40 ans de RER
Il y a 40 ans, le RER faisait la une de l'actualité. La preuve ! En consultant les archives de l'INA, on note qu'il a fait l'ouverture des journaux des 3 chaînes de télévision le jour de l'inauguration, le 8 décembre 1977, mais qu'il est aussi présent dans les jours précédents avec des reportages sur la traversée de Paris à 100 km/h (La Défense - Noisy le Grand en 20 minutes), ou la présentation de la gare de Châtelet Les Halles, alors la plus grande station de métro du monde.
Roger Gicquel sur TF1, Patrick Poivre d'Arvor sur Antenne 2 et Francine Buchi sur FR3 : entre le 6 et le 8 décembre 1977, la mise en service du RER, plus exactement de la double jonction Auber - Nation et Luxembourg - Châtelet Les Halles, a largement été couverte par les trois chaînes de télévision. Il est vrai que le Président de la République avait lui-même pris les commandes de la rame inaugurale !
Paris - Station Auber - 8 décembre 1977 - "Giscard à la barre" disait le slogan : le président de la République s'était fait une spécialité dans la conduite des rames inaugurales, ici aux commandes d'un MS61, le matériel par excellence du RER à sa création. (Archives Les Echos).
Aujourd'hui, le RER est fréquemment associé aux tracas de la vie quotidienne : RER rime un peu trop souvent avec galère. Cette situation résulte avant tout du formidable succès qu'il constitue indiscutablement, au point d'en être aujourd'hui victime. Bien sûr, les deux opérateurs, la RATP et la SNCF, peuvent toujours progresser mais la technique ne peut pas tout, surtout quand elle requiert des milliards d'euros.
L'urbaniste a aussi son mot à dire : la crise de l'exploitation des RER résulte aussi de choix d'aménagement de la région parisienne remontant à la fin des années 1950, quand le général De Gaulle avait demandé au préfet Paul Delouvrier de "mettre un peu d'ordre dans ce bordel". Le déséquilibre dans la distribution spatiale de l'habitat et de l'emploi est une cause structurelle de ces grandes transhumances quotidiennes. Comme nous l'avons déjà dit à transportparis, "le RER A vivrait mieux si un tiers des emplois de La Défense se situaient à Noisy le Grand".
On pourra aussi s'intéresser au phénomène sociétal qui considère que le travail commence pour beaucoup à 9h et s'achève à 18h alors qu'une modulation des horaires aurait un effet significatif sur le traitement de l'hyperpointe. Dans le même axe de réflexion, les effets du télétravail pour une partie de la population mériteraient d'être évalués au regard des investissements éludés ou significativement différés. Le tout avec un effet non nul sur la qualité de vie privée et professionnelle...
Naturellement, le technicien ne sera pas au chômage, car l'amélioration des RER passera aussi par une révision de la conception de l'offre : les schémas plus ou moins complexes comme ceux des RER C et D devront être simplifiés, quitte à faire des choix délicats, mais dans l'objectif d'améliorer globalement le fonctionnement de ces lignes. Le renouvellement du matériel roulant, l'introduction de nouveaux systèmes d'exploitation, le pilotage automatique sur les sections centrales, la modernisation des gares seront assurément au menu de la prochaine décennie.
Et l'urbaniste de revenir au galop pour demander à ce qu'on n'oublie pas l'intermodalité, la coordination des modes de transport, l'intégration de ce qu'on qualifie de "nouvelles mobilités", le développement de services en gare pour valoriser les interstices dans la chaîne des déplacements et bien évidemment une articulation entre les projets urbains et leur desserte par les transports en commun.
Il est plus que temps car tant le prolongement du RER E que la réalisation du Grand Paris Express ne feront au mieux qu'absorber l'évolution du trafic d'ici à leur mise en service (à coup de milliards). Lors du colloque organisé par la RATP le 4 décembre dernier, Alain Krakovitch, directeur de Transilien, a évoqué la perspective - inquiétante ! - d'un RER D à 900 000 voyageurs par jour en 2030, contre 650 000 actuellement avec les difficultés que l'on sait...
Difficile de dire ce que sera le RER dans 40 ans mais du moins peut-on espérer que dans 10 ans, il aura réussi son évolution technologique et qu'on aura su tirer les enseignements d'années passablement difficiles pour inciter la société à penser différemment son rapport aux réseaux de transport, jusque dans les choix d'aménagement du territoire, mais aussi l'organisation de l'équilibre indiividuel entre les temps personnel et professionnel. Elus, opérateurs, employeurs, urbanistes et franciliens : chacun peut contribuer à cette nouvelle ère du RER. Il faut se l'avouer : ce ne sera pas facile !
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