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transportparis - Le webmagazine des transports parisiens

T1 : une exploitation tendue

Le fort trafic n'explique pas tout, le matériel roulant non plus !

Premier tramway moderne d'Ile de France, T1 a en quelque sorte servi de laboratoire. Pas vraiment sur le matériel, déjà connu et éprouvé, mais plutôt sur la dimension commerciale et, de ce point de vue, la pratique quotidienne a rapidement fait taire ceux qui considéraient que ce mode de transport n'avait pas sa place. Le succès a été quasiment instantané avec plus de 50 000 voyageurs par jour après un an d'exploitation du parcours Saint Denis - Bobigny.

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La Courneuve - Avenue Jean Jaurès - 23 août 2016 - La rame 111 en direction de Noisy le Sec : on remarque l'exiguïté de la station avec des quais plus courts que les rames, une largeur limitée et une insertion souvent millimétrée. Le renouvellement du matériel est précédé d'un réaménagement des stations pour essayer de gagner un maximum d'espace. © transportparis

Cette première réalisation s'est révélée, sans surprise, pénalisée par l'absence de véritable système de priorité aux carrefours, obligeant régulièrement le tramway à s'arrêter pour laisser passer les voitures, d'où une vitesse commerciale certes meilleure que celle des autobus mais encore assez moyenne. Conséquence, une productivité du matériel relativement moyenne et une tension grandissante au fur et à mesure de l'augmentation de l'offre par des rames supplémentaires en ligne plutôt que par une réduction du temps de parcours.

L'extension à la gare de Noisy le Sec a été l'occasion de quelques améliorations, mais encore assez timides, et avec le franchissement difficile du carrefour du pont de Bondy, pouvant à lui seul coûter jusqu'à 3 minutes.

La tension est devenue encore plus forte avec le prolongement à Gennevilliers, mettant en exergue l'absence de coordination des gestionnaires de voirie pour assurer la priorité aux carrefours. S'ajoutent sur cette extension les conditions de passage sous l'A86 à la limite de Gennevilliers et Villeneuve la Garenne, avec une longue séquence à 10 km/h (alors que le tracé et la hauteur dégagée autoriserait au moins 30 voire 35 km/h) sur un carrefour à la géométrie assez mal pensée : officiellement 3 voies de circulation sur ce simili-giratoire, mais en réalité 2 au mieux. L'arrivée aux Courtilles n'est pas simple non plus, d'autant que les autobus ont été complètement oubliés du dispositif, le terminus s'effectuant en pleine voirie.

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Gennevilliers - Les Courtilles - 20 mai 2017 - Terminus du T1, juste devant le terminus de la ligne 13 du métro. La correspondance est optimisée, mais le fonctionnement du carrefour qui précède la station perturbe le fonctionnement de la ligne. © transportparis

La dernière extension aux Quatre Routes d'Asnières a encore brillé par la gestion des carrefours favorisant les voitures. Depuis, le parcours de 17,9 km est en principe parcouru en 1h04, soit une vitesse commerciale de 16,5 km/h, mais la RATP reconnaît encore qu'il est difficile de dépasser les 15 km/h, surtout en semaine. La ligne donc souffre d'une qualité de service moyenne. Rien que la mise en place d'une réelle et systématique priorité aux carrefours pourrait faire gagner entre 5 et 8 minutes selon les hasards de la circulation sur un parcours Asnières - Noisy le Sec, soit au moins 1,7 km/h de vitesse commerciale supplémentaire, et potentiellement 2 rames de moins à iso-services (ou une fréquence accrue à nombre de rames en ligne constant).

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Asnières - Avenue de la Redoute - 8 novembre 2019 - A peine lancé que le tramway s'arrête déjà : la faute à des carrefours mal - si ce n'est pas du tout - réglés pour assurer une circulation fluide des rames. L'Ile de France mérite un bonnet d'âne en la matière ! © transportparis

Naturellement, les 178 places des TFS sont très rapidement devenues insuffisantes, et comme l'hypothèse d'une mutation sur d'autres lignes était impossible tant sur le plan technique (pas d'autre ligne) que politique (tout le monde voulant du neuf !), il a fallu composer avec ces rames à la capacité insuffisante, et à l'architecture contraignante. Les 4 portes sont situées au centre de la rame. L'accès par les extrémités n'est pas possible, amenant à une distribution irrégulière des voyageurs et à des surstationnements fréquents aux principaux arrêts.

Autre conséquence de la conception prudente de la ligne : les quais sont trop étroits et le mobilier encombrant. L'élargissement des quais n'est pas toujours possible, surtout quand la ligne est au centre de la chaussée. La reprise du mobilier a été engagée, tardivement, pour composer au maximum avec l'espace disponible. Un renouvellement complet est prévu avec l'arrivée du nouveau matériel roulant.

Voir également notre dossier sur l'amélioration de l'exploitation des tramways.

Une rocade en 3 arcs

En 2027, la rocade s'étendra sur près de 35 km entre Rueil-Malmaison et Val de Fontenay. Même avec une vitesse commerciale correcte de 18 km/h, il faudrait 1h55 pour effectuer tout le trajet. Or d'un point de vue commercial, il n'y a aucun intérêt à ce que des tramways effectuent la totalité du parcours et il sera bien difficile d'expliquer à un voyageurs entre Nanterre et Colombes que le trafic est perturbé sur la ligne en raison d'un carrefour bloqué à Romainville.

