Le tentaculaire RER C a certes l'avantage de couvrir une bonne partie de l'Ile de France, au prix d'une lisibilité des plus médiocres et d'une propension non nulle d'envoyer les touristes de Paris à Versailles avec en prime la découverte du val de Bièvre, mais il est aussi de fait particulièrement touché par l'accumulation de travaux en Ile de France, qu'il s'agisse de renouvellement ou de développement.
Renouvellement de Paris - Brétigny et réaménagement de Brétigny
Commençons par les besoins intrinsèques. En tête d'affiche, le renouvellement de la caténaire entre Paris et Brétigny, avec 8 années de travaux sur la période 2017-2025. Un chantier complexe sur une infrastructure à 4 voies et avec d'importantes contraintes de réalisation des travaux et de compatibilité avec les circulations. Une suite rapide dédiée est affectée au projet avec des méthodes nouvelles et le recours à l'externalisation de la maîtrise d'oeuvre.
Saint Michel sur Orge - 27 avril 2010 - Le renouvellement de la caténaire sur les 4 voies de la section Paris - Brétigny constitue un chantier particulièrement dimensionnant pour tous les trains du faisceau Austerlitz, compte tenu des conditions d'interventions et de protection du personnel sur les voies centrales. © transportparis
Ce n'est pas tout : en moyenne, il faudra renouveler 15 km de voie chaque année sur la même période et environ 350 appareils de voie.
On continue avec le projet de réaménagement de la gare de Brétigny, dont on espère qu'il va enfin se sortir des errements qui ont différé sa réalisation d'une bonne décennie. La première phase prévoit la réalisation d'un saut de mouton entre la voie 1bis et le flanc ouest de la gare pour créer un terminus dédié pour les missions du val d'Orge, à raison de 12 trains / heure / sens, du fait du détournement de la mission circulaire Versailles RG - Versailles Chantiers vers Brétigny, avec la création du tram-train Massy-Evry.
Cette première phase impliquera la création d'un quai supplémentaire pour le RER C et de nouvelles positions de garage en arrière-gare. La seconde phase est plus liée à la régénération des postes de signalisation, occasion de les fusionner et de revoir le plan de voies côté sud avec de nouvelles communications de service provisoire en cas d'interception de l'exploitation au nord de Brétigny, autorisant la circulation de navettes Brétigny - Dourdan / Etampes.
RER E, Grand Paris
Le programme est conséquent ? Mais ce n'est pas tout. Le week-end dernier, le cadre du passage souterrain de la future gare de correspondance des Ardoines, en correspondance avec la ligne 15 du Grand Paris Express n'est que la première étape de l'importante transformation de cette gare, qui passera à 6 voies pour augmenter le nombre d'arrêts, en particulier les missions de grande couronne. Toujours dans la série des interfaces avec ce nouveau métro, il est encore un peu tôt pour plancher sur les impacts de la ligne 15 Ouest du côté de Gennevilliers et de la ligne 18 dans le secteur de Versailles.
En revanche, dans le même registre de l'impact des grands travaux, le RER C est impacté par les travaux de prolongement du RER E, dans le secteur de la Porte Maillot et de la ligne 14 : si on commence à entrevoir le bout du tunnel sur l'extension nord, c'est désormais au sud que vont se concentrer les impacts, avec le prolongement Olympiades - Aéroport d'Orly, croisant le RER C à la gare du Pont de Rungis.
Trams-trains et Massy - Valenton ou les conséquences d'un dérapage politique
La barque commence à être bien chargée, mais ce n'est pas fini : ajoutons pour faire bon poids les travaux des trams-trains T12 et T13 et en particulier T12 qui reprendra à terme la section sur la Grande Ceinture entre Versailles Chantiers et Epinay sur Orge. Or T12 sera réalisée en deux temps avec une première phase Massy - Evry et une exploitation alambiquée de la section Versailles - Massy, qui aurait dû être récupérée par les missions Massy via Pont de Rungis, cadencées au quart d'heure grâce à la réalisation des aménagements sur Massy - Valenton (afin de faciliter l'insertion des TGV Intersecteurs). Patatras, l'opération approche les 20 ans de retard (grâce au maire d'Antony) et met à terre ce schéma, imposant la mise en oeuvre d'une solution provisoire à l'exploitabilité hasardeuse : une navette ferroviaire Versailles - Massy et des trams-trains Massy - Evry. Accessoirement, comment passe le Fret (eh oui, il y en a encore...) et le TGV Le Havre - Marseille ? La facilité serait de prolonger le tram-train d'emblée à Versailles, mais le décalage des travaux de réalisation des adaptations de la section Versailles - Massy compromet ce scénario de bon sens.
