Il a été réalisé en 2015 à la demande de la SNCF autour de cinq questions :
- Infrastructures et matériel roulant sont-ils à un niveau de performances cohérent avec les objectifs du réseau ?
- A quelle date de situe le point d’inflexion entre les efforts de régénération et l’arrêt du vieillissement des installations ?
- A quelle date le rajeunissement des équipements aura-t-il un effet sur les performances et la ponctualité ?
- Les méthodes d’exploitation peuvent-elles évoluer pour augmenter le débit sans nuire à la robustesse et à la sécurité ?
- Les efforts menés sont-ils compatibles avec l’évolution du trafic sur le réseau ?
Question 1
Non, l’infrastructure et le matériel roulant ne sont pas à un niveau de performance compatible avec les objectifs de fonctionnement définis par le STIF au titre des contrats quadriennaux. Le réseau reste trop fragile, soumis au moindre aléa : 15% des sections de voie courante et surtout 50% des appareils de voie ont dépassé leur durée de vie nominale. L’alimentation électrique est sous-dimensionnée sur plusieurs secteurs du réseau (notamment Paris Nord et Paris Saint Lazare) et certaines caténaires ont passé le cap des 80 ans. La signalisation pose un problème de nature différente, liée à sa compatibilité avec les objectifs de débit. Le KVB et la VISA ont bien coûté 15% de capacité sur le réseau, ce qui renvoie la question d’une évolution en profondeur de l’utilisation du réseau, qui plus est insuffisamment cloisonnée entre le transport francilien et les activités nationales et internationales.
Suresnes - 19 avril 2021 - Parmi les lignes dont l'exploitation a beaucoup pâti des évolutions réglementaires depuis le début des années 1990, le groupe II de Saint Lazare, surtout lors de la création de la ligne U en 1995, créant une interdépendance avec le réseau Montparnasse. L'excellence opérationnelle suppose aussi des équipements adaptés à cette ambition... © transportparis
Autre point récurrent, la question des gares : leur configuration, souvent ancienne, est souvent un obstacle à une circulation fluide des voyageurs et bien évidemment la cohérence entre la hauteur des quais et celles des rames est largement soulignée, renvoyant à la spécialisation des infrastructures destinées à la desserte de la zone dense.
Malesherbes - 18 janvier 2014 - Deux problèmes en une photo sur le RER D : la desserte au long cours de territoires à faible densité de population par un système RER conçu pour le coeur de la métropole avec un matériel aux aptitudes insuffisantes pour gérer d'importants échanges de voyageurs. L'arrivée du RERng sur le RER D illustrerait de façon nette une rupture dans l'exploitation de cette ligne. Le STIF en sera-t-il convaincu ? © transportparis
Question 2
En dépit de ce constat, l’EPFL souligne d’abord que les sillons payés par le STIF sont au coût complet, un cas unique en France pour les trains de service public. En outre, des efforts budgétaires très conséquents ont été mis en place depuis 2008 pour augmenter l’investissement de renouvellement du réseau, les sommes ayant quadruplé sur la seule période 2008-2015. La pérennisation et l’amplification de ces efforts est donc recommandée pour stopper le vieillissement du réseau qui pourrait commencer à rajeunir aux dates suivantes :
- 2025-2030 pour la voie ;
- 2020-2025 pour la caténaire ;
- 2020-2025 pour le matériel roulant ;
- et selon la concrétisation réelle du programme CCR pour la signalisation.
Saint Michel sur Orge - 29 juin 2018 - Parmi les équipements les plus critiques d'Ile de France, le renouvellement de la caténaire entre Paris et Etampes donne quelques sueurs froides à SNCF Réseau car les conséquences sur l'exploitation du RER, des dessertes régionales et nationales (sans oublier le fret) sont tout simplement inacceptables ! © transportparis
Question 3
Le bénéfice de ces opérations ne pourrait vraisemblablement pas être perceptible avant 2025. Lors de la rédaction de cet audit, seule la livraison des Franciliens était en cours et donc logiquement jugée insuffisante. De ce fait, l’audit soulignait la nécessité d’accélérer le rythme. Les commandes de Région 2N (pour la grande banlieue) et le développement du RERng pour le RER E et le RER D étaient donc plus qu’encouragés, mais avec un plein effet perceptible vers 2025. A l’époque, il n’était pas encore question du MI20 pour le RER B, puisque les MI79 sortaient tout juste de rénovation.
Asnières - 7 janvier 2022 - L'arrivée du Francilien depuis 2009 a profondément transformé la flotte de matériel roulant en Ile de France avec un matériel qui a fait ses preuves et éliminé nombre de séries (à commencer par les rames en acier inoxydable) en fin de carrière et posant problème pour assurer un service fiable. © transportparis
Meudon - 15 janvier 2022 - Illustration de l'enjeu sur la qualité de vie d'un réseau de transports en commun à la consistance et à la fiabilité à la hauteur d'une Région de 12 millions d'habitants : pour apercevoir dans le nuage de pollution ces Régio2N qui succèdent aux VB2N et à leurs locomotives, il a fallu quelque peu travailler le cliché. Ces rames renouvellent, comme sur la ligne R, le confort et la commodité d'utilisation du train. © transportparis
Du côté de l’infrastructure, la principale difficulté ne semble pas être dans la mise en place d’un financement suffisant, mais dans la définition des plages de travaux sur le réseau. Les nuits sont trop courtes et insuffisamment productives… et les week-ends plus efficaces mais pas assez nombreux.
