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transportparis - Le webmagazine des transports parisiens

RER A : moderniser une ligne millionnaire

La saturation au quotidien

En 1994, le RER A enregistrait 3 journées avec un trafic supérieur à un million de voyageurs. Le RER A était victime de son succès. La RATP réexaminait son jugement sur la solution de rames à 2 niveaux et commandait au total 43 éléments MI2N dans un marché commun avec la SNCF au titre du RER E, pour augmenter l'offre sur les branches interconnectées et couvrir le prolongement à Cergy le Haut. A l’issue de leur livraison, sans décision de généralisation, la clôture du marché eut pour conséquence le lancement d’une seconde rénovation des MS61.

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Lognes - 8 septembre 2012 - Les MI2N sont principalement engagés sur les missions desservant la branche Marne la Vallée où le trafic vers Paris et La Défense représente 55% de la fréquentation : près d'un voyageur sur deux utilise le RER uniquement entre Chessy et Noisy Champs dans l'agglomération nouvelle. © transportparis

Néanmoins, la forte croissance du trafic sur les réseaux de transport en Ile de France entraînait une crise majeure de l’exploitation du RER A, se traduisant par la chute de 10 points d’une régularité citée en exemple avec 95 % de régularité. En 2011, on devait compter 300 jours durant lesquelles le RER A transportait plus d’un million de voyageurs avec des pointes à 1,2 millions.

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Répartition du trafic par section du RER A en 2012 (extrait du schéma directeur du RER A)

Dès lors, après une pétition de la FNAUT (principale association d'usagers), l’intervention de l’Etat, bousculant les rôles du STIF et de la RATP, força la décision de généraliser le matériel à 2 niveaux avec une commande de 130 éléments couvrant à la fois le retrait des MI84 insuffisamment capacitaires et des MS61 qui atteindront les 50 ans en 2017.

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Boissy Saint Léger - 8 février 2011 - Présentation du premier MI09, voisinant un MS61 toujours en exploitation commercial. Ce dernier aura immanquablement marqué les esprits par la qualité de sa conception. Ses équipements sont certes devenus obsolètes avec les progrès technologiques, mais il a inspiré nombre de réalisations en Europe. © transportparis

En outre, le STIF adoptait les principes d’un plan de modernisation de la ligne devant permettre de restaurer un meilleur fonctionnement de la ligne, en dépit d’une charge considérable de plus de 300 millions de voyageurs par an. Il représente plus de 500 M€ d'investissements de 2013 à 2020.

Un schéma directeur centré sur l'exploitation de la ligne

Au-delà du diagnostic sur la fréquentation et la politique de renouvellement du matériel, les réflexions engagées ont d'abord porté sur l'amélioration des conditions d'exploitation de la ligne sur laquelle le passage de 30 trains / heure / sens dans le tronçon central prévus à l'horaire devient de plus en plus théorique. Et si les 30 trains ne passent pas, l'offre sur les branches est elle aussi diminuée.

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Les 30 trains théoriques deviennent de plus en plus rares : au quotidien, ce sont plutôt entre 26 et 27 trains qui traversent Paris en pointe, soit 6000 à 8000 places perdues par heure. (Extrait du schéma directeur du RER A)

Les études ont donc porté sur les solutions destinées à donner plus de souplesse dans l'exploitation quotidienne de sorte à augmenter sa capacité à absorber les inévitables aléas quotidiens, à commencer par les terminus, notamment Torcy, Chessy et Cergy, afin d'augmenter leur capacité. Parmi les opérations envisagées les plus significatives, la création d'une 4ème voie à Cergy le Haut devrait fortement améliorer le fonctionnement de cette branche.

De la même façon, les positions de garage devraient évoluer pour améliorer le positionnement des rames par rapport aux terminus et surtout être compatible avec les modifications de desserte. Il s'agirait de prolonger les missions Vésinet à Saint Germain, les missions Torcy à Chessy et les missions La Varenne à Boissy. La première semble devoir être conditionnée à la capacité d'absorption du terminus à 3 voies de Saint Germain, géré en avant-gare, à encaisser pas moins de 12 trains par heure.

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Torcy - 8 septembre 2012 - Les terminus intermédiaires à Torcy pourraient disparaître afin d'augmenter la desserte sur les secteurs les plus récents de Marne la Vallée. © transportparis

Les réflexions sur la création de 2 voies à quai supplémentaires à la station Gare de Lyon ne devrait pas être suivies d'effet compte tenu des conséquences sur la structure de l'ensemble de la gare souterraine, ouvrage commun aux 2 lignes de RER A et RER D.

