Métro parisien : les stations reviennent au blanc

Ouï Dire et Renouveau du Métro

En 1985, une nouvelle identité fut proposée par l’agence Ouï Dire, concevant une rampe lumineuse métallique en forme de faucille, diffusant un éclairage blanc direct et un éclairage multicolore indirect, ainsi que des sièges assis-debout dont les fixations imposèrent le retrait. Autre distinction, l’adoption d’un nouveau format de carrelage, 15 x 7,5 cm, mais toujours blanc. Ce style entraînait la disparition des repères colorés du précédent et amplifiait le retour massif au blanc. Ces nouvelles installations donneront la curieuse impression d’un retour de cent ans en arrière avec la monotonie du blanc qui sera à nouveau généralisé.

Arts et Métiers - ligne 3 - 18 mars 2017 - Le style Ouï Dire se repère à sa rampe lumineuse et ses supports en faucille, ainsi qu'à l'éclairage coloré de la voûte, donnant un résultat somme toute limité. L'éclairage reste direct donc lumineux. © transportparis

A partir de 1997, l’opération Renouveau du Métro a souhaité « revenir aux sources », à commencer par le carreau blanc de 20 x 10 cm. La charte mettait également en ouvre un nouvel éclairage et une rampe intégrant les câbles d’alimentation, y compris dans les couloirs de la station.  Cependant, le choix d’un éclairage indirect en station s’est avéré discutable car insuffisamment nettoyé et donc à l’origine d’une ambiance non seulement insuffisamment lumineuse, mais de surcroît monotone et désuète par la raréfaction de la couleur, se limitant aux quelques sièges et à la frise des couloirs et de la base de la voûte.

Cité - Ligne 4 - 15 septembre 2012 - On cherche le distributeur de savon : du blanc de partout et il n'y a guère que la publicité pour apporter - un peu - de couleur ! Sobriété extrême qui trahit l'âge de la conception du réseau. L'arrivée des portes palières avec l'automatisation de la ligne 4 va considérablement transformer l'esthétique de cette station, ainsi que de sa jumelle de Saint Michel. © transportparis

Ce manque de luminosité sera accentué par la curieuse tendance de placer les rampes d’éclairage trop bas, réduisant d’autant l’angle de diffusion de la lumière. Certaines stations sont aujourd’hui complètement grises. En cherchant à renouer avec l’esthétique originelle du métro, la RATP trahissait un manque d’originalité, faisant du métro un terne objet utilitaire.

Jourdain - Ligne 11 - 14 septembre 2012 - Evolution a minima d'une station dont la voûte n'est plus de première jeunesse avec quelques rafistolages. La rampe lumineuse est plus récente, mais insuffisamment entretenue d'où une ambiance terne. © transportparis

Gambetta - Ligne 3 - 14 septembre 2012 - Un peu de couleurs quand même avec l'éclairage de la grande voûte de la station Gambetta à l'issue de sa rénovation. L'éclairage est réussi et change de la routine habituelle du métro. On remarque les sièges Akiko ici en version vert luzerne.  © transportparis

Trinité - 8 novembre 2019 - Rénovation sur le Nord-Sud des stations carrossées. La décoration des voûtes est remise en valeur. Ne manque que la mention de la direction sur le tympan de la voûte. L'éclairage ici retenu est assez efficace et peu intrusif. En revanche, dans cette opération Renouveau du Métro, la qualité de l'étanchéité laisse souvent à désirer. © transportparis

L’opération a eu notamment pour objectif de décarrosser les stations afin de restaurer leurs voûtes, et constater au passage leur dégradation et la quantité de poussière accumulée.

La ligne 14 : ombre et lumière

Parallèlement, l’arrivée de la ligne 14, première ligne automatique parisienne, donnait l’occasion d’un concours architectural pour les stations. Bernard Kahn et Jean-Pierre Vaysse ont proposé la charte générale et la décoration de base des stations. A Saint Lazare, l’équipe Arte – Jean-Michel Charpentier a été retenue pour la transformation – au demeurent peu fonctionnelle – de l’accès cour de Rome.  Le vaste puits permet certes à la lumière de pénétrer jusqu’au 3^ème sous-sol, mais la circulation des voyageurs y défie le bon sens avec de multiples conflits entre « entrants » et « sortants », liés à la position des lignes de contrôle, au sens des escaliers mécaniques et à l’absence d’une liaison directe entre les niveaux -2 et -3 qui, certes, casserait l’image circulaire du puits de lumière. Cette sensation de désorganisation est accentuée par la dégradation de la signalétique dont les choix actuels ne sont pas des plus heureux pour aider au repérage.