Question 4
C’est un volet assez sensible. D’abord, l’EPFL conforte les orientations issues des réflexions de la SNCF et du STIF au travers des schémas directeurs pour restructurer le RER C et le RER D, dont la situation est la plus représentative : l’audit préconise donc la dissociation des dessertes du cœur de la métropole et de la grande couronne, en dépit d’une acceptabilité difficile.
Cependant, l'audit souligne que l'opérateur ne peut réellement agir que sur la moitié des causes de l'irrégularité. En 2014, l'infrastructure et le matériel représentent 25% des événements et la moitié des minutes perdues. Les méthodes d'exploitation totalisent 45% des événements et le tiers des minutes perdues. Pour le reste, les comportements des voyageurs restent aujourd'hui une importante source d'aléas, liées à la qualité de l'information pas toujours appropriée, à la configuration du site et évidemment à des comportements inappropriés.
L’audit met en exergue la spécificité de la conduite en zone très dense. S’il faut un matériel et une infrastructure conçus et entretenus à la mesure de l’intensité du trafic, la formation du personnel de l’exploitation doit également être adaptée en conséquence. Illustration avec les conducteurs, en préconisant une spécialisation des conducteurs par ligne, formant des unités autonomes d’exploitation avec leurs propres moyens humains et matériels. La banalisation des roulements de conducteurs peut propager les aléas d’une ligne à l’autre. C’est aussi le moyen de former spécifiquement le personnel, avec en perspective des équipements particuliers. En résumé, on ne conduit pas un RER comme on conduit un train de fret. En ligne de mire : le projet EOLE avec le couple RERng – NExTEO.
Goussainville - 26 novembre 2015 - Le RER D est depuis sa mise en service complète en 1995 l'objet de bien des débats pour améliorer une exploitation complexe et fragile... et tout ne peut pas se résoudre au travers d'un second tunnel entre Châtelet et Gare du Nord à la réalisation bien hypothétique au regard du coût et de la complexité d'une telle perspective. © transportparis
En lien avec de type de projet, l'EPFL préconise un rapprochement entre la régulation du trafic et la commande des itinéraires, ce que les outils actuels ne permettent pas suffisamment, alors que le délai de réaction et d'action est une donnée essentielle dans l'exploitation à haut débit.
Il pointe également plusieurs mesures d'exploitation destinées à améliorer la robustesse de l'exploitation comme la présence de rames de réserves montées (c'est à dire avec conducteurs) sur des points stratégiques du réseau, l'adaptation de la procédure d'alerte radio qui bloque instantanément le trafic sur un vaste périmètre ou la banalisation des voies. Sur ce dernier point, si la référence suisse montre l'intérêt de cette solution, il faut aussi remarquer que les japonais s'y refusent (les aiguillages étant autant de points de potentielles fragilités), et que la banalisation ne pourrait servir qu'à permettre en fin de soirée l'exploitation en voie unique pour allonger les plages réservées à la maintenance et au renouvellement.
Drancy - 18 juillet 2012 - L'audit prend exemple sur le RER B dont la modernisation sur la section nord a permis de simplifier l'exploitation et de créer les conditions d'une plus grande fiabilité. Il reste encore beaucoup à faire mais le bilan. Malheureusement, les facteurs extérieurs pèsent lourd et l'opération RER B Nord+ n'était pas avare de limites : le niveau moyen de ponctualité est encore en-dessous des attentes de la population. © transportparis
Question 5
L’audit confirme que les premières mesures mises en œuvre, notamment sur le RER B et le RER D, portent leurs fruits, quoique n’agissant pas sur la totalité des leviers d’action. La ligne B a en effet gagné environ 10 points de ponctualité après la mise en place de RER B Nord+ et la ligne D plus de 5 points avec la nouvelle grille associée à l’ouverture de la gare Pompadour et l’installation du KVBP sur son tronçon central. Néanmoins, ces gains reposent encore sur des bases fragiles et ne sont donc pas définitivement acquis (la suite a confirmé la justesse de cette prudence).
Avec dans les 15 années à venir une prévision de croissance du trafic sur le réseau existant de l’ordre de 16%, l’EPFL prend en compte l’effet du développement de nouvelles infrastructures en Ile de France, notamment les tangentielles et les lignes du Grand Paris Express, qui pour mémoire ne devraient faire leur effet qu’à la complétude du réseau défini par la loi. L'augmentation de la demande dans les 15 prochaines années, même avec une évolution des rythmes urbains, neutraliserait à elle seule les bénéficies apportés par les investissements sur le matériel et l'infrastructure. C'est là tout le sens d'une action de fond sur les méthodes d'exploitation et la spécialisation du système zone dense.
Conclusion
L’EPFL reconnaît l’extrême complexité du réseau Transilien : faire du « mass transit » sur un réseau ancien, usé et non dédié avec un tel niveau de fréquentation est déjà une performance. En l’état actuel, les niveaux de ponctualité attendus par le STIF sont trop élevés par rapport à ce que la SNCF peut atteindre dans les conditions actuelles. Les atteindre supposerait la mise en œuvre de programmes de long terme, et donc d’avoir préalablement défini les objectifs, à la fois en termes de structure de l’offre de transport et de niveau de qualité de service. La transformation du système ferroviaire francilien sera donc technique, organisationnelle mais doit avant tout être politique. Ce n’est qu’une fois les constats et objectifs partagés avec les collectivités que le changement pourra réellement être engagé. La modernisation du RER B ainsi que les projets EOLE et NExTEO constituent de nouveaux leviers propices à une réelle amélioration du système de transport. Mais les délais sont longs et la hausse du trafic plus rapide que leur mise en oeuvre...