Au cours de la première manche, M. Matthieu Chabanel a été dévié (en Chronopost ?) de La Poste à SNCF Réseau. La manoeuvre était un peu cavalière, mais il fallait exfiltrer M. Luc Lallemand en conflit avec les élus régionaux et finissant par poser des problèmes à l'Etat, moins par la révélation de ses injonctions contradictoires que par ses prises de position extrémistes et uniquement financières.

Pour la deuxième manche, l'Etat a dû lancer une procédure afin de remplacer Mme Catherine Guillouard à la RATP, qu'elle a quitté pour incompatibilité de sa fonction avec son statut de personne aidante auprès de membres de sa famille. Si la procédure de recherche de candidats a bien été lancée, elle a été brutalement interrompue par une décision au sommet de l'Etat : M. Jean Castex est ré-aiguillé de l'Agence de Financement des Infrastructures des Transports en France vers le quai de La Rapée... alors que ce dernier ne cachait pas après son départ de Matignon que la SNCF l'intéressait, mais la place n'est pas encore à prendre (encore que, par les temps qui courent, tout est possible !).

M. Castex n'est pas vraiment - du tout ? - connaisseur des transports franciliens, et il lui faudra aussi faire ses preuves comme patron d'une grande entreprise publique, à forte technicité. Il faut quand même rappelé que, lorsqu'il était Délégué interministériel à l'organisation des JO 2024, il avait obtenu le limogeage de M. Thierry Dallard, alors président du directoire de la Société du Grand Paris, qui avait eu le malheur de lui tenir tête sur l'impossible mise en service des lignes du Grand Paris Express dans les délais annoncés par le gouvernement.

Il semblerait que l'Etat demande à M. Castex de remettre en ordre la RATP (expression un peu vague) : il lui faudra surtout essayer d'arrondir les angles avec la Région Ile de France, dans une période délicate, entre les problèmes sévères d'effectifs qui affectent le service, l'inflation des coûts de production liée à l'explosion des prix de l'électricité et des carburants, les effets de la non-indemnisation des autorités organisatrices de transport sur les effets des confinements de 2020 et 2021 et sur le lancement des appels d'offres pour l'exploitation des services aujourd'hui du périmètre sous monopole RATP. Il lui faudra aussi s'occuper des voyageurs, qui poireautent de trop longues minutes aux arrêts de bus, qui se déplacent dans des stations de métro pas toujours au minimum de propreté, de plus en plus souvent mal éclairées, et redresser une maîtrise d'ouvrage sur la gestion des espaces (stations de métro et de RER) qui semble perdre pied : le feuilleton de la rénovation sans fin (et pour un résultat plus que médiocre) des gares du RER A n'en est probablement que la partie la plus visible du grand public...

Ceci dit, MM. Chabanel et Castex ont un point commun : ils doivent faire face à un Etat et un gouvernement qui n'ont que faire des transports publics. M. Castex le sait parfaitement, il en était encore il y a peu !

L'avis de la Haute Autorité sur la Transparence de la Vie Publique ne manque pas de sel : « Monsieur Castex devra, dans le cadre de sa nouvelle activité professionnelle, s’abstenir de toute démarche, y compris de représentation d’intérêts, auprès des membres du Gouvernement en exercice qui l’étaient également lorsqu’il était Premier Ministre ainsi que des membres de son cabinet qui occupent encore des fonctions publiques ». Cette réserve vaut, pour chacune des personnes qu’elle vise, jusqu’à l’expiration d’un délai de trois ans. Dit autrement, M. Castex, en tant que PDG de la RATP ne pourrait avoir de relations directes avec sa tutelle directe. Quand on arrive à ce seuil d’absurdité, on se dit qu’il est urgent que cessent les pratiques monarchiques du sommet de l’Etat, manifestement incapable de se tenir aux règles dont il est à l’origine. Les parlementaires qui doivent se prononcer sur cette nomination sont bien embarrassés : le président du Sénat parle d’un futur PDG empêché par le droit. Iron-ils jusqu'à bloquer cette nomination ? C'est peu probable, alors qu'un PDG d'entreprise publique qui ne peut avoir de relation avec sa tutelle est de fait impensable. Suite au prochain épisode...