Le premier couloir d'autobus a 50 ans
Le tourbillon de l'actualité fait qu'on l'a oublié. L'été permet de réparer quelques oublis.
Quai de la Mégisserie - 1964 - Le premier couloir d'autobus suscita de nombreuses critiques mais finalement, l'idée fit son chemin. Aujourd'hui, l'enjeu est surtout de les faire respecter pour qu'ils ne se transforment pas en file de stationnement tolérée par une police bien plus laxiste que sur d'autres infractions bien moins pénalisantes pour la circulation... © J.H. Manara
C'était le 15 janvier 1964. Pour essayer d'améliorer les conditions de circulation des autobus dans Paris, la RATP obtenait de la Préfecture de Police, très réservée à l'origine sur la mesure, l'expérimentation de la réservation d'une voie sur une longueur de 990 m sur le quai du Louvre. Suscitant un véritable tollé contre ce qui était alors considéré comme une atteinte à la liberté et une privatisation de l'espace public, le couloir n'était réservé aux autobus qu'entre 8h et 21h. Avec ses maigres effets, il réussit pourtant à emporter la décision de développer ces voies réservées pour éviter que la vitesse des autobus ne continuent de descendre sous la barre des 9 km/h. En 1970, on comptait 26 km de voies réservées sur l'ensemble du réseau RATP, ce qui était fort peu, et témoignait d'une forte réticence. Il fallut attendre 1975 et le lancement des Lignes Pilotes dans le sillage de la Carte Orange pour que les autobus parisiens bénéficient de conditions de circulation améliorées.
Cinquante ans plus tard, les couloirs d'autobus restent un objet de polémique. En 2001, l'alternance politique à la mairie de Paris donna un puissant coup d'accélérateur avec des couloirs séparés physiquement du reste de la chaussée, suscitant de vives réactions. Certaines réalisations, comme boulevard Magenta ou boulevard Saint Marcel, ne furent guère heureuses car mal conçues pour la circulation des autobus eux-mêmes.
Boulevard de Rochechouart - 9 juillet 2011 - La section Place de Clichy - Barbès-Rochechouart fait partie des aménagements bien conçus en faveur des autobus, qui circulent de part et d'autre du terre-plein central, avec des arrêts aménagés en refuge. On est loin des errements du boulevard Magenta où l'autobus doit ziz-zaguer entre des couloirs latéraux et centraux. © transportparis
En revanche, en 2011, on assista à un reflux avec la suppression de trois couloirs réservés : rue de Rennes pour élargir les trottoirs et créer des pistes cyclables, ainsi que sur les rues Lafayette et l'extrémité est de la rue de Châteaudun pour installer là aussi une piste cyclable, conduisant non seulement à reporter la circulation des autobus rue de Maubeuge, où le couloir réservé n'est matéralisé que par une bande blanche, et surtout sur la rue de Dunkerque, devant la gare du Nord, en mélange avec des taxis dont il semblerait que la première préoccupation soit de gêner les autobus.
Place de Budapest - 14 mars 2012 - La rue d'Amsterdam est un point noir du réseau : étroite et très commerçante, les livraisons à toutes heures - en dépit de la réglementation - font perdre de longues minutes aux voyageurs des lignes 81 et 95 qui l'empruntent. Un instant de répit sur la place de Budapest, anormalement tranquille, pour cet Agora Line du 81... © transportparis
Il reste également à faire respecter les couloirs : si les automobilistes ont réussi à se discipliner, il n'en est pas de même pour les taxis, qui ne bénéficient que d'une tolérance d'accès et qui doivent encore faire des efforts pour respecter les règles, notamment l'interdiction de prise en charge et de dépose d'un client sur un couloir réservé. Même chose pour les livreurs, qui semble trop souvent oublier que l'arrêt - et donc a fortiori le stationnement - dans les couloirs est interdit entre 6h30 et 9h30 ainsi qu'entre 16h30 et 19h30.
Des règles que la Préfecture semble elle-même passer au second plan, préférant se concentrer sur les opérations plus visibles - lucratives ? - sur la vitesse et le stationnement payant. Pourtant, tout observateur peut constater que certains couloirs bien occupés seraient une source d'utilisation des carnets à souche de PV...
Un seul exemple, qui serait très lucratif pour la Préfecture : on peut compter aux heures interdites jusqu'à 25 véhicules de livraison en stationnement dans le couloir de la rue Saint Lazare entre la gare du même nom et la place de la Trinité. A 135 € l'amende forfaitaire, voici 3375€ qui pourraient être récoltés par un seul agent en moins d'une heure ! Un deuxième cantonné à la rue d'Amsterdam ferait au moins autant dans la même durée. Et après on accusera la police de vouloir faire du chiffre...