RER C : des rehaussements partiels... pour quoi faire ?
C'est un grand sujet qui anime régulièrement la chronique ferroviaire en Ile de France. Nous vous épargnerons l'historique qui a déjà été largement été évoqué dans les colonnes de transportparis. Rappelons donc brièvement qu'il est apparu dans l'entre-deux guerres avec l'électrification de la banlieue Ouest-Etat (Invalides et Saint Lazare), puis le transfert à la CMP de la ligne de Sceaux et enfin avec le transfert à la RATP de la ligne de Boissy Saint Léger, ayant toutes pour point commun d'accueillir une exploitation de type Métro avec du matériel à portes nombreuses, équiréparties, donc à plancher haut.
La géographie ferroviaire est comme la grammaire française : il y a souvent des exceptions, et le RER C en est une, et de taille. En situation actuelle, 9% des gares disposent de quais hauts de 920 mm sur son périmètre. Si on ajoute le fait que des gares très dimensionnantes comme Saint Michel Notre Dame et Versailles Chantiers, qui ont aujourd'hui des quais à 320 mm, ne peuvent disposer de quais de plus de 550 mm du fait de l'importance des rayons de courbe, le problème gagne en complexité. Ajoutez les troncs communs avec la ligne H au Nord (sur Ermont - Pontoise) équipée de Francilien (mais desservant des quais encore majoritairement bas), avec la ligne U (sur Versailles Chantiers - Saint Quentin en Yvelines), elle-même en tronc commun successivement avec un réseau à quais hauts (Saint Lazare) et à quais bas (Montparnasse)... Il ne vous manque plus que les arrêts des TGV Le Havre - Marseille et des TET Paris - Granville à Versailles Chantiers (nécessitant des quais bas)...
Si vous avez fait le choix de lire cet article jusqu'au bout (merci !), vous avez compris la complexité de l'affaire.
Dans ces conditions, la mise en oeuvre de rehaussements partiels des quais à la cote de 760 mm vient pimenter une recette déjà passablement épicée. C'est d'abord ajouter une hauteur supplémentaire... enfin, pas tout à fait car certains quais entre Issy Val de Seine et Viroflay Rive Gauche sont déjà à 760 mm. Mais surtout, c'est une modification "ponctuelle" des quais. Les guillemets ne sont pas de trop car, pour rehausser environ 40% de la longueur du quai à 760 mm (aux extrêmités et au milieu du quai pour les trains courts), il faut finalement le refaire sur toute sa longueur. Dans les gares parisiennes souterraines, une solution alternative a tout de même été trouvée avec des éléments préfabriqués rajoutés sur le quai existant.
Juvisy - Quais du RER D - 23 mai 2017 - Sur la partie destinée au RER D, les quais ont été relevés à 760 mm afin de pouvoir recevoir à la fois les RERng (plancher à 970 mm) et les Régio2N (plancher à 600 mm). © J.J. Socrate
Juvisy - Quais du RER C - 23 mai 2017 - Pour le RER C, alors que le STIF penche pour un matériel à plancher bas (600 mm), les quais sont en cours de rehaussement partiel à 760 mm. A l'arrivée du nouveau matériel (certes, pas tout de suite), il faudra casser ces rehaussements ! © J.J. Socrate
Juvisy - Quais du RER C - 23 mai 2017 - Zoom sur la tête de quai avec la rehausse partielle à 760 mm. Pour quel usage ? Voir l'image suivante ! © J.J. Socrate
Juvisy - Quais du RER C - 23 mai 2017 - Rehausser à 760 mm ne sert à rien puisqu'il reste une marche. Alors rehausser à 920 mm ? Certes, mais dans ce cas, la marche visible formerait un vide entre la plateforme du train et le quais. En aucun cas, l'accessibilité n'est possible en autonomie. Donc à quoi bon réaliser l'investissement si de toute façon l'accompagnement reste indispensable ? © J.J. Socrate
Ermont Eaubonne - 1er juillet 2017 - Les quais à 760 mm fleurissent ça et là au gré de travaux de modernisation ou de mise en accessibilité pour un résultat plus que discutable. Ici, c'est le quai 1 d'Ermont Eaubonne qui a été rehaussé à 920 mm au droit du nouveau bâtiment voyageurs, soit le tiers de la longueur du quai. Pourtant, le STIF a choisi d'aller vers du "plancher bas" sur le RER C... © J.J. Socrate
Outre l'effet dromadaire (mais génétiquement modifié car avec 3 bosses...), le choix de rehausser partiellement les quais du RER C à 760 mm apparaît comme un non-sens à plusieurs titres :
- sur le plan de l'accessibilité : certes, une marche de moins, mais une marche encore et de toute façon le besoin d'une assistance par un agent de gare pour embarquer et débarquer un voyageur en fauteuil roulant ;
- sur le plan de la cohérence avec le matériel roulant : les rehaussements partiels ne sont pas gênants tant que les Z2N sont sur la ligne... mais après ?
Alors justement : après ? Etant donné que la très grande majorité des quais du RER C sont au plus à 550 mm, et compte tenu des contraintes à Versailles Chantiers et Saint Michel Notre Dame, cette cote pourrait devenir la référence pour l'ensemble de la ligne, moyennant la reprise (pas des plus légères il est vrai) des quais déjà à 920 mm.
Par conséquent, à l'horizon du renouvellement des Z2N (vers 2035 en point d'équilibre), il serait de bon ton que les quais du RER C soient - à nouveau - rectifiés à 550 mm pour un accès de plain-pied depuis un matériel à plancher bas.
L'option inverse, c'est à dire le relèvement de tous les quais à 920 mm, serait bien plus onéreuse et gênante pour l'exploitation comme pour les voyageurs. Avec un coût de base entre 8 et 10 M€ par gare (dans une configuration ordinaire à 2 quais), et hors cas symbolique de Saint Michel Notre Dame, l'addition pourrait devenir indigeste, d'autant qu'elle entrainerait ipso facto de rehaussement des quais sur la banlieue Montparnasse... pour lesquelles du Régio2N (à plancher bas) sera livré à partir de 2019.
Morale de cette histoire (pardon pour la longueur !) : les rehaussements à 760 mm en cours sont un non-sens !