Il faudra évidemment prendre en compte l'impact intrinsèque des travaux de Massy - Valenton qui vont bien finir par aboutir mais dans une période déjà passablement chargée pour le RER C. Les travaux de la partie Est, dans le secteur d'Orly seront les premiers réalisés, tandis qu'à l'ouest, il faudra être patient pour aller à l'inauguration du saut de mouton entre Massy Verrières et Chemin d'Antony.
Si on ajoute que commence à flotter dans l'air du temps l'idée d'une gare TGV au Pont de Rungis, une conclusion s'impose : le RER C pendant les 10 voire 20 prochaines années ne sera pas de tout repos ni pour les voyageurs, ni pour l'opérateur !
Une nouvelle grille pour le RER C
Devant l'accumulation de chantiers sur cette période et surtout leur superposition, le plan de transport du RER C doit légitimement être remis en question. L'augmentation des temps de parcours résultant de ces travaux (avec un forfait de 4 à 6 minutes en moyenne) n'est pas compatible avec la grille actuelle et il devient nécessaire de concevoir une desserte essayant d'isoler les problèmes les uns des autres. Le RER C transporte en temps normal 540 000 voyageurs par jour, avec un fort déséquilibre (Paris - Brétigny accueillant la majorité du trafic) avec une régularité moyenne autour de 87%, soit 3 points de moins qu'en 2013.
Ile de France Mobilités a donc demandé à la SNCF de jeter les bases d'une nouvelle desserte qui compose durablement avec cette accumulation de travaux, afin de proposer un service lisible dans la durée, évitant les multiples variantes, qui au passage ne sont pas non plus commodes à gérer pour l'exploitant.
Déjà passée de 24 à 20 trains par heure et par sens suite à l'incendie du poste de Vitry, la desserte du tronçon central parisien devrait probablement tomber à 16 trains par heure, ce qui, au regard de la charge, semble suffisant, mais suppose d'utiliser des terminus intermédiaires pour maintenir une bonne desserte sur les branches. On pensera évidemment au report à Paris-Austerlitz (surface) des missions de grande couronne (Dourdan et Etampes). Sur la branche nord, l'utilisation du terminus Henri Martin mériterait d'être renforcée, d'autant qu'avec les correspondances nouvelles (métro 14 à Clichy - Saint Ouen et Porte de Clichy, RER E à Porte Maillot), les possibilités de liaisons plus rapides vers le centre de Paris vont être accrues.
Vitry sur Seine - 25 septembre 2011 - Débat central dans l'organisation de la desserte : l'équilibre entre les missions rapides et les missions omnibus, mais les partisans des premières ne veulent rater aucune correspondance, en particulier avec le Grand Paris Express ! L'heure des choix approche. © transportparis
Autre enjeu, la répartition de la desserte, notamment entre Paris et Brétigny : le principe d'une desserte à 12 trains par heure vers Brétigny semble faire son chemin. Reste en revanche à arbitrer l'organisation de l'offre sur les différentes sections Paris - Choisy, Choisy - Juvisy et Juvisy - Brétigny, sachant que la desserte systématique des Ardoines devrait figurer au chapitre des éléments intangibles pour cause de correspondance avec le Grand Paris Express. Il faudra concilier des positions antinomiques, entre la petite couronne, qui demande plus de trains compte tenu des évolutions de population, et la moyenne couronne en particulier le Val d'Orge qui souhaite des trains rapides vers Paris. L'effet fréquence peut jouer le rôle de monnaie d'échange, mais on connait la frilosité des élus locaux sur ce point. Dans ce schéma, la desserte d'Etampes et de Dourdan serait confiée à des missions rapides ne desservant que Juvisy et Brétigny... a minima car il faudra probablement ajouter l'arrêt aux Ardoines afin de ne pas prêter le flanc à la critique d'une grande couronne oubliée du Grand Paris...
A suivre...
Surtout que cette ligne est symbolique, puisqu'elle cumule les excès des RER, autour desquelles on a cru jusqu'à la fin des années 90 pouvoir raccorder le réseau Trancilien, les enjeux de régularité, et l'articulation avec les multiples projets incidents.
Je suis aussi surpris qu'on n'y évoque pas l'avenir du tronçon central, son insertion médiocre dans le réseau intra-muros, ses contraintes d'exploitation et les risques d'inondation, sans compter les travaux "à la Sisyphe" qui risquent de durer encore très longtemps.
Sur la forme, s'il y a un sujet sur lequel la muiltiplication des schémas s'impose, c'est bien celui-là.
Evidemment, tout cela mérite aussi un peu de prospective ouverte de la part des commentateurs de ce blog.
Je me rends bien compte que la critique est facile, mais l'enjeu en vaut la chandelle, et nous savons que vous avez le talent pour rendre ces sujets passionnants.