Actuellement, le projet de ligne 15 entre Pont de Sèvres et Noisy-Champs, premier maillon du Grand Paris Express, prévoit d'organiser la correspondance avec le RER E dans une nouvelle gare située entre celles des Boullereaux et de Villiers sur Marne, à 1100 m à l'ouest de cette dernière. Située à la limite de trois communes, Bry sur Marne, Villiers sur Marne, Champigny sur Marne, elle porte pour l'instant trois noms différents : Trois Communes, Bry-Villiers-Champigny ou BVC parce qu'on aime bien les sigles dans notre pays.

Une gare dans un goulot

La création de cette gare sur une section tendue de l'exploitation du réseau Paris Est, sur le goulot à 2 voies entre Nogent Le Perreux et la zone de dépassement à 4 voies Emerainville - Roissy en Brie, constitue un petit défi pour l'exploitation ferroviaire puisque cette gare entraînerait mécaniquement le ralentissement de l'ensemble des trains sur cette section, y compris les trains Intercités et TER de l'axe Paris - Troyes, en plus des trains d'Ile de France censés la desservir : outre les RER E, seraient concernés les Transilien des lignes de Coulommiers et de Provins. L'impact serait d'autant plus fort que le RER E devra augmenter son maillage avec les développements du réseau dans l'est parisien, notamment la ligne 11 à Rosny Bois Perrier et T11 à Noisy le Sec : deux gares que la mission Tournan ne dessert pas actuellement.

Premier obstacle : les trains Paris - Provins sont assurés en AGC bimodes pour cause d'absence de caténaires entre Gretz et Provins. Les trains Paris - Coulommiers sont en Francilien et le RER E en MI2N. Deux matériels à plancher haut et un à plancher bas. Quelle hauteur de quais ? L'arrêt des Paris - Provins est donc renvoyé à l'électrification de la section Gretz - Provins et au remplacement des AGC par du matériel électrique à plancher haut. Or l'électrification ne semble pas faire partie des priorités du CPER 2015-2020 puisque son bilan socio-économique est loin d'être avéré compte tenu des performances des nouveaux matériels bimodes (AGC et Régiolis) qui permettent de gagner du temps sans lourds investissements sur l'infrastructure.

Deuxième obstacle, et non des moindres : l'environnement urbain. Pour limiter l'impact de la création de cette nouvelle gare, il faudrait la doter au moins de 3 voies afin de pouvoir disposer de 2 voies dans le sens de la pointe et ainsi donner un petit bol d'air au montage de la succession des trains. Une version à 4 voies est aussi envisagée. Manque de chance, l'emplacement de la gare est bordé au nord par une petite voirie desservant des pavillons traditionnels de banlieue, et au sud par un récent lotissement en accession à la propriété. Pour ajouter 2 quais de dimension compatible avec les normes d'accessibilité et les flux prévisionnels de la correspondance, c'est à dire au moins 6 m pour la desserte d'une voie et 10 m pour un quai central, le volet foncier ne sera pas la moindre des délicatesses du projet.

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Vue aérienne du secteur d'implantation de la gare Bry-Villiers-Champigny : pour insérer une voie supplémentaire et deux quais, l'espace disponible est très contraint, voire insuffisant. Dans une version à 4 voies, la situation deviendrait très problématique.

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Extrait du dossier d'enquête publique de la ligne 15. Le tunnel passe au pied de la gare existante, et le raccordement de service vers l'atelier de maintenance passe en diagonale sous les voies.

Une affaire de piano et de tabouret...

Vient ensuite le temps des questions. Pourquoi créer une nouvelle gare à 1100 m de celle de Villiers sur Marne ? Une interrogation d'autant plus pertinente que, lorsqu'on regarde attentivement les plans de la future ligne 15, celle-ci passe... au pied de la gare existante !

Dès lors, pourquoi ne pas privilégier la desserte du coeur de ville, de la gare existante et bénéficier des correspondances existantes avec le réseau d'autobus ? Il est vrai que la gare de Villiers sur Marne est exiguë et devrait être notablement transformée pour gérer la correspondance. Ce serait aussi l'occasion d'implanter une 4ème voie et un titoir de retournement de la mission terminus du RER E afin de procurer enfin la souplesse d'exploitation qui fait aujourd'hui défaut. L'impact foncier ne serait pas nul mais assurément plus faible qu'à BVC.

Le coût également : on parle de plusieurs centaines de millions d'euros pour la seule partie ferroviaire de BVC, probablement plus de 300 M€, alors que la transformation du plan de voies et de la gare de Villiers sur Marne devraient pouvoir se contenter de 60 à 80 M€.

Bénéfice pour Villiers sur Marne : une correspondance RER E - ligne P - ligne 15 - autobus en coeur de ville et une liaison directe Villiers - Paris Est en 16 min environ avec les missions Coulommiers dans un premier temps (soit 2 trains par heure) et Provins dans un second temps (soit 4 trains par heure). De quoi compenser le ralentissement de la mission Tournan du RER E du fait des créations d'arrêt pour cause de correspondances.

Bénéfice pour l'exploitation ferroviaire : une exploitation plus souple de la section Noisy le Sec - Gretz Armainvilliers et un gain de robustesse avéré pour le RER E sur la mission Villiers sur Marne avec des conditions de terminus sensiblement améliorées.

Quant à la ligne 15, l'organisation de la correspondance avec le RER E à Villiers sur Marne plutôt qu'à BVC ne serait pas incompatible avec la création d'une station de métro sur le site de BVC pour desservir une zone à potentialités d'aménagement urbain.

En résumé : il faudrait une station de plus sur la ligne 15... et ne pas en ajouter sur le RER E : bref approcher le tabouret plutôt que le piano... Le plus cocasse est qu'elle était initialement prévue et c'est au débat public du Grand Paris que les élus locaux ont soutenu le projet d'une gare nouvelle sur le RER plutôt que d'organiser la correspondance dans la gare existante...