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transportparis - Le webmagazine des transports parisiens

Une infrastructure et une exploitation modernes en zone dense

Plus les investissements tardent à être mis en œuvre, plus la marche à franchir sera haute. Or il est indéniable que le réseau ferroviaire francilien n'a pas suivi l'augmentation de la pression de l'augmentation du trafic et ses effets sur les nécessités du service. La modernisation relève donc d’un défi touchant l’ensemble des éléments du système ferroviaire.

Alimentation électrique, signalisation

Prenons pour l’exemple l’alimentation électrique. Depuis l’achèvement de l’opération Paris – Le Havre en 1967, les installations n’ont pas évolué sur la banlieue Saint Lazare. Et pourtant : élimination de la traction autonome (vapeur puis thermique) sur la grande banlieue et la ligne de Cherbourg, ré-électrification de la petite banlieue 750 V (groupes II, III et IV), augmentation du nombre de trains et de leur puissance, révision des schémas de desserte avec une augmentation du nombre d’arrêts… mais aucune amélioration des installations électriques. C’est finalement le projet EOLE qui porte l’investissement sur une partie du secteur (alimenté par les sous-stations de Nanterre et de Mantes). Le renforcement de la sous-station d’Asnières, qui nourrit toute la sortie de Saint Lazare, accumule les décennies de retard.

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Asnières - 7 janvier 2022 - Illustration de ces jeunes générations plus performantes que leurs aînées, mais aussi plus gourmandes : Omneo Premium pour la Normandie, Francilien pour l'Ile de France composent avec une alimentation électrique inchangée depuis la pose de la caténaire... © transportparis

L’un des enjeux de cette modernisation conduit à distinguer en Ile de France le « cœur du réseau » de ses ramifications en grande couronne et à moduler le niveau de performance en fonction de la criticité de la section par rapport à l’efficacité globale du système.

Haut débit et pilotage - partiellement - automatique

En tête d’affiche, les nouveaux systèmes de signalisation, pour augmenter le débit sans réduire à l’excès la vitesse des trains, adapter en temps réel la marche des trains et réduire l’hétérogénéité des comportements de conduite. Il s'agit donc d'introduire des automatismes dans le mouvement des trains. Si la technologie n'est pas nouvelle pour les métros, ceux-ci fonctionnent en système fermé, ce qui n'est qu'une exception, souvent ponctuelle, pour les chemins de fer de banlieue. La réduction de l'intervalle entre les trains amène donc à envisager d'automatiser le mouvement.

Le prolongement du RER E est à l'émergence du projet NExTEO, devant pouvoir assurer un intervalle minimal de 108 secondes entre les trains avec une vitesse maximale de 120 km/h. En comparaison, SACEM, sur le RER A, autorise un espacement de 120 secondes à 100 km/h, ce qui est déjà remarquable pour une technologie développée dans la décennie 1980. Si ces deux équipements sont évidemment très différents, ils reposent sur deux principes communs :

  • ils sont cantonnés à des sections dédiées aux dessertes de zone dense, schématiquement des troncs communs, sans interférence avec d'autres desserte ferroviaires : le plein effet de ces systèmes n'est évidemment possible que si tous les trains utilisant ces sections en sont équipés ;
  • le conducteur est le garant suprême de la sécurité du mouvement et il est responsable de la gestion des échanges de voyageurs et de l'ordre de départ du train.

Pour le couple RER BRER D, NExTEO a été retenu et devra a minima pouvoir assurer une capacité de 32 trains par heure et par sens à 90 km/h. Pour aller plus loin sur ce projet, consultez le dossier de transportparis qui lui est consacré.

Pour les autres lignes, celles où la mixité de circulation est la règle, la solution technique est ERTMS, au moins en niveau 2, et sur lequel peut être introduite une fonction de pilotage automatique fonctionnant selon des principes voisins, mais sans l'avantage du canton mobile déformable, du moins tant que le niveau 3 n'est pas au point...

De quoi se débarrasser du KVB (qui a coûté environ 15% de capacité au réseau) et de la fameuse VISA (Vitesse Sécuritaire en Approche), prévoyant d’être à 30 km/h au plus tard à 200 m d’un signal à l’avertissement, sympathiques facteurs de non-performance.

