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transportparis - Le webmagazine des transports parisiens
18 juin 2018

La fin (prévisible ?) d'Autolib'

Après le cafouillage lors du changement de délégataire du contrat Vélib', l'annonce d'un possible arrêt à court terme du service Autolib' vient un peu secouer le secteur des modes de transports alternatifs. Lancé en 2008 dans le sillage des vélos en libre-service, Autolib' devait incarner un nouveau rapport entre la ville et l'automobile. Pour Bolloré, son promoteur, il s'agissait aussi de promouvoir le développement de son modèle de batteries. Pour la Ville de Paris, ce service devait prouver que l'accusation d'ostracisme à l'égard de la voiture était infondée. Autolib' faisait ses débuts en grande pompe en décembre 2011. Depuis, le moral n'est pas au beau fixe...

Utiliser une voiture sans en être propriétaire, cela existe déjà : c'est l'autopartage, organisé par des associations locales dans 90 villes en France. Mais les voitures reviennent à leur point de départ. Autolib' et ses déclinaisons dans d'autres villes, c'est le principe du taxi dont vous êtes le conducteur pour aller d'un point A à un point B et seul le mouvement naturel de la demande arriverait à rééquilibrer le positionnement des véhicules. Deux formules d'abonnement ont été proposées : un titre permanent annuel à 120€ et un titre ponctuel gratuit pour des usages moins réguliers mais avec des barèmes plus élevés. Pour les premiers, le minimum de perception est de de 4,66 € pour 20 minutes, contre 6,33 € pour les seconds. Au-delà, l'usage est facturé à la minute à 23 centimes pour les abonnements annuels et à 32 centimes pour les occasionnels qui doivent également s'acquitter d'un tarif de réservation de 1€. Des tarifs en 2018 moins élevés qu'à l'origine, pour essayer d'attirer plus de monde - en vain - devant l'explosion du déficit.

En cause : des véhicules banalisés de plus en plus dégradés par les utilisateurs, donnant une image médiocre au service, et surtout des usages de courte distance alors que le modèle économique repose non seulement sur un grand nombre d'abonnés et des usages au-delà du forfait. Or Autolib' est d'abord utilisée dans Paris, là où précisément, le besoin est le moins évident du fait de la densité d'offre de transports en commun. Au-delà, la concurrence d'Uber n'est pas négligeable.

Sans compter que la Bluecar, modèle unique du service, n'est pas toujours adaptée à la diversité des besoins : même si la Bluecar offre officiellement 4 places, il ne faut pas être grand pour s'installer à l'arrière, ni très chargé de bagages car le coffre reste celui d'une - petite - citadine. En outre, son autonomie est d'autant plus grande que le temps de recharge est long, mais Autolib' visait une rotation rapide des véhicules : un peu contradictoire. Quant à aller à l'autre bout de la Région avec une Autolib', outre le coût pour l'usager, la concentration du service sur la petite couronne a rapidement douché les plus volontaires. Autre frein à l'usage, la capacité à trouver une voiture à des instants critiques, comme par exemple le dimanche soir à 22 heures à proximité d'une gare : Uber et les transports en commun jouissent - encore - de quelques atouts...

Autolib' a voulu reproduire le même principe de fonctionnement que Vélib', mais si ce dernier est clairement conçu par nature pour des petits trajets avec de fait une rotation rapide des vélos et une gestion relativement aisée des déséquilibres de flux (par des petits camions de transfert ou des primes à l'égard des clients remontant les vélos dans les quartiers escarpés), Autolib' s'est finalement retrouvé pris dans ses propres filets. Maintenat, Bolloré se retourne vers les communes adhérentes au service pour éponger les pertes, de plus de 290 M€ puisque le contrat avait été rédigé de telle sorte que les collectivités supportaient la majorité du risque commercial. La Ville de Paris ne l'entend pas de cette oreille et la fin de ce mois pourrait être fatale à Autolib'.

Bref, les solutions classiques - les associations d'autopartage, le vélo et les transports en commun - ne sont pas dénuées d'intérêt même si elles ont l'inconvénient d'être moins médiatiques... 

La Ville de Paris annonce avoir ouvert des discussions avec d'autres potentiels fournisseurs d'un service comparable... mais pour quels réels besoins ? Quand on sait que 40% des déplacements en Ile de France s'effectuent sur une distance inférieure à 5 km, il serait plutôt temps de changer de braquet sur la politique en faveur du vélo (éventuellement assisté) et bien évidemment de miser encore plus qu'aujourd'hui sur les transports en commun : voies réservées aux bus, exploitation par véhicules articulés, tramways, solutions certes classiques d'un autre siècle, mais dont l'utilité ne peut guère être mise en doute.

Lire également l'excellent article du site L'interconnexion n'est plus assurée.

