Il y a près de 10 ans, la ligne 1 du métro était automatisée. Dès lundi prochain, la ligne 4 sera exploitée avec les 4 premiers éléments MP89-MP05 transférés de la ligne 14 : le processus se poursuivra jusqu'à la fin de l'année 2023, si la livraison des MP14 tient le rythme prévu, pour décaler le matériel actuellement sur la ligne 14 et pour le compléter sur la ligne 4 qui aura donc 3 types de matériel roulant.
On peut essayer de dresser un premier bilan de ces opérations.
Assurément, l'exploitation automatisée procure une performance accrue du service, une meilleure réactivité en cas d'incident et une plus grande flexibilité d'adaptation en cas de besoin, pour un événement particulier ou des travaux sur un axe parallèle (le renouvellement du tronçon central du RER A par exemple) générant une affluence importante. Cependant, au quotidien, le renforcement du service est resté assez modeste et le taux d'occupation des rames demeure élevé, trop même à certaines heures, et en particulier le week-end, quand le voyageur aimerait bien avoir une probabilité accrue de pouvoir voyager assis. L'automatisation ne fait pas tout : il faut quand même que l'autorité organisatrice décide du niveau de service.
Néanmoins, en 10 ans, seule la croix principale du réseau historique, un axe est-ouest et un axe nord-sud, aura été convertie, s'ajoutant à la ligne 14 née automatique. Le rythme est donc encore plus lent que celui de la pneumatisation (4 lignes en 20 ans). Il a été parfois évoqué d'autres modernisations, mais pour l'instant, aucune décision n'a été prise. Un indice quand même : à ce jour, les futurs MF19 auront a priori tous un poste de conduite, ce qui douche un peu les plus optimistes.
On peut définir schématiquement 3 facteurs techniques amenant à automatiser une ligne :
- réduire l'intervalle entre les trains pour augmenter le débit horaire ;
- la nécessité de renouveler les équipements d'exploitation : matériel roulant, signalisation, poste de commandement, sachant que ces deux derniers peuvent emporter la décision ;
- une amélioration de la productivité (moins de personnel sur la ligne, optimisation du nombre de rames à iso-service).
Dans la première catégorie, le nombre de lignes serait finalement assez restreint : assurément les lignes 8, 10 et 12. Dans la deuxième, le renouvellement des MF67, MP73 et MF77 est évidemment à prendre en compte, mais la stratégie de déploiement d'Octys, en niveau 2 avec effacement de la signalisation latérale ou en niveau 1 avec maintien de celle-ci, envoie également un signal amenant à privilégier les lignes équipées du système le plus abouti. Pour le dernier facteur identifié, les lignes 7, 8, 9 et 13 sont évidemment les plus intéressantes car les plus longues, mais dans le cas de la ligne 13, le bénéfice sur l'intervalle minimal ne serait que de 5 secondes.
Le cas de la ligne 11 est un peu particulier car son prolongement à Rosny sous Bois va doubler sa longueur et il eut été probablement intéressant d'envisager son automatisation compte tenu du coût limité de la section à moderniser, sachant que le prolongement aurait été nativement équipé. C'est en quelque sorte une occasion manquée. Enfin, au chapitre des particularismes, les lignes 3bis et 7bis ne sont pas à oublier : le service sur ces antennes y est des plus répétitifs pour les conducteurs, et il serait aussi possible de mieux coordonner les intervalles avec les lignes 3 et 7. En attendant, elles seront équipées de la fonction de contrôle continu de la vitesse tout en restant en conduite manuelle à l'ancienne.
Sur le plan technique, et donc économique, il ne semble pas y avoir de projet d'automatisation s'imposant avec évidence. La dimension qualitative est toujours aussi difficile à intégrer à une évaluation socio-économique. La ligne 13 semble revenir à nouveau dans les discussions, sur le simple critère de la régularité de l'exploitation, puisque l'intervalle théoriquement possible y est déjà très réduit.
Cependant, on peut considérer que l'automatisation va dans le sens de l'histoire. Les difficultés de recrutement que rencontre désormais la RATP comme la plupart des opérateurs de transports publics auront-elles un effet accélérateur ? Il est encore trop tôt pour l'affirmer mais on ne peut écarter la possibilité d'une évolution sociétale qui amène à accélérer le processus : outre la difficulté du métier, le besoin d'augmenter la capacité de transport dans une stratégie de report modal plus intense pourrait influer en faveur d'une politique d'automatisation du métro plus volontariste.
Retrait des conducteurs des rames (ce que j'appellerai une automatisation "totale" dans la suite) ou conduite automatique des trains ?
Car techniquement OCTYS et OURAGAN permettent déjà la conduite automatisée des trains, le conducteur n'ayant plus qu'un rôle de surveillance et de gestion de l'embarquement/débarquement des passagers.
Au niveau du contrôle et de la conduite des trains, il ferait donc probablement bien plus facile aujourd'hui de basculer dans une version sans conducteur à bord qu'il y a 10-15 ans en arrière.
On pourrait probablement même utiliser les MF19 et les MF01 existant dans cette optique, moyennant éventuellement un retrait de la cabine de conduite pour gagner de la place.
Il reste cependant un problème majeur : l'installation obligatoire de porte-palières dans l'ensemble des stations de la ligne. Sur les 250 millions et quelques liés à l'automatisation de la ligne 4, 100 millions ont été dépensés pour ce poste là.
Si les coûts liés à l'automatisation "totale" de la conduite des trains seront probablement plus faibles sur les nouvelles lignes, du fait de la présence d'un système CBTC performant et de matériel probablement "adaptable" (ce qui n'était ni le cas sur la ligne 1, ni sur la ligne 4), le coût pour l'adaptation des stations, lui, risque de rester constant, et très élevé...
De plus, OURAGAN et OCTYS, en automatisant la conduite des trains, permettent déjà d'augmenter la fréquence (il y a seulement 10 secondes de différence entre la ligne 14 et les lignes 3 et 13, et 5 seulement avec la ligne 1).
Un passage à une automatisation "totale" ne permettra donc pas forcément une réelle augmentation de la fréquence.
De même, pour ce qui est de la régularité, on peut se poser la question de savoir si c'est l'automatisation "totale" ou la pose des porte-palières qui a permis d'augmenter la régularité des lignes concernées.
Bref, on peut se poser la question de savoir si une automatisation "totale" de nouvelles lignes en vaut vraiment la peine, ou si une autre approche ne serait pas plus pertinente :
1) généralisation d'OCTYS sur l'ensemble des lignes, avec passage progressif à une conduite des trains pleinement automatique (le conducteur n'ayant plus qu'un rôle de surveillance). Etape déjà en cours.
2) installation progressive de porte-palières dans les stations les plus chargées/problématiques, sans viser à ce que toutes les stations d'une ligne soient adaptées (dans un 1er temps). C'est le cas de la ligne 13 par exemple.
2bis) installation systématique (à la construction) de porte-palières sur les nouvelles stations, si la transition vers un nouveau matériel a été réalisée (impossible d'installer des porte-palières sur les lignes encore équipée de matériel à 4 portes par élément et appelées à transiter vers du matériel à 3 portes par élément)
3) sur les lignes les plus chargées, installation systématique de porte-palières dans toutes les stations, une fois l'étape 2 réalisée.
4) sur ces lignes déjà installées à l'étape 3, transition progressive, si les coûts sont raisonnables, vers une automatisation "totale".