Mais une signalisation à haut débit appelle non seulement des matériels performants et donc une alimentation électrique à la hauteur (on y revient). Si l’enjeu premier est évidemment la performance au démarrage, ne pas oublier celle du freinage, et notamment la capacité de récupération. Elle est paradoxalement d’autant plus forte que l’alimentation est moyenne : plus la tension est proche des 25 kV, moins le réseau sera capable d’encaisser une forte capacité de récupération. Cruel dilemme !

Améliorer les échanges voyageurs

L'affaire des hauteurs de quais a été surtout perçue au travers du prisme de l'accessibilité pour les personnes à mobilité réduite, mais il convient de le dépasser : la cohérence entre hauteurs de quais et hauteurs des plateformes du matériel roulant concourt à la rapidité des échanges, donc à la durée des stationnements en gare... donc in fine au débit.

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Saint Denis - 11 janvier 2022 - L'imposant chantier de transformation de la gare de Saint Denis intègre le rehaussement des quais pour l'accessibilité et la rapidité des échanges, mais aussi l'amélioration des cheminements dans la gare et vers les autobus et les tramways. © transportparis

C'est un critère, mais pas le seul : l'aménagement des gares peut contribuer à améliorer l'exploitation. A défaut de pouvoir multiplier les entrées et sorties (ce que l'exploitant ne semble pas trop apprécier pour des questions de lutte contre la fraude et de sécurisation des espaces), l'incitation à répartir les voyageurs sur l'ensemble de la longueur du quai fait appel à plusieurs leviers. Historiquement, la couverture des quais a été mise en oeuvre dès les années 1920 et constitue une valeur sûre encore aujourd'hui : il y a une dimension psychologique, qui va au-delà de s'épargner une douche en attendant le train lorsqu'il pleut. Ensuite, différents canaux d'information peuvent inciter les voyageurs à ne pas s'agglutiner sur une petite zone.

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Antony Croix de Berny - 15 août 2014 - Lors de la modernisation de la ligne de Sceaux dans les années 1930, la création d'abris sur les quais avait été généreusement dimensionnée pour inciter les voyageurs à se répartir. Ce fut à l'époque une nouveauté appréciée. © transportparis

L'installation de façades de quai est régulièrement au menu des discussions pour améliorer la régularité. Elle suppose d'abord un parc strictement homogène du point de vue du nombre, de la largeur et de la répartition des portes, même si des systèmes plus flexibles ont été expérimenté après observation notamment au Japon... mais pour l'instant sans suites en France. On l'a vu dans le métro, ces dispositifs ont un effet très efficace évidemment pour éviter la chute de voyageurs et les intrusions malveillantes. Elles agissent aussi sur la stabilité des temps de stationnement. Cependant, on le voit avec le RER A, l'homogénéisation du parc n'est pas un argument suffisant : les portes sont plus proches les unes des autres dans le métro et surtout, il y est plus facile de se reporter vers une porte voisine en cas de dysfonctionnement. C'est beaucoup moins évident avec du matériel à deux niveaux.

La centralisation du commandement

L’Ile de France est le lieu où convergent les cultures du transport urbain et du chemin de fer classique. Historiquement, les « trains de banlieue » ont été longtemps gérés sans distinction du trafic Grandes Lignes et marchandises, le mouvement étant géré par le passage d’un poste de signalisation à un autre. En revanche, sur le métro, système fermé, le réseau a toujours été centralisé, chaque ligne formant un système indépendant. Dans les années 1960, la création du PCC est allé encore plus loin en créant une supervision générale des lignes communes à l’ensemble du réseau. Elle a été naturellement déclinée sur le RER avec les postes de commandes centralisés de Vincennes et de Denfert-Rochereau.

Le « grand chemin de fer » se met aussi à la page, mais avec des rayons d’action bien plus vastes et en gérant un trafic plus diffus, hormis sur quelques lignes en mono-activité. Cependant, le programme « Commande Centralisée du Réseau » initié par RFF et poursuivi par SNCF Réseau se heurte à l’orthodoxie financière de l’Etat et une logique géographique qui ne fait pas nécessairement la distinction entre les spécificités des flux à moyen et long parcours d’une part et des dessertes franciliennes d’autre part. Exemple, le RER D à terme serait suivi par le poste de Vigneux (sur le réseau Sud-Est) et celui de Saint Denis (sur le réseau Nord), avec entre les deux le passage en zone RATP géré par Denfert-Rochereau). Il semble toutefois question de créer un poste de commandement unifié pour le RER B, le RER D, la ligne K (Paris – Crépy en Valois) et la ligne R (grande banlieue sud-est). En revanche, Pantin aura la main sur tout le RER E d’ouest en est, y compris sur les flux Paris – Normandie. C’est un cas pour l’instant unique.