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Commentaires
J
Eh bien dans ce concert de critiques, je vais apporter un bémol. Je trouvais ce système extrêmement intéressant et pratique pour des petits déplacements que les TC ne pouvaient accomplir, en banlieue, principalement en petite couronne. Le modèle économique a sans doute été mal pensé mais l'idée de disposer de petits véhicules que l'on n'était pas obliger de remettre à la station de départ me semblait très pertinente. <br /> <br /> J'ai renoncé à posséder une automobile, et Autolib' était à même de parer à cette absence dans certains cas bien spécifiques. Je regrette vivement la disparition de ce service qui s'inscrivait dans une réelle complémentarité.
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7
Merci pour cet article… dans mon département (78) est mis en place des voitures zoe que l'on peut décider "d'emprunter" par réservation internet "clem mobi". Ma propre voiture étant en réparation, j'ai pu essayer la formule, bien pratique car ce véhicule est à 200m de chez moi. Pour une trentaine d'euros, je l'ai gardée 11h… Mais certainement que l'utilisateur précédent n'avait pas correctement rebranché le véhicule, car la batterie n'était chargée qu' à 60% (70 km envisageable donc)… Cela dit, le véhicule Renault zoe était impeccable… et assez dynamique.<br /> <br /> <br /> <br /> Bref, tout ça pour dire : formule appréciable. Maintenance forcément moindre qu'une voiture thermique. Mais je n'ai aucune idée sur la réelle rentabilité de l'affaire… De plus… c'est toujours la question des batteries : performance km, durée de vie, recyclage, réserves mondiales de lithium et autres… Je vois aussi des sociétés investir dans des bus et cars électriques… Combien d'années faut-il pour être sûr que ces modèles électriques soient viables… pour longtemps ?
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G
Une comparaison intéressante ici :<br /> <br /> https://bfmbusiness.bfmtv.com/entreprise/autolib-pourquoi-bollore-a-echoue-a-paris-alors-qu-il-reussit-a-lyon-sans-subvention-1475747.html<br /> <br /> <br /> <br /> Quelqu'un a-t-il plus d'infos sur le fonctionnement du système lyonnais, et son bilan ?<br /> <br /> <br /> <br /> « Ce sont exactement les mêmes citadines électriques, la Bluecar de Bolloré. Et un système de location comparable, par abonnement. Pourtant alors que les adeptes franciliens d'Autolib' vont devoir faire s'en passer, à Lyon, Bluely se porte bien, si l'on en croit Lyon Capitale. »
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C
Et histoire d'en rajouter un couche, on pourrait aussi titrer la fin prévisible du vélib<br /> <br /> => https://france3-regions.blog.francetvinfo.fr/transportez-moi/2018/06/18/exclu-les-chantiers-quasi-insurmontables-de-smovengo-pour-tenter-de-ranimer-velib.html
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Z
Le fiasco Autolib n'est pas vraiment une surprise, il suffit de se déplacer une heure en vélo (personnel) dans Paris pour voir ce qui constitue les déplacements urbains : <br /> <br /> - des vélos en tout petit nombre à cause de la pagaille Smovengo incapable de gérer les bornes et les vélos;<br /> <br /> - des scooters électriques de plus en plus nombreux, de couleur blanche, verte ou noire, pilotés par des "petits jeunes" avec sac à dos d'étudiants ou de sportifs<br /> <br /> - des 508-Passat noires uberisées en nombre hyper croissant, en double et triple file partout en attente de voyageurs ou vidant leurs clients devant les hôtels<br /> <br /> et une noria de scooters et motos pilotés de plus en plus par des jeunes femmes.<br /> <br /> Dans un tel environnement, la fourgonnette Autolib-Bolloré ne peut pas avoir de marché, souvent sales voire repaires de Migrants-SDF-ivrognes. <br /> <br /> Le bon sens pour l'équipe socialo-communiste dirigeant la Mairie de Paris est de reconnaître son erreur et d'arrêter les frais et de virer Autolib, la partie est perdue et le vaincu doit payer, principe du capitalisme militaro industriel. À la justice de déterminer le vaincu.<br /> <br /> Tenir compte de ce fiasco, pour régler le problème Vélib et changer d'opérateur, la PME régionale du monde des bisounours n'a pas été à la hauteur, ce qui ne surprend que Mme Baratin-Elbaz qui pourrait goûter rapidement des prestations de Pôle Emploi tellement le désordre est général.
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U
Combien va encore nous couter cette affaire, car ils ont beau agiter leur petits bras à la mairie de Paris, tout ce qu'ils arrivent à produire c’est du bruit brownien. Il serait étonnant que Bolloré lâche le morceau et prenne les 290 M€ à son compte, jugement, appel, cassation, frais de justice, etc. Si le contrat est résilié, il y a de grosses indemnités prévues au contrat, estimation 155 M€, car étonnamment, malgré tout ce qu'on lit sur cette histoire il est difficile de connaitre exactement l'ampleur du désastre (sur un autre forum on parle 15 k€/an/voiture). <br /> <br /> Je me rappelle, encore, la façon dont les insultes fusaient, lorsque les béotiens rétrogrades osaient critiquer le viabilité du services et la structure du contrat qui avait été mis en place à l'époque, rentabilité par ailleurs largement mise en cause dans les différents rapports annuels de la cour des comptes.<br /> <br /> De toute façon faudra payer et se seront toujours les mêmes qui vont éponger les conneries.
