pour débuter la séquence de fermeture des portes, pourrait mettre un peu d'huile dans les rouages. Cela suppose une sensibilisation accrue des conducteurs et un suivi plus fin des comportements... ce qui risque rapidement de se transformer en "ingénierie sociale". Mais une amélioration de la régularité est à ce prix...