Le tramway des Maréchaux a déjà ouvert la voie avec la création de 2 lignes distinctes au départ de la porte de Vincennes. Pour T1, il y avait en théorie de multiples stations où potentiellement mettre un coup de ciseau. A l'est, Bobigny Pablo Picasso s'est naturellement imposée en raison du fort renouvellement des voyageurs déjà constaté. A l'ouest, 3 localisations pouvaient être envisagés : la gare de Saint Denis, celle de Gennevilliers et Les Courtilles. C'est cette dernière qui a été retenue, ce qui donne naissance à 3 arcs relativement cohérents par rapport à la géographie des déplacements et dont les longueurs sont adaptés à la criticité du parcours. Les maillons Rueil-Malmaison - Gennevilliers et Gennevilliers - Bobigny avoisineront les 14 km, et seulement 11 km pour la section Bobigny - Val de Fontenay. Ce schéma a été acté dès 2010 par le STIF et la RATP.

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Avec la courte extension des Courtilles aux Quatre Routes, les installations pour le futur double terminus ont été prédisposés... autant que l'espace contraint le permettait. Ainsi, les deux lignes seront face à face avec un sas de régulation central. Dans la transformation complète de ce quartier, les transports en commun n'ont malheureusement pas été considérés à leur juste niveau : on se contenta d'installer une station de métro avec un petit bâtiment et une station de tramway devant. Comme déjà indiqué, les autobus ont été totalement mis de côté, et d'importantes lignes comme le duo 304-378 stationnent en pleine voirie dans des conditions précaires... et il faudra maintenir l'une d'elles puisque l'extension vers l'ouest ne desservira pas l'axe à fort trafic par le centre de Colombes. Le développement du tramway n'a pas non plus été pris en compte si bien qu'on peut être réservé sur le fonctionnement des lignes avec des terminus exigus. 

Le renouvellement du matériel roulant

Les TFS sont arrivés en 1992 et 2003-2004 sur la ligne T1. Pour mémoire, rappelons que les rames de T2 avaient été transférées en prévision du prolongement à Montreuil, qui se retrouva bloqué par les turpitudes de Noisy le Sec. Finalement, elles ont été engagées sur l'extension à Gennevilliers. Quoi qu'il en soit, il fallait du matériel supplémentaire pour couvrir l'extension au Val de Fontenay, et comme le développement vers l'ouest était engagé, il devenait alors opportun d'envisager un grand marché emportant le renouvellement des TFS devenus problématiques. Il fallait pour cela commencer par reprendre les installations de la section Saint Denis - Bobigny pour agrandir au maximum les stations.

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Gare de Saint Denis - 25 juin 2008 - Les quais de la station sont particulièrement étroits, trahissant une conception pour une fréquentation bien plus faible qu'elle ne se révéla au bout de quelques mois. Y faire une photo relève - modestement - de l'exploit... © transportparis

Sauf à faire disparaître une partie du bâti, la station La Courneuve 8 mai 1945 donne le ton et contraint les tramways à une longueur de 33 m. La station de Saint Denis, établie au chausse-pied sur l'ouvrage du canal, sera reportée à l'ouest des voies ferrées, dans le cadre de la transformation de la gare de Saint Denis. Si la correspondance Tram - Train ne devrait pas trop être impactée, celle avec T8 se retrouve passablement dégradée.

Le passage au gabarit 2,40 m ne devrait pas poser trop de difficultés puisqu'il a été pratiqué à Nantes, Grenoble et Rouen, d'autant que les rames modernes à 5 caisses ont un gabarit dynamique plus réduit que les TFS à caisses longues.

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Gennevilliers - Rue Pierre Timbaud - 25 novembre 2012 - Les TFS sont encore récents et leur robustesse permet d'envisager théoriquement une durée de service de 40 ans : ils devraient être remplacés après un peu plus de 30 ans de service. Leur capacité est cependant notoirement insuffisante. Leur reconversion sur un autre réseau demeure très hypothétique, les rames ayant été fortement sollicitées sur cette ligne. © transportparis

L'appel d'offres, remporté par Alstom et le Citadis en version 305 (avec des portes doubles aux extrémités) porte sur un volume maximal de 120 rames de 33 m de long maximum et larges de 2,40 m, pouvant offrir entre 210 et 220 places, soit un gain de capacité de 18 à 24%. Ces rames seront gérées par les ateliers de Bobigny, Montreuil et Nanterre. Le site de Bobigny devra être adapté, car 4 mètres de plus par rame, cela finit par faire du linéaire de remisage à créer !

De nouvelles extensions ?

A l'ouest, l'arrivée à Rueil-Malmaison matérialise la fin de la rocade Grand Tram, même si émergent quelques voix pour demander une extension à Bougival sur la national 13, mais qui semble aujourd'hui peu probable, et surtout problématique pour l'exploitation d'un maillon d'une longueur de 14 km depuis Gennevilliers. En revanche, à l'est, le maillon Bobigny - Val de Fontenay, d'une longueur de 11 km, pourrait éventuellement encore être prolongé tout en restant suffisamment robuste en exploitation. 

Si, comme nous le suggérons dans notre schéma directeur des tramways parisiens, le TVM était un jour converti, il serait pertinent d'assurer une jonction complète via Joinville le Pont.

En outre, on peut s'interroger sur la création d'un nouvel itinéraire dans Colombes afin de desservir la gare et le centre de cette ville, ce qui supposerait de réaffecter le tracé en construction à un autre projet. On pourrait par exemple suggérer une liaison entre la ligne 13 aux Courtilles et le Val d'Argenteuil pour étendre le réseau de l'autre côté de la Seine... Mais évidemment, la conséquence serait un besoin d'espace encore accru pour accueillir une ligne de plus...

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