Bibliothèque François Mitterrand - Ligne 14 - 10 septembre 2015 - Station cathédrale dont le résultat esthétique est assez remarquable quoique non exempt de certains défauts : le métro sur pneus propage ses bruits élevés à l'ensemble de la station de correspondance avec le RER C, d'autant plus facilement que le volume est considérable et relativement vide : personne n'a pensé à utiliser ce carrefour où transitent plus de 60 000 personnes par jour pour y développer une offre de commerces et de services ? Mis à part un guichet SNCF, un minuscule Relay, une viennoiserie industrielle et un marchand de fruits exotiques, BFM est une cathédrale du désert... le bruit en plus ! © transportparis

Antoine Grumbach et Pierre Schall ont conçu la cathédrale accueillant la station Bibliothèque François Mitterrand, conçue pour accueillir une gare du RER C ouverte cinq ans plus tard, souffrant d’un fort conflit de circulation entre les voyageurs quittant le métro et ceux le rejoignant en venant du RER C. 

Certains choix de matériaux, comme les planches de verre, ou le choix de l’éclairage indirect ne sont pas sans poser des problèmes de maintenance, tout en plongeant les stations dans une désagréable pénombre que des travaux récents tentent de compenser.

Le remplacement des tubes fluorescents par des diodes électroluminescentes a cependant permis de renforcer l’éclairage des stations, qui toutefois manque de chaleur, alors que cette solution offre un large nuancier. La conversion du réseau à cette nouvelle technique a cependant permis d’importantes économies d’électricité.

Ligne 1 : de timides améliorations

L'automatisation de la ligne 1 fut l'occasion d'évolutions dans la décoration des stations ne serait-ce que par la nécessité d'installer des portes palières séparant le quai des voies. Il fallut également rehausser certains quais pour améliorer l'accessibilité aux rames. Pour la première fois sur le réseau historique, on vit apparaître du carrelage, gris foncé, sur les quais en lieu et place du traditionnel enrobé noir.

Pour les voûtes, outre l'abandon des derniers carrossages, les carrelages furent remis à neuf dans les stations où ils étaient en mauvais état. Les faïences Motte et Ouï Dire furent généralement maintenues. L'éclairage adoptait la rampe des opérations Renouveau du Métro donnant une lumière indirecte problématique en cas d'entretien irrégulier. Pour essayer de donner une ambiance plus chaleureuse, un bloc faisait son apparition derrière les sièges, comprenant un parement façon bois surmonté d'un cadre rétro-éclairé pour le nom de la station (de grande taille) et la signalétique directionnelle (sorties et correspondances). L'opération intégrait la rénovation des aménagements de la station Louvre-Rivoli et une opération de prestige à Franklin D. Roosevelt, avec une ambiance sombre composé de noir et d'une couleur or, sur le carrelage et sur une nouvelle forme de carrossage. On vit apparaître dans cette station les premiers écrans tactiles pour l'information (plan interactif).

Louvre-Rivoli - Ligne 1 - 20 novembre 2016 - Première station culturelle, Louvre-Rivoli a été restaurée après l'adaptation de la station pour l'exploitation automatisée de la ligne 1. L'ambiance lumineuse est particulière du fait d'un plafond entièrement noir. © transportparis

Franklin D. Roosevelt - Ligne 1 - 20 novembre 2016 - Elle avait fait sensation lors de sa rénovation voici plus d'un demi-siècle, y compris sur des cartes postales : voulue prestigieuse par la desserte des boutiques de luxe des Champs-Elysées et de l'avenue Montaigne, la station s'est parée de noir et de revêtement or, le tout avec un résultat assez sombre d'autant que même les façades de quai sont noires. © transportparis

Tuileries - 20 novembre 2016 - Fresque historique sur l'histoire des transports parisiens à la station Tuileries. Ce type de décoration rompt heureusement la monotonie du réseau. © transportparis

Saint Paul - Ligne 1 - 20 novembre 2016 - Le bloc boisé a aussi fait son apparition dans les stations de la ligne 1 automatisée, surmontées d'un caisson éclairé intégrant le nom de la station et la signalétique directionnelle. L'éclairage indirect procure une ambiance grisâtre, ne serait-ce que par la maintenance épisodique des rampes, même avec la généralisation des diodes électroluminescentes. © transportparis

Des exceptions

Certaines stations échappent à cette monotonie trahissant un certain manque d'imagination. Que l'esthétique historique soit préservée dans les stations anciennes est une chose, qu'elle soit généralisée en est une autre : le métro est aussi un marqueur du temps qui passe et des tendances esthétiques.