Cependant, la centralisation ferroviaire restera encore partielle car toutes les composantes ne seront pas encore réunies : c’est le cas d’un élément aussi central que l’alimentation électrique, qui ne sera pas systématiquement regroupée sur le même site… comme à la RATP.

Capacité pour le trafic, capacité pour les travaux

La construction horaire ne peut pas tout. Le retard accumulé en matière d’investissement de renouvellement et de modernisation est une cause évidemment déterminante dans la situation du réseau francilien. Il provoque logiquement un programme considérable de travaux, sur lequel se surimposent les projets de développement de nouvelles lignes ferroviaires ou urbaines (EOLE, tangentielles et Grand Paris Express essentiellement).

C’est un dilemme : comment réaliser les travaux alors que les créneaux d’intervention sont limités à la période 0h30 – 5h30 ? Déjà, depuis les années 2000, les fermetures à 21 heures ou 22h30 sont devenues plus fréquentes sinon systématiques pour allonger la plage de travaux effectifs de 3h30 à 6 heures, compte tenu des séquences de préparation et de restitution du chantier.

Pour certains projets, il a fallu aller plus loin : les franciliens connaissent déjà Castor sur le RER C, ils ont connu les interceptions de grande ampleur pour l’opération RER B Nord +, le renouvellement du tronçon central du RER A entre 2015 et 2021, les chantiers EOLE, et la longue liste de chantiers sur le réseau Nord, impactant une nouvelle fois le RER B, également concerné par plusieurs projets sur sa section sud.

Il y a donc un fort enjeu de gestion de la transition entre la situation de départ, pas forcément efficace, et la situation finale après investissement, sachant que l’interception de longue durée de l’infrastructure, solution de facilité, est de fait impossible : on peut être d’ailleurs étonné de voir qu’on a finalement pu arrêter pendant 4 semaines – certes l’été – tout ou partie du tronçon central du RER A. Ce ne fut pas une partie de plaisir, mais quand même…

Ces grands travaux doivent en principe améliorer la situation : ce n’est pas toujours le cas. On prendra pour parfait contre-exemple la modernisation du poste de signalisation de la gare de Lyon qui, en passant de la technologie mécanique des années 1930 à l’informatique contemporaine, ne permet plus de gérer un mouvement toutes les 3 minutes, mais seulement toutes les 4 minutes. Conséquence : la ligne R, remarquablement cadencée au quart d’heure sur le tronc commun Paris – Moret en 2008, a été considérablement dégradée, avec des intervalles jouant à l’accordéon, oscillant entre 7 et 19 minutes, et par conséquent une hétérogénéité dans la charge des trains, outre évidemment un service beaucoup moins lisible.

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Moret Veneux les Sablons - 31 mai 2020 - Quand la modernisation d'un poste de signalisation dégrade la qualité de la grille horaire en heure de pointeavec des effets en cascade sur la charge des trains et la régularité... La ligne R a gagné un matériel neuf mais a perdu en rigueur. © transportparis

Maintenance, supervision

La robustesse de l’infrastructure passe aussi par l’usage de techniques nouvelles plus rapides et plus efficaces pour surveiller les installations (télédétection, surveillance par des trains commerciaux) mais aussi pour opérer les grands travaux. Le domaine est vaste et les outils présentés dans les grands salons, comme Innotrans, sont une source majeure d’amélioration de la gestion courante de l’infrastructure et de l’organisation des chantiers par des engins haute performance, afin de maximiser les réalisations dans des fenêtres de travail de durée limitée. Par exemple, la grue Kirow pour la pose d’appareils de voie pré-montés, réduisant le délai de poste, ou le wagon Robel intégrant les outils d’entretien et permettant un travail sur la voie à l’abri, en sécurité et avec une meilleure ergonomie. Des outils utilisés parfois de longue date par d’autres opérateurs… même hors zone dense.

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La Garenne Colombes - 23 juin 2018 - Un réseau dense est aussi un réseau dont les besoins de maintenance et de renouvellement sont importants car plus fréquents. Illustration ici avec un renouvellement de voie sur le groupe III. © transportparis

Chapitre 4 : l'information des voyageurs au service de la robustesse

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