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transportparis - Le webmagazine des transports parisiens

Translohr / tramway : l'analyse économique

Les coûts d’investissement

A 3,4 M€ pour 127 places, les STE3 de la ligne T5 constituent les rames les plus onéreuses jamais construites, puisque le ratio de coût à la place atteint 28333 €. Les STE6 de la ligne T6 sont elles vendues 5,4 M€ pour 252 places, soit 21428 € par place. En comparaison, les derniers marchés de tramway en Ile de France ont permis de passer en dessous du seuil de 10000 € la place, valeur atteinte également par plusieurs marchés européens.

Les coûts de construction de la plateforme sont peu dépendants du nombre de rails posés : les travaux sont strictement identiques quant à la déviation des réseaux, la réorganisation des voiries et le coulage de la dalle de béton sur laquelle circulera le système de transport.

Du côté des équipements de transport, il faut signaler que le roulement sur pneumatique se traduit par un besoin en énergie plus important, du fait d’une surface d’adhérence nettement supérieure à celle du roulement ferroviaire. Le sujet est déjà connu sur les lignes de métro.

Au-delà, les choix d’aménagement sont assez peu différents de ceux d’un tramway classique, hormis les nécessités du roulement sur pneumatiques. Les coûts liés au réaménagement de la voirie sont donc assez similaires quel que soit le système de transport. Il est par ailleurs faux d’affirmer que le tramway sur pneus est structurellement moins cher à construire qu’un tramway classique étant donné les résultats obtenus par certains projets : on  peut citer les 14,5 M€ au km du T3 lyonnais, ou les 15 M€ de la première ligne du Mans et de Besançon. Il faut aussi préciser que les coûts liés au système de transport ne représente en général que le tiers du coût kilométrique, le reste étant à porter sur les lignes de réaménagement urbain ou de modification des réseaux souterrains.

Cet écart non significatif a d’ailleurs été démontré en 2005 par SYSTRA dans une étude réalisée pour la Communauté Urbaine de Bordeaux, étudiant les différents systèmes de transport pour l’évolution de son réseau de TCSP.

En comparaison, à iso-capacité, un trolleybus articulé de 18 m de long, offrant lui aussi environ 120 places, ne coûte qu'entre 700 000 €  et 1 M€ selon le véhicule et le niveau d'équipement, contre 3,4 M€ pour le STE3.

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Salzburg - Burgerspitalg - 16 mai 2015 - Electrique, sur pneus, d'une capacité de 120 places, avec un système parfaitement interopérable : quitte à faire du routier, le trolleybus aurait été une bonne solution à la place de T5... à moindre coût. Il aurait quand même probablement fallu des véhicules bi-articulés de 150 places. © transportparis

Les coûts d’exploitation

Dans un premier temps, il faut mettre en lumière l’inconvénient de la plus faible capacité du matériel, qui doit être compensée par une offre plus importante pour atteindre le débit horaire recherché. Ainsi, pour T6, l’objectif des 3600 places par heure et par sens nécessite 15 passages par heure avec le STE6, contre 12 avec des tramways. L’écart de 3 services par heure se répercute sur les coûts d’investissement (dimensionnement du parc) et d’exploitation (nombre de rames et d’agents en ligne), ainsi que sur la consommation d’énergie, amplifiant la surconsommation liée au roulement sur pneus.

Cette offre supplémentaire réduit la « réserve » avant saturation du système de transport : dit autrement, le tramway plus capacitaire est plus évolutif que le Translohr qui démarre plus proche de son taux de saturation.

Le dimensionnement plus important du parc de matériel roulant, amplifiant encore l’écart de coût d’investissement : en tramway classique, la ligne n’aurait nécessité que 22 rames à 3,1 M€ contre 28 en STE6 à 5,4 M€, soit un écart de 75,6 M€ sur ce seul poste de dépenses.

Du point de vue de la maintenance, la technique du Translohr impose une maintenance plus fréquente et plus onéreuse : SYSTRA et le Commissariat Général à l’Environnement et au Développement Durable se sont penchés sur les écarts avec le tramway classique. Le premier a évalué à 123 000 € le coût de maintenance du kilomètre d’infrastructures de Translohr et à 1,50 € / véhicule-km celui du matériel roulant, alors que le CGEDD chiffre à environ 0,90 € celui des tramways circulant en France.

En supposant une durée de vie de 40 ans, identique à celle d’un tramway, le surcoût de maintenance serait de 50 M€ pour la seule ligne T6. L’effet de la moindre capacité sur cette même ligne, en termes de kilomètres parcourus, atteint 80 M€ sur 40 ans.

Le cumul investissement + exploitation + maintenance aboutirait selon notre analyse à un surcoût sur 40 ans de 205 M€ inhérent au choix du Translohr sur T6. En ajoutant les 61 M€ sur le seul poste des investissements en exploitant T5 par de simples trolleybus articulés en site propre, on peut déjà mesurer l’ampleur du gaspillage qui résulte du choix de ce système de transport pour ces deux lignes.

L’économie liée à l’exploitation de T5 par trolleybus devrait pouvoir atteindre 30 M€ sur 40 ans, du fait du caractère très réduit des infrastructures propres au transport (lignes aériennes et sous-stations). Ajoutés aux 61 M€ potentiellement économisées sur le matériel, l’addition de l’ensemble des économies sur ces deux projets approche les 300 M€, sans dégrader la qualité de l’offre de transport et en assurant les objectifs assignés aux deux projets.

Reste enfin que le CGEDD doute de la possibilité des Translohr à atteindre les 40 ans et mise plutôt sur une durée réelle de vie de 20 à 25 ans, comme pour les trolleybus et que l’expérience de Caen qui a décidé de remplacer son tramway sur pneus TVR par un véritable tramway seulement 10 ans après sa mise en service devrait faire réfléchir. En suivant cette préconisation, l’économie suscitée sur T5 et T6 approcherait les 600 M€, l’équivalent du coût de la section Porte d’Ivry – Porte de La Chapelle du T3 parisien… qui n'était déjà pas donné !

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Hérouville - 27 juillet 2019 - De l'ancien TVR de Caen, il reste quelques vestiges comme l'ancien terminus Saint Clair... mais pour combien de temps ? © transportparis

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