Arts et Métiers - ligne 11 - 18 mars 2017 - Décoré pour rappeler la proximité du Conservatoire du même nom, la station Arts et Métiers de la ligne 11 étonne agréablement avec sa voûte entièrement recouverte de cuivre, façon Nautilus. Sur le plan esthétique, le résultat est remarquable ! © transportparis

Assemblée Nationale - ligne 12 - 18 mars 2017 - Parmi les réalisations les plus récentes, la rénovation de la station Assemblée Nationale, à l'ambiance très agréable. Dommage que le nom de la station ne soit pas plus visible : il est inscrit en lettres rouges, en limite des piedroits de la voûte. A comparer avec la carte postale en début de dossier... © transportparis

Mairie de Montrouge - Ligne 4 - 23 mars 2013 - Un mélange harmonieux et clair entre le métal et des parements bois pour la première station hors Paris de la ligne 4. On ne sait pas si les jeux de lumière sur la voûte résisteront au temps, mais le résultat est plutôt agréable ne serait-ce que par la rupture avec la dictature du blanc. © transportparis

Le prolongement de la ligne 14 à Saint Ouen rompt avec les choix qui avaient prévalu à la création de celle-ci, ce qui est logique. Néanmoins, outre le fait que la mise en service s'est déroulée avec des aménagements encore bien loin d'être terminés, l'ensemble très sobre et assez standardisé privilégie un carrelage beige en mosaïque géométrique sur les murs comme au sol (on est passé de la salle de bains à la piscine municipale) et une profusion d'habillages métalliques en aluminium brossé conférant une ambiance assez froide à ces stations. Vitrine du réseau, la ligne ne brille pas par l'innovation et l'avant-gardisme dans ses aménagements.

Pont Cardinet - Ligne 14 - 14 décembre 2020 - Si les nouvelles stations sont lumineuses et surtout spacieuses, la décoration très standardisée et sans grande créativité n'offre pas de signes distinctifs. C'est dommage... © transportparis

En guise de conclusion (provisoire)

Le Métro parisien pourrait-on dire, a un style : celui-ci de l’uniformité rompue de temps à autres par une station un peu originale. Il n’en reste pas moins que la blancheur parfois un peu grise de ce réseau, n’est pas ce qu’il y a de plus gai. Parmi les réseaux anciens, peu ont conservé comme à Paris le style originel ou, à tout le moins, la standardisation quasi-générale. Berlin a évolué naturellement et avait compris dès les années 1910, l’intérêt de la diversification parfois relative mais qui a donné des exemples très intéressants. Londres a porté son effort sur la diversification des accès dont certains sont tout à fait originaux et a modernisé les stations dont certaines se démarquent. Madrid a colorisé ses stations anciennes tout en conservant une forme de standardisation mais la blancheur n’est plus de mise et les stations des prolongements successifs sont architecturalement soignées ayant fait l’objet de gros efforts. Est-il besoin d’évoquer Moscou et son palais souterrain qui suit les modes et évolue dans la modernité ?

Il nous est apparu pour le moins curieux de voir le résultat de la rénovation de la station Châtelet du RER, utilisant principalement des carreaux gris. La question pourrait être la suivante : qu’ont fait les Parisiens pour mériter ça ? N’y avait-il pas mieux à imaginer tant l’Histoire des lieux, que ce soit en surface ou en souterrain, est riche en symboles qui pourraient être utilisés afin de rendre cette station plus belle ?

Que chaque réseau ait un style, c’est une évidence mais il semblerait bon de mettre un peu plus en avant l’agrément de l’environnement du transport et un peu moins l’utilitaire. Dans le monde actuel, les usagers en auraient bien besoin, les transports urbains ne doivent pas être synonymes de platitude utilitaristes.

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