En revanche, à La Défense, l'installation d'une aiguille supplémentaire côté Etoile sur les voies centrales permettrait d'augmenter la capacité de retournement des trains en cas d'incident lourd dans le tronçon central. Même chose à Etoile, avec l'ajout d'une communication à l'ouest de la gare, et à Val de Fontenay avec une aiguille de chaque côté.

Le projet de modification du tiroir de La Garenne Colombes, pour y retourner des missions de Cergy et Poissy en cas de rupture d'interconnexion, a été quant à lui logiquement abandonné compte tenu des contraintes exportées sur l'exploitation du groupe III de Saint Lazare.

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La Garenne Colombes - 7 mai 2011 - En cas de rupture d'interconnexion, programmée ou inopinée, les MI84 pouvaient être envoyés sur la gare Saint Lazare en empruntant les voies de l'axe Paris - Mantes entre Paris et Sartrouville. Avec les MI2N et MI09, cette possibilité disparaît. © transportparis

L'activation du pilotage automatique sur SACEM

Mis en place en 1989, le Système d'Aide à la Conduite et à la Maintenance - SACEM - a permis le passage de 24 à 30 trains par heure et par sens dans le tronçon central en s'affranchissant de la signalisation latérale et en définissant la vitesse des trains en fonction du profil de la ligne et de la distance de freinage à l'instant donné. De naissance, SACEM intègre une fonction de pilotage automatique sur ordre de départ du conducteur. D'après la RATP, sa mise en oeuvre doit réduire la diversité de comportement des conducteurs, optimisant la surveillance des mouvements de voyageurs et procurant un gain de vitesse commerciale de 5 km/h et de 2 minutes sur le parcours Vincennes - Nanterre. L'implémentation de cette fonction a été réalisée entre 2017 et 2019 sur l'ensemble du parc.

SACEM

Information SACEM en cabine. En haut, la vitesse maximale autorisée. En bas, l'indication de vitesse réelle. Le cadre peut passer à l'orange en cas de ralentissement voire au rouge en cas d'arrêt absolu ou de survitesse.

La question de l'extension du SACEM a été également posée avec un déploiement au-delà de Vincennes sur la branche de Marne la Vallée jusqu'à Neuilly-Plaisance voire Noisy-Champs. En parallèle, la mise en place d'un compte à rebours en tête de quai dans ce même tronçon central devrait aussi contribuer au respect des temps théoriques de stationnement, fixés à 50 secondes maximum dans ces gares.

Enfin, la mise en place d'outils améliorant la gestion des convergences à Vincennes et Nanterre est aussi envisagée, sur la base des constats réalisés, notamment sur une plus faible vitesse des trains de la branche Marne la Vallée, paradoxalement du fait de l'intergare plus longue (Val de Fontenay - Vincennes) sur cet axe par rapport à l'intergare Fontenay sous Bois - Vincennes de la branche Boissy : si les conducteurs se régulent à Fontenay, car le signal donne une information de fait sur la convergence située plus près, il n'en est pas de même à Val de Fontenay, où la signalisation ne renseigne pas le conducteur en raison d'un plus grand nombre de cantons.

Faut-il supprimer la relève des conducteurs à Nanterre ?

Elle est régulièrement évoquée par les élus, surtout depuis qu'elle est effective sur le RER B. Cependant, sur le RER A, elle ne concerne que 12 trains par heure sur 30 et l'effet de cette mesure serait moindre, sans négliger non plus le fait que les conducteurs SNCF n'ont pas la pratique de la conduite sous SACEM, qui permet de réduire la distance entre les trains, mais implique une conduite plus pointue que celle habituellement pratiquée sur le réseau ferroviaire national.

Des portes palières dans les gares ?

La RATP considère que l'usage de portes palières sur le RER poserait au moins autant de questions qu'elle n'en résolvrait. En cas de panne de ce dispositif, les voyageurs du Métro se reportent naturellement sur une porte voisine, facile d'accès car proche et de plain-pied sur du matériel à un niveau. Il n'en est pas de même sur du RER avec des trains à 2 niveaux où les mouvements de voyageurs sont plus longs et donc pénalisants pour les temps de stationnement.

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Auber - 12 janvier 2014 - Avec 3 configurations de matériel sur la ligne, les portes palières ne pouvaient être envisagées du fait de la position et de la largeur différentes des portes. Même avec l'uniformisation du parc en MI2N et MI09, la RATP conclue que ces dispositifs ne sont pas adaptés à une exploitation RER. © transportparis

De forts enjeux pour Cergy et Poissy

Sur les branches Cergy et Poissy, la mise en place de la banalisation des voies entre Houilles et Sartrouville est censée améliorer l'exploitation en cas d'incident lourd dans ce secteur.