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D
Vivement le retour des vélib électrique ou l'arrivée de Jump Bike (=Uber Bike) en Île-de-France ! Je renonce à faire Saint-Denis - Paris en vélo sans assistance électrique ^^'
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G
Aux zélateurs des politiques publiques de transport, je voudrais juste rappeler que notre beau pays, si on met de côté l’ Italie, est l’homme malade de l’Europe occidentale : corruption endémique dans les marchés publics, capitalisme de connivence (Dieselgate, privatisation des autoroutes, d’ADP etc.), état stratège défaillant (tout TGV, la route solaire d’Eolienne Royal...) bref je me répète : tout ce que touche l’état français en matière de politique de déplacement se transforme immanquablement en bouse...
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P
Comment passer de "40% des déplacements en Ile de France s'effectuent sur une distance inférieure à 5 km" à trouver comme solution "voies réservées aux bus, exploitation par véhicules articulés, tramways" ?<br /> <br /> Ce sont des concepts pouvant s'appliquer à Paris et la petite couronne éventuellement, mais ce n'est pas forcément pertinent pour toute l'Ile de France. Car l'Ile de France est bien plus vaste, cela ressemble à une banalité de le dire, mais cela semble fréquemment oublié malheureusement. <br /> <br /> <br /> <br /> Il ne faut donc pas asséner que tout le monde doit laisser tomber sa voiture et rallonger la durée de ses trajets pour subir les aléas climatiques à pied (5 km = 1h de marche) ou à vélo, limiter ce qu'on peut emporter avec soi y compris sa famille, ou bien devoir régler ses déplacements sur l'horaire du prochain bus qui passe dans une heure et demi.<br /> <br /> <br /> <br /> L'échec d'Autolib montre deux choses : <br /> <br /> - Le vandalisme est courant dans tous ces schémas de partage, car quand c'est à tout le monde, c'est à personne, et il n'y a pas de motivation à rester soigneux. Paris a changé le modèle de Velib aussi pour limiter les coûts énormes du vandalisme.<br /> <br /> - Il est ironique pour la mairie de Paris de regretter l'échec d'un service de location de voitures, quand absolument tout est fait contre l'automobile dans cette ville. <br /> <br /> <br /> <br /> Le vrai problème, c'est confondre pollution et automobile. Sur le prétexte de la première, c'est la seconde qui est haïe. Mais quand bien même toutes les voitures en France seraient propres, Paris continuerait sa politique hostile. C'est se tromper de combat.
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E
Je trouve que cet article ressemble un peu à une paraphrase de l'article d'Olivier Razemon sur l'Interconnexion n'est plus assurée, plus qu'à une simple inspiration... Au point de retrouver des expressions très proches ou identiques :<br /> <br /> <br /> <br /> "C'est le principe du taxi dont vous êtes le conducteur" = "C’est un taxi que l’on conduit soi-même."<br /> <br /> <br /> <br /> "un véhicule électrique a besoin d'être rechargé, ce qui n'est pas franchement compatible avec le principe de rotation rapide des véhicules" = "Sauf que recharger une voiture électrique demande du temps. Or, le partage des véhicules repose sur le principe d’une rotation rapide. "<br /> <br /> <br /> <br /> Enfin, je dis ça, je dis rien...
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T
Il y a sans doute des besoins couverts de manière pertinente par Autolib (de nuit ou avec trop de correspondances) mais les VTC couvrent largement le premier, et le second est trop peu porteur pour rentabiliser le service ou au moins l'assurer à un coût supportable pour la collectivité.<br /> <br /> <br /> <br /> On ne peut que souscrire au retour des "bonnes vieilles solutions" que sont le vélo ou les TC. Mais entre les paroles (vive les aménagements vélos/TC) et la réalité (pistes/couloirs de bus mal faits et non protégés), il y a comme un gouffre, d'autant plus que l'on continue à considérer une voie de bus comme un aménagement cyclable (solution souvent perdant/perdant sur les grands axes) et que le Préfet persiste à croire que les services d'urgence circuleront mieux s'il y a plus de files ouvertes à la circulation motorisée individuelle (ce qui est faux).
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G
Le socialisme s’arrêtant quand l’argent des autres vient à manquer... tout ce que touche l’état et les collectivités (communes, région etc.) en matière d’organisation des déplacements finit immanquablement en catastrophe technique, économique ou financière.
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L
Encore un machin lancé sans grande réflexion et bien entendu " le contrat avait été rédigé de telle sorte que les collectivités supportaient la majorité du risque commercial." <br /> <br /> Un grand classique à Paris.
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