Le schéma de desserte pourrait être réexaminé dans le but de renforcer la desserte de Cergy. L'idée première de reporter le terminus Poissy sur Cergy semble devoir être au mieux reportée à très long terme et n'aurait pas que des avantages. En effet, le RER A assure une desserte aux 10 minutes de l'ensemble des gares de Poissy à Nanterre. En alternative, le RER E est contraint en nombre de trains tant que la liaison rapide Paris - Normandie n'est pas réalisée de Paris à Mantes - donc pas avant 2030 au mieux - afin de dédier les voies du groupe V au seul RER E. Qui plus est, le RER E fonctionnera avec des missions cadencées aux 15 minutes. En outre, le positionnement d'une mission omnibus entraînerait un fort déséquilibre dans l'organisation des dessertes jusqu' Mantes la Jolie avec probablement 2 trains (un omnibus et un semi-direct) séparés de 10 minutes puis un creux de 20 minutes, afin de laisser suffisamment de place dans le graphique horaire à une mission Poissy omnibus.

L'alternative consistait en la limitation - à nouveau - de la mission Cergy - Paris Saint Lazare à Nanterre Université, de sorte à dédier les voies du groupe III au seul RER A, qui pourrait proposer dans ce secteur 12 trains sur Cergy et 6 sur Poissy. Pour maintenir les itinéraires, de nouveaux quais seraient érigés sur le viaduc surplombant les voies de la gare de Nanterre Université.

En 2017, un nouveau projet de desserte a été présenté : reposant sur un espacement des missions de 12 minutes au lieu de 10, il réduit le nombre de trains, en misant sur la généralisation des rames à 2 niveaux - dont le bénéfice capacitaire se retrouve tout de même diminué de 7500 places par heure - et sur une meilleure tenue d'une grille comprenant 27 trains par heure dans le tronçon central au lieu de 30. Sur le groupe III, l'espacement des missions passe dans ce projet également à 12 minutes, avec 5 Cergy et 5 Nanterre, mais désormais tous omnibus.

Cette nouvelle desserte a été mise en oeuvre en 2018 : statistiquement, la ponctualité a augmenté assez nettement, d'environ 6 points en comparant les premiers trimestres 2017 et 2019, mais malgré l'intervalle accru, les mesures de régulation à l'heure de pointe, avec des surstationnements, restent toujours aussi nombreuses. L'augmentation des performances de l'exploitation avec le pilotage automatique a eu un effet correctif assez positif, contribuant à améliorer significativement le service.

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Source : AQST

Le fonctionnement du RER A dépend aussi des rythmes citadins : l'incitation à étaler les pointes pour écrêter le trafic et le développement du télétravail sont des facteurs importants pour diminuer la pression sur l'exploitation et améliorer la qualité du service. La crise sanitaire de 2020-2022 a été un révélateur forcé. Mais à plus long terme, ces évolutions de l'usage sont aussi indispensables si on veut encore réduire l'usage de la voiture, en libérant de fait de la capacité qui peut être mise à profit pour capter encore de nouveaux utilisateurs... pourvu que tout ce petit monde ne décide pas d'aller au bureau le même jour...

La régénération du tronçon central

Mis en service entre 1969 et 1977, le tronçon Vincennes - Nanterre Préfecture concentre la totalité du trafic de la ligne. L'accroissement du trafic, la fréquentation accrue des trains, la généralisation des rames à 2 niveaux (plus lourdes et plus performantes) accentuent la sollicitation d'une voie arrivant en limite d'usure. Aussi, la RATP dut interrompre le trafic durant 4 semaines au cours des étés 2015 à 2020, et plus ponctuellement en 2021, chaque année sur des sections différentes.

Durant ces travaux, la rénovation des gares du tronçon central a été également engagée, ce qui, au vu de leur état, ne sera pas un luxe, surtout à Auber et Etoile qui desservent des lieux prestigieux (Grands Magasins et Opéra pour la première, Champs Elysées et Arc de Triomphe pour la seconde) donnant actuellement une piètre image aux nombreux touristes.

Outre Châtelet Les Halles, dans le cadre du projet de modernisation du Forum, les travaux ont été lancé en 2018 à Auber et en 2019 à Charles de Gaulle Etoile. A La Défense, la priorité est donnée aux travaux de connexion avec le RER E.

La rénovation des gares des années 1970 a également débuté en 2019 à Vincennes, Nogent sur Marne, Torcy et Nanterre Ville, mais la crise sanitaire et une surprenante défaillance globale de la maîtrise d'ouvrage ont considérablement allongé les délais pour un résultat d'une qualité parfois plus que médiocre... contrastant avec l'importance stratégique pour l'Ile de France, mais aussi pour la RATP, de cette ligne...

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